⚜ Bonus 1 : Le tombeau ⚜

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Paris, mois d'août

Milady

Elle n'avait pas eu besoin d'aide pour entrer dans le bâtiment. Et encore moins pour trouver la chambre qu'elle cherchait. Elle n'avait pas toqué à la porte. Elle l'avait poussée, et c'était tout. L'homme dans sa chambre leva son regard meurtri vers elle, et elle referma délicatement la porte en examinant du regard la pièce. Petite, à moitié vide et éclairée d'une chandelle, pas très digne du capitaine des Gardes Rouges, qui la reconnut et la salua d'un simple mouvement de tête.

- Céleste ? Demanda doucement Levesque, en face d'elle.

Milady reporta son attention sur l'homme. Il était dévasté. Après tout, ses deux plus proches amis avaient disparus, l'un tué par l'autre...

- Ailleurs, assura Milady d'une voix plus douce que d'habitude. En sécurité. Hors d'atteinte.

Le soulagement se peignit brièvement sur les traits de Levesque. Il craignait pour Céleste... Il avait toujours craint pour elle. Il l'avait toujours aimé plus qu'il ne le devrait. Il l'avait toujours aimé, tout court. C'était un fait, cela se voyait, tout le monde s'en doutait. Une fois, après l'amour, Alec l'avait même dit à Milady : « Les seuls qui ne savent pas que Levesque aime Céleste sont Levesque et Céleste. ». Et c'était vrai.

Mais maintenant c'était fini. Céleste ne reviendrait jamais, mais cela rassurait Levesque de la savoir hors d'atteinte des longues griffes du Cardinal. Finalement, du groupe de quatre qu'ils étaient auparavant, Milady, Alec, Céleste et Levesque, tous savaient à quel point leur employeur était dangereux pour eux. L'un en était mort, deux autres en fuite. Restait à savoir ce qu'il allait arriver au quatrième.

- Alec ? demanda finalement la meurtrière.

Levesque savait pour eux. Il leva un regard triste vers Milady avant de se lever et de récupérer la bougie. Il s'avança vers la femme aux yeux émeraudes et ouvrit la porte, lui faisant signe de le suivre. Milady vit bien qu'il hésita à lui tendre son bras, mais qu'il se rappelait de la dangerosité de la femme à ses côtés. Alors il n'en fit rien, et se mit à avancer en silence dans les grands couloirs froids et vides du palais-Cardinal. Ils savaient tous les deux que Milady ne devaient surtout pas être vu, mais ils ne craignaient rien ; cette aile était presque déserte.

Le capitaine guida la meurtrière dans l'aile la plus lointaine du palais, la seule qui n'était qu'habitée par des chouettes et des souris. Milady sut où il l'emmenait avant de voir apparaître la porte en bois. De l'autre côté se trouvait un jardin intérieur, abandonné depuis bien trop longtemps pour qu'il ne soit pas complètement sauvage. Levesque poussa la porte et Milady le suivis parmi les plantes qui s'étendaient sous le ciel nocturne. Ils traversèrent rapidement le petit jardin pour s'arrêter vers un tas de terre recouvert de galets gris et plats. Au dessus, une croix en bois, faite à la va-vite.

- Richelieu m'avait dit de le jeter à la fausse commune, souffla le capitaine, le regard perdu sur la tombe. Mais je n'ai pas pu. Je n'ai pas voulu.

- Fait attention, murmura la meurtrière. C'est quand on commence à vouloir des choses ou ne pas les vouloir qu'on se met en danger quand on travaille pour le Cardinal.

Et elle s'avança seule vers la tombe. Alec... Alec reposerait là, maintenant et à jamais.

Jamais Milady ne l'avait aimé d'amour. D'ailleurs, jamais elle n'avait aimé quelqu'un comme elle avait jadis aimé Athos. Mais Alec... Il lui avait été cher, malgré tout. Il l'avait aimé. Il l'avait emmener ailleurs, loin de son passé, loin, même, de son futur. Avec lui, elle était restée au lit bien après le lever du soleil, à simplement parler. Elle n'avait jamais autant parlé à personne avant, elle ne s'était jamais ouverte. Parfois, il leur arrivait même de se rejoindre, et de ne pas s'aimer, juste s'allonger l'un à côté de l'autre. Ils avaient étés deux âmes perdues, deux météores dans l'immensité du ciel, qui avaient eu la chance de faire un bout de chemin ensemble. Pendant un temps, Milady avait même espéré que la lumière que lui apportait Alec pouvait la tirer de ses propres ténèbres. Et pour cela, elle ne pouvait que lui en être infiniment reconnaissante.

L'Espionne du Cardinal - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant