La Grand'Astrée. La légende d'Izi et de Yaël - Tome I

Chapitre 8

- Qui est-ce ? demandai-je à Yaël en désignant du regard son ami.

Je pensai débuter simplement, mais Yaël se pinça les lèvres, mal à l'aise.

- Tu te souviens de mon père ?

- Du peu que j'en ai vu, répondis-je.

- Il ne s'agissait pas réellement de mon père, mais de Stan, ici présent. Stan je te présente Izi, Izi je te présente Stan.

- Enchanté, dit le fameux Stan en me tendant la main.

Je l'ignorai et fixai Yaël.

- Je ne comprends pas.

- Je m'en doute. Je vais essayer de faire simple. La région d'Astrée dispose d'un savoir ancestral qui nous permet, disons... de faire quelques tours de passe-passe. Certains peuvent modifier leur apparence, de façon temporaire. Pour un public non averti, il est facile de se faire duper.

Je me mis alors à regarder de façon plus détaillée le fameux Stan. J'examinai son faciès quand soudain son nez s'aplatit, ses joues se gonflèrent et créèrent une multitude de plis autour de ses yeux et de ses lèvres. Il semblait bien plus âgé ainsi, mais à y bien regarder, je reconnaissais à présent ses traits pour le moins singuliers. Ils étaient restés tels quels. Ses yeux étaient identiques, la forme de son visage inchangée. J'eus alors l'impression que c'était plutôt comme s'il avait fait une réaction allergique et je souris intérieurement à cette pensée.

- Les habitants d'Azadjan étaient bien trop occupés à admirer la magnifique femme qu'il s'apprêtait à marier pour s'intéresser à son beau-père, me souffla Yaël.

Stan reprit ses traits initiaux avec autant de facilité qu'il les avait déformés. Je savais que la magie existait, mais je n'en avais jamais été témoin avant ce jour. Je le questionnai alors, prise soudainement d'une vive curiosité.

- Est-ce que vous pouvez changer l'eau en vin ?

Stan s'esclaffa d'un rire franc et sincère.

- D'où te vient cette idée ? Non, mais à mon sens il faudrait creuser la question !

Je me sentis mal à l'aise d'avoir posé cette question idiote. Ça m'apprendra à croire ce que disent les gens ! Je décidai de reprendre ma discussion avec Yaël.

- Je ne comprends toujours pas. Pourquoi cette comédie ? Ton père ne pouvait pas venir ?

- Je n'en ai pas.

- Mais mon oncle l'a rencontré à plusieurs reprises.

- Non. Ton oncle m'a rencontré à plusieurs reprises. Les négociations ont toujours eu lieu entre nous et il semblait d'ailleurs satisfait d'apprendre à me connaître. Mais dans votre société ce sont les parents qui marient leurs enfants, je ne pouvais pas à y échapper et je ne pouvais pas non plus lui révéler la vérité, je lui ai donc promis que mon père serait présent aux noces.

- Vous avez donc négocié ensemble ?

- Oui, comme le veut votre coutume.

- Quels sont les termes de votre accord ?

J'allais enfin avoir la réponse à la question que je me posais en boucle depuis des semaines. Du moins, je le croyais.

- Il ne me semble pas que la tradition impose aux femmes de connaître les détails d'un tel accord.