Chapitre 2 : Le Théâtre Rouge

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J'avais fait plusieurs détours avant de rentrer chez moi pour le semer. À vrai dire je ne savais pas si il me poursuivait ou non, mais je préférais prendre toutes les précautions possibles étant donné que je n'avais pas réussi à démasquer sa présence juste avant.
J'arrivai enfin à la cabane. Je rentrai et claquai la porte derrière moi. Je vis mon petit miroir accroché au mur trembler avant de tomber et de se briser au sol.
"Et aller sept ans de malheur. C'est pas vrai. Comme si j'avais besoin de ça."
Je me baissai pour attraper un des morceaux éparpillés au sol et observai mon reflet. Je regardai particulièrement ma cicatrice. Deux petits traits, bien nets, sur ma tempe.
Je posai mes doigts dessus, et je ne pus empêcher ma gorge de se serrer et mes yeux de s'humidifier.

~~~~~~~~~{flashback}~~~~~~~~~~

- "Ils sont où?!"

Il le frappa à la tête.

- "Les putains de papiers, ILS SONT OÙ?!?"

-"Laisse Brot, il va pas nous dire."

-"Oh si il va nous dire."

L'homme sortit un couteau de sa poche et l'approcha du visage de mon père. Celui-ci ferma les yeux, mais ne bougea pas pour autant.
Cependant son collègue le stoppa.

- "Il y a un moyen plus rapide", dit-il.

Il me désigna de la tête. L'homme au couteau tourna sa tête vers moi et sourit. Un sourire carnassier. Le sourire d'un homme qui a trouvé une proie.
J'étais blottie contre le mur dans un coin de cette cave sombre et humide. Je me rapetissais à mesure que l'homme s'approchait. J'étais minuscule.
Mon père écarquilla ses yeux d'effroi. Il se débattait mais attaché à sa chaise, il ne pouvait rien faire.

- "Ne lui faites pas de mal !!!"

J'étais incapable de bouger comme de crier. L'homme agrippa mes cheveux et me traîna près d'une table où trônaient plusieurs objets en métal.

- "LÂCHEZ-LÀ !!!"

- "Allons ne crit pas si fort", susurra l'homme. "Je n'ai même pas encore commencer."

~~~~~~~{fin du flashback}~~~~~~~~

Je serrais de plus en plus fort le bout de miroir à mesure que les souvenirs remontaient.
Après quelques minutes, mon esprit réussit à s'apaiser. Je desserrai ma prise et me rendis compte que je m'étais profondément entaillée la paume. Merde.
Je nettoyai rapidement la plaie puis m'assis sur le matelas pour faire un point sur la situation.

1- j'étais repérée.

2- j'étais repérée.

3- ça craint pour ma survie.

Je me mordis la lèvre. Je savais ce que je devais faire.
Le regard du garçon me revint en mémoire. Mon cœur se serra. Automatiquement, j'enfonçai mon ongle dans ma plaie. Je serrai les dents sous le coup de la douleur.
C'était ma punition pour avoir eu un sentiment.
Tant que j'étais une meurtrière, tant que je vivais dans les bas-fonds, je ne m'attachais pas aux inconnus.
Simple prévoyance. Je ne savais pas qui allaient être mes cibles de demain, et m'attacher à une personne que je devrai possiblement tuer plus tard n'était pas forcément une bonne idée. Et en particulier ce garçon... Vu ce qu'il avait vu, je devais l'éliminer.

Et le plus vite serait le mieux.

• • •

Je poussai la porte de la maison close. Il était 17h19, j'étais un peu en avance.
Je passai entre les prostituées qui me regardaient avec mépris. Elles n'appréciaient pas vraiment que je sois là. J'étais sur leur territoire.
Je m'approchai de l'habituelle petite table dans le coin.
Mon patron était là, une femme sur les genoux. Celle-ci riait au éclats. Elle me dévisagea de haut en bas lorsque j'arrivai. Il lui indiqua de partir, ce qu'elle fit.
Elle cracha à mes pieds en passant à ma hauteur. Ces mesquineries me laissaient.
Je m'asseyai à la table.

- "Bonjour [T/p]."

- "Mmmh"

- "Bah voyons pourquoi tu fais cette tête?"

Je relevai mes yeux vers lui.

- "Est-ce une question rhétorique?"

Il souria avant de froncer les sourcils en posant ses yeux sur l'entaille que je m'étais faîtes plus tôt. Il attrapa ma main dans les siennes.

- "Comment tu t'es fait ça?"

Je retirai sèchement ma main.

- "Ça ne vous regarde pas."

Il haussa un sourcil.

- "J'ai entendu des rumeurs aujourd'hui. Une mystérieuse fille avec une cape qui aurait mis à terre cinq hommes. Au marché. C'était toi?"

- "Non."

- "Tu mens. Je sais que c'était toi."

- "Alors pourquoi vous demandez?"

Il pris un air plus sérieux.

- "Tu dois être plus prudente. Tu sais comme moi que ta position est plus que dangereuse. Je ne parle même pas des autorités. Je parle des règlements de compte.
Certaines personnes ici-bas sont prêtes à perdre plus que la liberté pour mettre fin aux jours de l'Ombre. Je ne suis pas rassuré à l'idée que tu finisses en brochette. Tu es douée et une des meilleures que j'ai jamais vu dans le milieu. D'ailleurs tu fais plus attention d'habitude, ça m'étonne quand même de toi. Je ne sais pas qui t'as énervée, mais ça devait être un belle saloperie."dit-il en prenant une gorgée de vin. "Tout de même, ne laisse pas ta colère prendre aussi facilement le dessus. Sois prudente. C'est tous ce que je demande."

- "Dit l'homme qui laisse des mots plus qu'explicites accrochés toute la nuit sur ma porte."

Il rigola doucement puis me regarda droit dans les yeux.

- "Rassure-moi, personne ne t'a reconnu?"

L'image du garçon me traversa l'esprit.

- "Non."

Pourquoi je ne lui avais pas dit?
Est-ce que j'avais peur ? Peur de quoi ? Qu'il me demande quelque chose que je ne serais pas capable de faire?
Je connaissais la réponse, mais la chassai de mon esprit avant de commencer à me rendre compte de quelque chose que j'avais moi-même du mal à digérer.

Vu son regard, il doutait clairement de ma parole, mais je ne lui laissai pas le temps de continuer à me questionner.

- "Bon, pourquoi vous m'avez fait venir? Sauf si le but de cette réunion était de me faire la morale."

- "Non biensûr. Tu as une mission ce soir. Un couple de bourges de la surface. Ils sortiront du Théâtre Rouge vers minuit et quart. Tu seras avec Kenny sur le coup."

Je hochai la tête. J'étais très régulièrement en relation avec des habitués du Théâtre Rouge. Que ce soit des clients ou des cibles.

Le Théâtre Rouge. Une des pires zones des bas-fonds. Pas forcément dangereuse mais malsaine. Plus que malsaine. Si un endroit sur Terre devait représenter l'Enfer, ça serait ce coin.
Le Théâtre Rouge était abominable. C'est à cet endroit que se réunissaient des nobles ou des soldats des brigades spéciales qui venaient de la surface pour avoir leur dose de sang. Le Théâtre proposait un spectacle qui ne serait tout simplement pas toléré à la surface.
Des hommes, des femmes, des fois des enfant étaient torturés, souvent jusqu'à la mort, devant les yeux ravis du public. Ils appelaient les souffres-douleur "le bétail".
Cet endroit me répugnait, mais avoir des cibles parmi les habitués me procurait une grande satisfaction.

- "Qui est le client?"

- "Le frère d'un homme qui s'est fait torturé à mort là-bas. Le couple avait demandé un show plus long que d'habitude. Le pauvre homme a énormément souffert."

Je baissai la tête. Un jour je partirai de ce cauchemar. Je partirai des bas-fonds.

Alors que je me relevai pour partir, Kreiss posa sa main sur ma cuisse.

- "Tu peux rester un peu..."

Je lui tordis fortement la main avant de la relâcher.
Il la pris dans son autre main en grimaçant.

- "Décidément, aucun homme ne t'aura jamais."

Je ne relevai pas sa remarque et quittai les lieux.

L'Ombre (Livaï × reader)Where stories live. Discover now