Chapitre 7 : Soleil

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Je marchais depuis plus d'une heure. Les villes se trouvaient derrière moi depuis longtemps. Mon instinct me dictais de m'enfuir de cet endroit où j'étais visible de tous les humains. Et me voilà donc à marcher sous la lumière de la lune, avec une étendue d'herbe à perte de vue, et ce qui me semblais être une forêt devant moi. Je m'arrêtai, et enlevai ma capuche. Plus besoin de se cacher.

J'avais réussi. J'étais dehors. Je l'ai fait papa.

Je retirai mes chaussures dans un élan d'euphorie, et je me mis à sourire lorsque mes pieds touchèrent l'herbe. C'était frais, doux, humide et chatouillant en même temps. Je ramassai mes chaussures et me mis à courir. Je me sentais libre, libre de tous les crimes que j'avais commis, libre de ce qu'on m'avait fait. J'étais heureuse de m'être accrochée à la vie assez longtemps pour vivre cet instant. Je finis par ralentir, sourire aux lèvres et cœur léger.

Je devais trouver une nouvelle maison. Recommencer depuis le début. Mais pour l'instant ma principale occupation était plutôt un endroit où dormir ce soir, et mon instinct d'habitante des bas-fonds me conseillait d'aller me mettre à couvert sous ce qui me semblait être des arbres. Je resserrai mes sangles. On est jamais trop prudent, si j'ai besoin de fuire, l'équipement tridimensionnel sera sûrement mon meilleur allié. Je remis mes chaussures et rentrai dans la forêt.

• • •

Il fallait que je me familiarise avec tout ça. Avec ces animaux qui s'enfuyaient sur mon passage, avec ce vent qui me glaçait les os et surtout ce ciel. Je me passai un peu d'eau du ruisseau glacé qui serpentait entre les arbres sur le visage, puis regardai autour de moi. Je marchais depuis une petite heure, il était temps que je trouve un endroit où dormir. Je déclenchai mes grappins et me hissai sur une large branche d'un grand arbre.

Je ne me sentais pas du tout en sécurité sur ce sol, en tout cas pas pour dormir. Je m'installai à moitié assise contre le tronc pour la nuit. C'était sûrement la pire position dans laquelle je n'avais jamais dormi, mais l'approche de la fatigue me faisait peur. Endormie, j'étais vulnérable.
Je passai une nuit entrecoupée de réveils brusques.

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Il faisait encore nuit quand je me levai pour de bon. Je n'avais dû dormir que quelques heures, pour changer. Je mis quelques secondes à me rappeler l'endroit où j'étais : la surface.

Après m'être mise sur mes pieds, je descendis de mon arbre, atterrissant silencieusement sur l'herbe mêlée de mousse. La première chose que je sentis fût le vent, puis l'odeur humide de la forêt, et enfin la froideur de la fin de la nuit sur ma peau. Je me mis en marche sans tarder.

Premier problème : je n'avais aucune idée de l'heure qu'il pouvait être. Deuxième : j'avais froid. J'avais faim aussi. Et j'étais perdue. Autrement dit dans une nouvelle situation de comfort et de sécurité. Haha.
Encore une heure de marche. Une petite, avant de sentir quelque chose de bizarre dans l'air. Quelque chose se préparait. J'entendis des oiseaux, des animaux commencer à bouger. La forêt s'éclaircissait, je voyais mieux mes pieds et ce qui m'entourait. Était-ce...? Nan... Le début du jour? Mon cœur se mit à marteler ma poitrine, et de plus en plus fort quand je vis que la forêt se transformais en bois, puis en sous-bois. Une centaine de mètres devant moi se tenait le dernier arbre avant une vaste étendue d'herbes. C'est là que je vis que le ciel avait pris une couleur rougeâtre. Je me mis à courir. J'allais le voir. Mon premier soleil. Je manquai de trébucher contre des racines dans ma précipitation.
Je sortis enfin de cette forêt dans laquelle j'avais passé la nuit, m'arrêtai. Devant moi, à quelques kilomètres, s'étendait un mur, et au-dessus, une boule de feu commençait à pointer le bout de son nez. Je ne pouvais détacher mon regard de celle-ci. C'était magnifique, la plus belle chose que je n'avais jamais vu. Quelques oiseaux s'envolèrent. Eux aussi ils devaient regarder.
Je me mis à sourire, un sourire sincère. Je me cachai les yeux à mesure que le Soleil prenait sa place dans le ciel, peu habituée à cette lumière. C'était grand, ça faisait mal aux yeux. Le lever du soleil. J'adorais ça, mais j'avais trop mal. Je rentrai au couvert des arbres, j'avais les larmes aux yeux, je ne sais pas si c'était l'émotion, ou la brûlure que je venais de m'infliger. Mon cœur martelait ma poitrine de joie et d'euphorie. Après tant d'années dans la poussière et l'obscurité, j'avais enfin vu le soleil pour la première fois. Et bizarrement, je crois bien que je le trouvais encore plus incroyable que ce que j'avais imaginé.

• • •

Le lendemain

J'avais passé ma journée d'hier à me familiariser avec ce nouveau monde, surtout à toute cette lumière qui m'irritait plus que ce que j'aurais imaginé. J'avais dormi, et à la tombée de la nuit, j'étais partie. En direction du mur. Je me rappelais de ce que j'avais lu dans les livres de papa. Il y avait trois murs. Le mur Sina, le mur Rose et le mur Maria. Les bas-fonds était situés à l'intérieur du plus petit mur que j'avais traversé en m'enfuyant des villes, c'était donc le deuxième mur, le Rose. Mon objectif : passer de l'autre côté.

J'étais passée près d'un village, que j'avais soigneusement évité. Voyager la nuit était ce qui me paraissait le plus instinctif, et j'arrivai au pied du mur au lever du soleil. Mon deuxième lever de soleil, pensai-je avec mélancolie.

Il fallait que je monte. Heureusement j'avais volé deux bouteilles de gaz la veille de ma fuite des bas-fonds, mais il faudra rapidement que je trouve le moyen de me procurer le nécessaire de survie. Je n'avais pas mangé depuis trois jours, et le gaz allait partir vite. À ce rythme là je n'allais pas tenir longtemps.
Je déclenchai mes grappins pour me hisser sur le mur. Il était grand mais je pouvais y aller en plusieurs fois. Heureusement pour moi, je ne croisai personne. Aucun garde d'aucune sorte, si on enlève les corneilles qui semblaient me toiser avec méfiance. Je m'assis quelques minutes pour profiter du lever du soleil. Même si j'étais dans l'inconnu total et peu sûre de ma capacité à me garder en vie à la surface, je sentais un poids en moins depuis mon départ. Je pouvais écrire une nouvelle histoire, et laisser derrière moi ces souvenirs que je détestais.

Tout à coup, un détail me traversa l'esprit. L'image du jeune homme au regard métallique se posant sur ma cicatrice et de ses cheveux noirs se fraya un chemin dans ma tête. Je n'avais pas pensé à lui une seule fois depuis la mort de Kreiss.

- "Désolée soldat. Je t'ai abandonné dans ce trou à rats...
...
j'espère que tu t'en sortiras aussi."

Je pris un peu de temps pour réfléchir à ce que j'allais faire de ma nouvelle liberté.

~~~
- "Mets ta force dans quelque chose qui a du sens pour toi. Bas-toi."
~~~

Le problème c'est qu'il n'y avait plus beaucoup de choses qui avaient du sens pour moi. Tout était nouveau.
Je devais découvrir beaucoup plus que ça. Je devais voir un titan, comprendre comment les gens fonctionnaient ici, connaître les limites de la surface... Tout a des limites, surtout la liberté.

Le ciel était passé à un orange plus doux. Je me levai et descendis le long du mur en rappel. Il y avait encore un mur à des kilomètres devant moi, je ne savais pas encore si j'allais tenter de le passer.
En entendant, je laisserai le soleil et la lune diriger mes pas.

L'Ombre (Livaï × reader)Where stories live. Discover now