Chapitre 25.1 - Avoir la certitude que le doute est permis

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— Akram, je te laisse feurvalteunn la situation ici. Je vais zicheurnn le flanc ouest avec mon groupe. Tu sais quoi faire ?

— On va se débrouiller, Caporal.

Et il s'en va, sans se retourner, sans remord.

Akram me regarde avec un léger sourire en coin. On s'est compris. Désespérant.

Même si notre cohabitation à New Town fut de courte durée, nous avons eu le temps de nouer des liens, le Syrien et moi, suffisamment pour se passer de mots dans ce genre de situation.

Qui a dit qu'une nouvelle année apporterait son lot de changements ? Je ne sais pas si 2040 sera le début du renouveau tant attendu, mais en ce qui me concerne, la poisse continue de me suivre. Parmi toutes les unités actuellement en mission, parmi tous les chefs disponibles, il a fallu que je tombe sur ce planqué de Flegel. Il y a encore trois jours, le briefing annonçait que nous serions sous les ordres du sergent Holzer. Mais dès le lendemain, juste avant notre départ, c'est finalement le caporal Froussard qui s'est pointé, remplacement au pied levé. Le pire, c'est que même lui ne voulait pas de cette mission, ça s'est tout de suite vu. Mais l'ordre venait directement du major, alors pas de discussion.

Flegel est un incompétent, tout juste bon à encadrer les gardes de New Town. Sorti de la ville il est totalement perdu, incapable de s'orienter et de prendre les bonnes décisions. Il passe son temps à nous consulter Akram et moi pour nous demander notre avis sur la situation avant de répéter nos conseils mot pour mot aux autres membres du groupe. Tout le monde s'en est aperçu, et Klein n'est pas stupide, il est forcément conscient du niveau de nullité de Flegel. S'il a décidé de remplacer son meilleur élément par son plus pitoyable au dernier moment c'est qu'il avait forcément une bonne raison, reléguant l'importance de notre opération au second plan.

Albert s'approche de nous. Grâce à son passé dans la police allemande, ce grand gaillard jovial et apprécié de tous est un second idéal pour Akram.

— Qu'est-ce qu'il vient de vous dire le Capo ?

— Comme d'habitude, il nous laisse gérer.

— Pendant qu'il assure nos arrières, c'est ça ?

Le Syrien ne répond pas et se contente de sourire, encore une fois, sorte de confirmation muette tout en tact qui a le mérite de ne pas trop discréditer son supérieur.

— J'aime autant qu'il en soit ainsi.

— Au lieu de béchvèreun, qu'est-ce que tu voulais me dire, Alb ?

— Mon groupe est prêt, nous attendons tes ordres.

Je me retourne pour jeter un œil par-dessus mon épaule.

Les six types sélectionnés par Alb – c'est comme ça que tout le monde l'appelle – se tiennent à l'écart de nous, de l'autre côté de la route, cachés dans une petite ruelle entre deux bâtiments.

— Très bien. Les éclaireurs ne devraient plus tarder, on en saura plus sur les positions ennemies. Il faudra les ubeurvarreun, frapper vite et fort. Plus tôt ce sera fini, mieux ce sera pour tous.

Alb confirme avant de retraverser la route pour rejoindre ses hommes, et femme, je n'avais pas vu qu'il a également pris Sybille dans son escouade. Cette boule de nerfs à la coupe en brosse m'effraie autant qu'elle me fascine. Je l'ai vue casser le nez d'un mec d'un seul coup de coude juste parce qu'il se vantait d'avoir fait deux points de plus qu'elle durant l'exercice de tir de la veille. Je ne suis pas surpris qu'Alb l'ait sélectionnée. Déjà pour son adresse au tir, malgré ce qu'en disent certains, mais aussi – et surtout ? – parce qu'ils couchent ensemble depuis quelques semaines. Il pense pouvoir la protéger en la gardant près de lui. La connaissant, pas sûr qu'elle apprécie la démarche.

Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1Where stories live. Discover now