Chapitre 3.3 - ... constante vigilance

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— J'accepte.

Le chef d'équipe acquiesce d'un signe de tête comme pour valider notre accord avant de me tendre la main afin de récupérer mon fusil d'assaut. Je le fais basculer de mon épaule et le lui donne, non sans une petite appréhension. Puis il se tourne pour donner son fusil de chasse à l'une des deux femmes.

— Très bien, je vais le garder personnellement. Moi c'est Frantz.

— Billy.

— Dis-moi, Billy, comment un américain peut-il se retrouver seul ici ?

Et les questions qui continuent...

— J'étais avec un ami, un ancien militaire allemand. Nous marchions vers le nord quand un groupe de pillards nous est tombé dessus. J'ai pu m'en sortir, mais je me suis perdu dans ma fuite. Et me voilà aujourd'hui.

Pas certain d'avoir été convainquant. Ses yeux noirs sur fond rouge me dévisagent, à la recherche de la vérité.

— C'est arrivé hier ?

Je confirme de la tête. Il fait la moue. Il doute.

— La région n'est pourtant pas réputée pour ses pillards.

— Qu'est-ce que vous en savez ? Ce genre de type bouge tout le temps. Vous avez peut-être des soucis à vous faire, justement.

— D'accord, Billy, je te crois. On restera prudents. Je vais te présenter aux autres avant de reprendre notre route. 

Mes jambes tremblent, elles peinent à me maintenir debout

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Mes jambes tremblent, elles peinent à me maintenir debout. Ils vont finir par s'apercevoir de mon épuisement. Je dois sans cesse faire attention à ne pas trébucher sur les obstacles qui jonchent la route, d'autant plus que le jour commence à décliner. La soupe de champignons et le morceau de chat grillé m'ont pourtant fait le plus grand bien. C'était vraiment chic de leur part, même si ce maigre repas a relancé mon système digestif défectueux et douloureux.

Nous marchons depuis bientôt quatre heures à un rythme soutenu. Ces idiots ont cru à mon histoire de pillards et ont décidé d'atteindre le premier checkpoint de Nonnweiler plus rapidement que prévu, c'est-à-dire avant la tombée de la nuit. J'ai bien peur que leur objectif ne soit pas réalisable, même à marche forcée, la luminosité a déjà fortement décliné.

Je n'imaginais pas que l'autoroute 62 puisse être encore fréquentée à ce point. Depuis que nous l'avons rattrapée nous croisons régulièrement de petits groupes, de quoi rager après des mois de pillage infructueux à seulement deux jours de marche d'ici. Si nous avions su ça avant de nous enterrer tout l'hiver dans un coin paumé... La plupart sont des malheureux inoffensifs poussant un caddie, une brouette ou un chariot de fortune avec toute leur vie dedans, parfois même accompagnés d'enfants. Certains nous demandent de l'aide, à boire, à manger, des médicaments ou simplement leur direction. Frantz et ses hommes ne se soucient pas de perdre du temps quand il s'agit d'indiquer la route à prendre, de donner un conseil sur une destination, ou même de faire un peu de troc. En revanche, ils ne donnent à manger et à boire qu'aux enfants. J'ai remarqué qu'ils ne communiquent jamais la position de leur communauté, même quand on la leur demande. Précaution que je salue. Nous sommes également tombés sur des vagabonds crasseux frôlant la démence, tout juste des êtres humains. Et il y a eu ce groupe, semblable au nôtre. Ils étaient bien équipés, avec des sacs à dos bien remplis et au moins deux armes à feu. Nous n'avons échangé que des regards et de timides salutations. Silvia m'a ensuite expliqué qu'ils étaient de Nohfelden, qu'ils se connaissaient un peu et qu'eux aussi faisaient du troc avec Nonnweiler, mettant cette dernière au premier plan dans les échanges de la région. Notre destination, Nonnweiler donc, abriterait entre 350 et 400 âmes. Impressionnant. Je n'imagine même pas l'enfer que ça doit être que de devoir vivre avec autant de monde. Le rationnement, la promiscuité, l'hygiène, les règles, la hiérarchie... Et Mark qui me parlait d'intégrer une communauté de ce genre. Quelle connerie.

Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1Where stories live. Discover now