Chapitre 37 - Je crevais à petit feu

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Ils avaient rejoint le toit depuis plus d'une heure, mais aucun d'eux ne parlaient, Hakim avait gardé Lia contre lui, s'en détachant pour la première fois, dans le but de se rouler un joint. Une fois terminé, il repassa son bras sur ses épaules, la serrant une nouvelle fois contre lui.

« Ma vie à Paris n'est que le reflet d'une putain de tragédie grecque merdique -confia Lia en s'allumant une cigarette.- Mes parents sont morts quelques semaines après notre arrivée en France, fauchés sur un passage piéton par une voiture. Je me rappelle pas d'eux, j'ai juste quelques photos, mais je crois qu'ils me manquent chaque jour que dieu fait.»

Lia s'interrompit un cours instant, fixant la vue de Paris qui s'offrait à elle. Hakim craqua son joint, un tas de questions lui démangeaient déjà la langue, mais il ne se risqua pas à les poser, conscient que Lia avait sans doute besoin de vider son sac, il avait aussi peur que cela freine la jeune femme et qu'elle se ravise.

« Heureusement que ma tante était là, c'est elle qui m'a recueilli. Je n'ai pas beaucoup plus de souvenirs d'elle. J'ai vécu chez elle jusqu'à mes six ans. Je me rappelle vaguement des gros goûters qu'elle me préparait à mon retour de l'école, des vrais festins, je crois que j'aurai fini par devenir obèse -ricana Lia.- Avant de me coucher, elle me brossait les cheveux en me racontant quelques péripéties sur sa jeunesse avec mon père, j'adorais ça. C'était une chouette femme Tia Helena, mais la vie ne l'a pas épargnée non plus, elle a perdu son mari très jeune, bien avant ma naissance. Elle l'aimait tellement qu'elle n'a jamais voulu se remarier ou voir quelqu'un d'autre, se condamnant à passer le reste de ses jours seule, sans enfant. J'espère qu'elle a pu le retrouver de là ou elle est et qu'ils coulent de bien meilleurs jours ensemble.»

Lia marqua une courte pause, se redressant pour attraper le joint que lui tendait Hakim, avant de reposer sa tête sur son épaule. Sa tante était une femme merveilleuse, débordante d'amour, mais strict lorsqu'il le fallait. Lia avait toujours trouvé beau, l'amour que cette femme portait à son défunt mari, elle espérait au fond d'elle, rencontrer un jour cette personne à qui elle serait dévouée jusqu'au restant de ses jours.

« Elle est décédée d'un cancer foudroyant du pancréas, en six mois c'était terminé. On l'a pas vu venir. Je me rappelle plus trop de cette époque, je passais juste encore plus de temps chez Mama. Elle a quand même trouvé la force et le courage de régler mon sort avant que la maladie ne l'emporte. Mama accepta de s'occuper de moi, ma tante régla tout. Ma vie aurait pu être pire, je crois, elle m'a épargné de connaître la vie en foyer, en famille d'accueil ou mon retour au Portugal au milieu de gens que je connaissais à peine. Au lieu de ça, elle m'a assuré une enfance dans un foyer aimant, m'offrant au passage de merveilleux frère et sœur et une deuxième maman formidable. »

Une seule et unique larme roula sur sa joue, Lia l'essuya furtivement du pouce, ne laissant pas la moindre chance à Hakim de l'apercevoir. Ce n'était pas dans ces habitudes de pleurer devant quelqu'un, cela ne lui était arrivé qu'une fois en dix ans, il n'était pas question de craquer devant Hakim.

« Ma tante m'a fait promettre, de toujours me battre, quoi que la vie me réserve, de ne jamais me laisser abattre et de toujours donner le meilleur de moi-même. J'ai promis, je n'avais pas conscience à l'époque de la signification de ses paroles, j'ai compris en grandissant, je m'efforce au quotidien de tenir cette promesse, mais putain que c'est dur. - Lia marqua un temps d'arrêt, plongée dans ses souvenirs.- Heureusement que Mama était là, elle a rendu mon enfance plus douce, je crois que je n'étais pas trop triste, la vie c'était montrée injuste, mais c'était comme ça. Je ne pouvais pas me plaindre, ça aurait pu être pire, j'avais un toit sur la tête, je mangeais à ma faim tous les jours, j'allais à l'école et je recevais des quantités astronomiques d'amour. Je sais que pour toi, je ne suis pas leur soeur, mais je crois que l'amour fraternel que je ressens pour Alicia et William prend le dessus sur le sang qu'on ne partage pas. Si demain, je devais donner ma vie pour eux, je le ferais sans la moindre hésitation.

Dernière Chance [Hakim]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant