La prière

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~Erell~

La portière claque et je me retrouve dehors. Il y a un grand soleil, bas dans le ciel, qui ne réchauffe pas trop. Ma longue jupe mauve se soulève à cause du vent et je l'aplatis. Il ne fait pas trop froid pour ce genre d'habits. Je lève les yeux et mets ma main en visière. La cathédrale surplombe toute ma famille. Son architecture gothique se fond parfaitement bien dans le cœur de la ville et ses deux immenses tours semblent me juger. Je détourne les yeux. Je ne voudrais pas qu'elle sache tout ce qui se cache en moi.

Les trois arches, contrairement aux tours, sont accueillantes. Ma famille et moi nous dirigeons donc vers elles, montons les marches et accédons au hall en pierre. Les grandes portes sont ouvertes, ce qui n'arrive pratiquement jamais. Un homme en aube blanche se tient debout à l'entrée, invitant chaque personne à entrer.

 — Marie-Aline, Marc ! Quel plaisir de vous revoir, s'exclame-t-il.

 — Bonjour, mon père, répondent en chœur ma mère et mon beau-père.

Les trois discutent un peu puis Père Benoît finit par se tourner vers mes sœurs et moi. Il nous connaît depuis longtemps, alors il n'hésite pas à nous questionner sur nos vacances d'été. Je suis la première à lui répondre et pendant que je parle, je vois ma petite sœur s'impatienter. Du coup, j'essaie de ne pas trop parler. Et Dieu sait à quel point je suis bavarde.
Quand tout le monde a fini sa discussion, nous esquissons quelques pas dans l'allée.

 — Feuille de chant ! nous arrête aussitôt Père Benoît.

Je tends la main pour qu'il m'en donne une, le remercie et me tourne vers l'autel, loin devant moi. Je m'agenouille et fais le signe de croix.
Honnêtement, ça fait du bien d'être de retour ici, après deux mois de vacances. L'été est passé à une telle vitesse que je n'ai pas pu revenir ici. Remettre les pieds dans la cathédrale est vraiment apaisant. Je sens aussitôt tous mes soucis disparaître.

J'observe un peu ce lieu que je connais tant. Les deux rangées de chaises en bois se succèdent sur plusieurs mètres pour arriver jusqu'à l'autel. Les grands poteaux en marbre tiennent la structure très haut au-dessus de moi. Il y a déjà quelques personnes installées. Quatre ou cinq, en plus d'une famille de musiciens qui accorde leurs instruments, tout devant.

Quand j'ai fini de tout regarder, je baisse la tête vers le sol et essaie de poser mes pieds dans les carreaux. Si je marche sur un trait, je me fais manger par un crocodile. Je fais ça depuis que je suis toute petite. Je ne devrais sûrement pas jouer dans la maison de Dieu mais cette activité est devenue une habitude. Je ne peux pas m'en empêcher. J'y arrive plutôt bien jusqu'à ce que je m'empierge les pieds et que je tombe en avant sur Alba, ma demi-sœur.

 — Erell ! Arrête de faire la gamine, sérieux.

Je lève les yeux au ciel. Il faut toujours qu'elle casse mes délires. De toute façon, nous sommes arrivés au premier rang. Nous nous glissons sur les sièges et je m'installe le plus loin possible d'Alba. Je sens qu'elle va bouder pendant toute la messe et je ne veux pas être envahie par ses ondes négatives. Je me retrouve entre Lucille et Iseult, mes deux autres petites sœurs. Je les observe toutes les deux. Lucille, ses mains brunes jointes, a l'air de prier. Iseult, quant à elle, a les pieds sur le prie-Dieu, une petite chaise avec un haut dossier. Elle a la tête posée sur ses mains et les coudes sur les genoux. Belle position pour ce lieu. Je souris et lui donne un coup de coude. Son bras glisse et elle se cogne contre son genou. Je me détourne aussitôt pendant qu'elle me lance un regard assassin.

 — Arrête ! crie-t-elle.

 — Iseult, gronde Marc, son père. Si tu ne sais pas te tenir, je te ramène.

Nos sentiments voilésOnde as histórias ganham vida. Descobre agora