Chapitre 22

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Jamais départ en chasse nocturne n'avait été plus efficace, et c'est dans un silence méditatif que les cultivants se mirent en route, de manière ordonnée. Meng Yao et Xichen observèrent les deux groupes prendre des directions opposées, du haut des marches de JinlinTai, et restèrent de longues minutes une fois que l'horizon fut vide, se tenant là sans un mot. Meng Yao finit par baisser les yeux sur l'escalier majestueux qui donnait à l'endroit un air de montagne divine, toute de dorures et de blancheur, et ne put réprimer un frisson.

— Je... je n'aime pas beaucoup cet endroit, souffla-t-il, avant de faire un pas en arrière.

Xichen observa à son tour les marches mais n'eut pas le cœur de lui expliquer les raisons de son malaise, touché malgré tout de constater combien certains souvenirs, même disparus, laissaient leur empreinte en lui.

— Inutile de nous attarder ici, viens. Rejoignons notre jeune malade.

Meng Yao s'était un instant senti honteux, en regardant tous ces hommes partir. La brève pensée de ce qui adviendrait de lui si son neveu ne survivait pas à la nuit, alors qu'il était l'un des seuls à être restés à son chevet, l'avait empli de dégoût pour lui-même. Est-ce cet homme-là qu'il était, auparavant ? Un être assez cruel pour n'envisager que ses propres difficultés, si un autre, plus jeune et innocent de tout crime, venait à perdre la vie ?

Son inquiétude n'échappa pas à Xichen, qui le couvait du regard, en attendant qu'il s'ouvre à lui. Il se demandait si, comme autrefois, lui poser la moindre question l'amènerait à se replier derrière ses remparts, à sourire poliment, à assurer que tout allait bien... et à essayer de se débrouiller seul, allant de mauvais choix en mauvais choix.

Finalement, Meng Yao s'assit devant lui avec un léger soupir et un regard hésitant, auquel il se contenta de répondre par une attitude qu'il espérait suffisamment calme et ouverte à la discussion.

— Et si... commença Meng Yao, avant de se redresser et de se reprendre. Les souvenirs sont une chose, poursuivit-il d'une voix plus assurée, mais qu'en est-il de l'âme d'un homme ? Qu'est-ce qui pourrait m'empêcher de redevenir l'être avide et cruel que j'ai été auparavant ?

— Moi, affirma posément Xichen, provoquant chez son vis-à-vis des clignements étonnés par son assurance.

— Tu n'y a pas réussi, la première fois.

Le ton de Meng Yao était doux, se voulant dépourvu du moindre reproche, mais les faits parlaient pour eux.

— J'ignorais que tes tourments étaient si importants, que les blessures qui étaient les tiennes, et que je connaissais, te pesaient autant... exposa Xichen. Tu n'es pas mauvais, A-Yao, quoi qu'en pensent certains. Tu as fait de mauvais choix, des choix qui t'ont conduit à devoir prendre d'autres décisions...

Zewu-Jun ferma les yeux un instant et inspira profondément, les mains posées sur ses genoux, le dos droit, avant de reprendre :

— Ces dernières années, on m'a souvent reproché – et moi le premier – de ne pas t'avoir assez connu pour prévoir cela et déjouer tes manigances. Je plaide coupable, et personne ne pourra m'infliger plus grande douleur que celle que je me suis infligée moi-même, en te laissant sombrer ainsi. Je ne te connaissais pas assez, soit. Mais je te connaissais mieux que n'importe qui d'autre.

Un bref instant, le visage de Sue She apparut dans sa mémoire. Il l'avait tant détesté d'avoir pris cette place, qui – si elle était restée libre – aurait peut-être amené A-Yao à lui parler, à hésiter, à lui demander conseil, plutôt que de laisser sa propre rancune se nourrir de celle de ce... La peste l'emporte !

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