Chapitre 28

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[Sans surprise pour Xichen, la barrière invisible céda. Il ne remarqua pas les exclamations impressionnées de quelques cultivants autour de lui, et s'engouffra sabre au clair dans le bâtiment ravagé. ]

Derrière le portail, plusieurs pratiquants firent face au Premier Jade, mais hésitèrent à charger. D'un regard circulaire, Zewu-Jun évalua la situation. Un large pan de tissu déchiré coincé sous un roc au centre ; des hommes encore juchés dans des corniches à bonne hauteur ; des stèles judicieusement placées pour fournir des abris sommaires, et à n'en point douter, insuffisants pour se protéger d'un danger tel que Nie Mingjue... 

Zewu-Jun en vint presque à se demander qui pouvait gronder si fort, avant de se rendre compte, à sa gorge douloureuse, que c'était lui. Il eut l'impression que son corps s'embrasait. Sa bouche s'emplit d'un goût métallique, et ses muscles étaient pris de convulsion. Il entendit à peine Wangji émettre un « Frère ! » alarmé à ses côtés, et se jeta sur le premier homme à sa portée. Le malheureux n'avait pas eu le temps de se décider sur sa prochaine action, et ne l'aurait jamais : la pointe de Shuoyue traversa son cœur avant qu'il ne puisse émettre un son. 

Xichen retira sa lame en pivotant sur lui-même, et faucha la vie d'un autre cultivant, qui avait eu l'imprudence d'approcher pour porter secours à son collègue. Zewu-Jun para l'attaque d'un troisième assaillant et brisa son genou d'un coup de pied brutal. L'homme chuta au sol et n'eut guère le temps de se lamenter sur l'état de sa jambe, il l'empala avant de récupérer son épée et de poursuivre sa route. 

Ses alliés l'avaient suivi dans le tombeau, et se chargeaient des hommes présents, aussi se laissa-t-il guider par les hurlements de ChiFeng-Zun. Dans le couloir, il fit face à un cultivant, qui porta sur lui un regard noyé de mépris. Zhang Min mort, Li Xiuying avait repris la direction des opérations. Ses mains légèrement relevées se fermaient sur un objet sphérique dont Xichen devina qu'il ne lui ferait aucun bien. 

— Tu as perdu, ô Zewu-Jun ! ironisa-t-il.

— Vous ne ressortirez jamais d'ici vivants, rétorqua Xichen.

Sa bombe dégoupillée toujours entre les mains, Li Xiuying eut un rire froid.

— Possible que nous ayons échoué sur ce plan-là. Mais nous y avons gagné votre souffrance et la destruction de votre lien. Avec tout ce que nous lui avons dit, ton fils de pute est persuadé que tu n'étais pas sincère. Il te prend pour un profiteur, et tu ne le sauveras pas ! 

 — Nous verrons. 

— Et même si tu le sauves, le nargua son adversaire, il sait maintenant que tu l'as tué. Que tu as préféré lui ôter la vie plutôt que de t'opposer à ceux de ton rang. 

Xichen avait trop fréquenté A-Yao pour se laisser berner par un aussi piètre manipulateur, mais il dut néanmoins prendre sur lui pour accuser le coup. Face à son silence, Li Xiuying appuya un peu plus là où cela faisait mal : 

— Il est convaincu de n'avoir aucune importance à tes yeux et ne tolèrera plus jamais ta présence !

Le cœur de Zewu-Jun se serrait dangereusement. Il n'était plus question de colère, à présent, mais de véritable douleur. Il lui était intolérable d'imaginer la détresse d'A-Yao, à l'annonce de ces détestables semi-vérités. 

— Tu l'as perdu, quoi que tu fasses, acheva le cultivant dans un ricanement. 

— Va au diable ! aboya Xichen, étonné par le son de sa propre voix, déformée par la rage. Tu n'as aucun honneur et ne comprends rien à l'affection que deux êtres peuvent se porter ! Je serai là pour lui. Je m'assurerai de son bonheur, quand bien même il dépendrait de mon absence. Je tuerai quiconque se dressera devant moi, et tu me fais perdre mon temps ! conclut-il.

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