Chapitre 24

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En vue de ménager ses forces afin qu'il distraie le plus longtemps possible le cadavre féroce de ChiFeng-Zun, Meng Yao cette fois fut enfermé dans une cage recouverte d'une bâche, et traîné à bord d'une carriole brinquebalante tiré par un méchant canasson.

Alors que leur convoi s'acheminait lentement vers Yunping, le prisonnier repensait à toutes les informations qu'on lui avait si sournoisement distillées, tel un puissant venin. À leur lumière, bien des choses s'expliquaient à présent. À commencer par la raison pour laquelle il n'avait trouvé nulle trace de sa filiation maternelle, dans les documents qu'A-Hu... enfin, que Zewu-Jun lui avaient montrés – puisqu'ils n'étaient pas du même monde et ne partageaient manifestement pas le même genre de sentiments, Meng Yao ne voulait plus l'appeler de ce petit nom familier.

Il se sentait tellement ridicule d'avoir brandi tel un étendard le titre de son beau chevalier blanc ! Mais ses ravisseurs avaient raison : son géniteur était peut-être Jin GuangShan, un ancien chef d'une puissante secte, il restait un fils de rien ; de ceux qui ne compteraient jamais aux yeux du reste du monde, sauf à conquérir par eux-mêmes à la force du poignet les égards auxquels ils croyaient avoir droit.

Quelque part, il comprenait presque ses agresseurs. Leur désir de le faire souffrir le plus fort et le plus longtemps possible, pour avoir cru qu'il pouvait se démarquer d'eux, et les prendre de haut ! Meng Yao avait osé redresser l'échine et se croire au-dessus des autres ? Mais il n'était pas l'égal de Zewu-Jun ni même son très cher ami. Comme sa mère, il n'était qu'un joli garçon, qui avait usé de ses charmes pour s'attirer les faveurs d'un grand chef de clan. À côtoyer d'un peu trop près son inaccessible étoile, il avait fini par s'aveugler et se brûler les yeux.

Tous les documents et rouleaux qu'il avait pu consulter à JinlinTai attestaient pourtant de ses capacités réelles. Et bien qu'il ait oublié jusqu'à l'existence de ce règne, il avait apparemment été un chef de clan compétent, aimé et respecté. Il avait si pleinement mérité son poste que le monde de la Cultivation lui avait même accordé le titre de XianDu.

Alors, que s'était-il passé ? Devenait-on obligatoirement une canaille, simplement pour avoir essayé de s'élever au-dessus de sa condition ? Pourquoi Lan Xichen, après que son maudit frère avait tranché son bras, avait-il fini par le tuer ? Et surtout, pourquoi ne le lui avait-il pas dit ?! À cette question cruciale, lancinante, Meng Yao ne voyait qu'une seule explication possible : comme l'avaient sous-entendu ses tortionnaires, Lan Xichen voulait juste continuer de profiter de ses privilèges sexuels. Il n'était pas aussi blanc et pur qu'il le laissait paraître, et se moquait bien de Meng Yao et ses états d'âme. Tant qu'il pouvait coucher avec lui, Zewu-Jun avait été prêt à lui dire ce qu'il voulait entendre, et à lui taire le plus déplaisant.

Il ne pouvait malgré tout s'empêcher de chercher la moindre lueur d'espoir, songeant que peut-être, s'il avait eu tous ses souvenirs intacts, il aurait pu se rassurer et garder foi en cet homme ; que l'on ne pouvait pas mentir de cette manière, aussi trivialement ! Mais rapidement, les propos de ses bourreaux le rattrapaient : eux n'avaient pas passé les sept dernières années enfouis sous terre, loin du monde, et ils savaient tout ce qu'il y avait à savoir sur Lan Xichen... Et s'ils estimaient qu'un piège aussi grotesque que remettre la chambre de Meng Yao en état, pour faire croire qu'il avait fui, pouvait leurrer le grand Zewu-Jun, alors assurément leur relation – ou quel que soit ce qui les liait – n'était pas aussi solide qu'il l'avait espéré.

Sa déception était si cruelle que les larmes lui montèrent aux yeux. Plus il y songeait, et mieux Meng Yao comprenait pourquoi il n'avait pas voulu revenir dans cette vie. Pour y retrouver ce monde de débauche et de cendres ? Ces chagrins qui vous déchiraient le cœur ? Non, merci bien !

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