Chapitre 91

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SUMMER

Les vacances venaient de débuter et octroyaient à chacun un moment de répit avant les partiels en fin d'année. Elle comptait bien en profiter un maximum et surtout, polluer le quotidien de son meilleur ami avant qu'il ne disparaisse sur un autre continent. Trottinant dans le couloir, elle s'arrêta devant la porte qui menait à la chambre de son jumeau. Se mordillant la lèvre inférieure, elle hésita avant de toquer doucement contre le battant. Swann ne mit pas longtemps à lui ouvrir et l'interrogea du regard, silencieux.

— Câlin « j'ai besoin de réconfort » ? demanda-t-elle avec un sourire taquin.

Il fronça les sourcils et la dévisagea durant plusieurs secondes avant de la questionner avec prudence :

— Pourquoi j'aurais besoin d'être consolé ?

— Non, c'est moi qui le quémande.

Sans hésitation, il ouvrit ses bras et la recueillit, le visage plus détendu. Il frotta son dos et posa un baiser sur sa tempe avant de l'interroger :

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

— Hum..., elle fit mine de réfléchir contre le tee-shirt de son frère avant de redresser la tête, je crois que je suis égoïste.

Interloqué, Swann fronça les sourcils et la contempla comme si une deuxième tête venait de lui pousser sur l'épaule. Il s'écarta et la laissa passer. Summer ne se fit pas prier et se jeta sur son lit en poussant un soupir déprimé.

— Ok, qu'est-ce que tu as ?

Elle l'observa s'assoir sur le rebord du lit et prendre ce petit air sérieux, mais attentionné qui lui sied tant. Elle soupira et s'assit, passant une main dans ses boucles pour les démêler distraitement.

— Anton.

— Oui... ? dit-il lentement, sans comprendre.

— Eh bien... tu vois, je suis ultra heureuse pour lui, vraiment ! expliqua-t-elle avec émotion. Il a toujours rêvé de vivre de sa passion et il a carrément un don. Je suis tellement fière de voir qu'il est arrivé aussi loin à un si jeune âge, mais... je suis égoïste parce que, d'un côté, je ne veux pas le voir partir.

Elle se mordit la lèvre inférieure, une expression torturée peinte sur le visage.

— Je devrais juste l'encourager, mais j'aimerais qu'il décide de se retirer. Tu te rends comptes ? C'est mon meilleur ami, mais je ne veux pas qu'il accomplisse son rêve tout ça parce que je préférerais qu'il reste auprès de moi ! Je me sens tellement coupable d'avoir ce genre de pensées... il va me manquer. J'ai tout le temps été avec lui. C'était comme si on était des triplets, tu vois ? Je ne sais pas comment je vais faire quand il va quitter la France. Eh puis, ce n'est pas comme s'il y allait pour quelques mois... il n'a même pas de date de retour ! Qui sait ? S'il devient célèbre, il va sans doute s'installer là-bas et moi... moi, je suis là, et je suis un bébé qui voudrait se l'accaparer ! Je me déteste tellement.

Elle poussa un petit cri de rage, furieuse contre elle-même. Elle ne s'était pas attendue à faire face à de telles émotions alors qu'elle soutenait de tout cœur le danseur. Quel genre d'amie était-elle si elle entretenait ce genre de pensées ?

Swann esquissa un petit sourire et posa sa main sur les genoux de sa sœur, plus mesurée qu'elle.

— Summer, tu n'as pas besoin d'être aussi négative envers toi-même. C'est normal que tu ressentes tout ça. Tu l'aimes et c'est dur de laisser partir les gens qu'on aime. Ce n'est pas pour autant qu'Anton nous oubliera et je suis sûr que tu feras tout pour lui rendre visite. Tout comme il reviendra. Los Angeles, ce n'est pas l'autre bout du monde non plus.

Elle soupira et ramena ses genoux contre son torse, songeuse. Son expression exprimait le désarroi dans lequel elle se trouvait.

— Comment tu fais pour toujours être aussi calme ?

— Je ne le suis pas tout le temps..., répondit-il avec un sourire désolé, faisant référence à tout ce qu'il s'était passé.

Summer arrêta de grignoter sa lippe et plongea ses beaux yeux dans ceux de son jumeau, curieuse. Ils se fixèrent durant deux bonnes minutes avant qu'elle ne demande, soucieuse :

— Swann... pourquoi tu fais des crises d'angoisse ?

Il la fixa sans afficher la moindre émotion avant de retirer sa main de son genou et de détourner la tête. Avant même qu'il n'ouvre la bouche, elle avait compris qu'elle ne tirerait rien de cette conversation. Il venait de se retrancher derrière un mur inviolable qu'elle serait bien incapable de percer tant elle avait essayé. À répétition de surcroît.

— Si tu es si inquiète de le perdre de vue, tu devrais peut-être lui en parler ? Il te rassurera.

Summer poussa un profond soupir, irritée. Elle se leva d'un bond et sauta sur le sol avant de foudroyer du regard son frère qui soutint sa hargne sans broncher. Elle détestait lorsqu'il lui opposait un masque aussi fade.

— Swann... tu m'en parleras un jour ?

Cette fois-ci, elle le vit ciller. Elle aurait pratiquement souri triomphalement si elle ne craignait pas de le renfermer aussi vite qu'une huître. Il soupira et passa une main dans ses cheveux d'un noir de jais avant d'enrouler une boucle autour de son index, songeur.

— Oui. Mais pas là.

— Ok. J'attendrais alors...

Et c'était une véritable épreuve pour elle. Summer quitta la pièce en prenant soin de refermer dans son dos, puis dévala les escaliers avec rapidité. Dans le hall d'entrée, elle dégaina son portable et composa le numéro de son aîné tout en enfilant ses baskets. À peine la porte fut-elle refermée dans son dos que Jude décrocha.

— P'tite sœur ! C'est rare que tu m'appelles. Quelque chose ne va pas ?

— Rien de grave, ne t'inquiète pas, répondit-elle en haussant les épaules, montant dans sa voiture. Je voulais savoir si je pouvais squatter chez toi ?

— Maintenant ?

— Tu as quelque chose de prévu ?

— Pas vraiment, mais je ne m'attendais pas à te réceptionner tout de suite.

— Techniquement, je pourrais être là dans une demi-heure, je pense.

— Ok..., il soupira et farfouilla à l'autre bout du combiné.

Elle s'immobilisa, la clé enfoncée dans son trou.

— Quoi ? Je te gêne ? bouda-t-elle.

— Non, mais je ne m'attendais pas à ça. Écoute, je préviens Elo'. Swann vient aussi ?

— Non.

— Ah... il ne veut plus me voir ?

— Quoi ? Non, je ne lui ai juste pas demandé, rit-elle. Il avait l'air occupé.

— Il revise encore ? Sait-il à quoi servent les vacances ?!

Summer rigola et haussa les épaules avant de démarrer son véhicule.

— Tu sais très bien qu'il s'applique toujours à ramener des bonnes notes. Bon, j'arrive !

— Ok, ok. La prochaine fois, venez tous les deux.

— Oui, papa, ironisa-t-elle.

Un silence lui répondit et elle se mordit la lèvre, coupable. Bien qu'elle ne portait pas une grande importance à ce mot, elle savait que ce n'était pas la même chose pour Jude. Elle préféra détourner le sujet, consciente d'avoir fait une bourde, puis raccrocha définitivement avant de quitter sa place de parking pour rejoindre son grand frère.

Elle avait besoin de prendre l'air et de définir si oui ou non elle en discuterait avec Anton.

My Heavy SecretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant