Chapitre 1 - la connexion Ackerman

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Livaï était accoudé sur le muret du patio de la caserne, le regard dans le vague. Cela faisait plusieurs jours que Kenny était mort en lui révélant leur nom de famille commun mais il ne cessait d'y penser. Comment avait-il pu ne pas se rendre compte que cet homme était son oncle ? Il était tellement absorbé dans ses pensées qu'il n'avait pas remarqué que quelqu'un s'était arrêté à un mètre de lui et le dévisageait d'un air perplexe. Mikasa n'avait jamais vu le caporal-chef dans cet état et elle n'avait pas pu s'empêcher de s'arrêter en chemin pour essayer d'en savoir plus. Il y a encore quelques mois elle n'aurait même pas remarqué son attitude mais elle ne savait pas trop pourquoi elle n'avait pas pu s'en empêcher cette fois. Après deux minutes il finit par se tourner sur sa gauche, regardant Mikasa avec un air interrogateur.

"Tu as quelque chose à me demander ?"

"Non, Caporal. C'est juste que vous aviez l'air préoccupé..."

De quoi elle se mêlait ? Le Caporal dut se retenir de répondre sèchement. C'était pourtant sa réaction primaire et habituelle mais cette fois il ne savait pas quoi mais quelque chose l'en empêchait. Il avait horreur de se sentir vulnérable et de parler de lui mais d'une certaine façon, il sentait qu'il pouvait se confier à elle. Après tout, elle était aussi une Ackerman, et c'était justement le sujet de ses pensées.

"Je n'ai pas vraiment envie d'en parler."

"Je suis désolée pour votre oncle. Je sais que vous n'aviez plus vraiment de contacts depuis un moment mais j'imagine qu'il était votre dernière famille."

"Famille... si encore je l'avais su plus tôt... J'aurais dû m'en douter pourtant," répliqua-t-il en secouant la tête.

Il sentait qu'elle en attendait plus et qu'elle ne partirait pas sans avoir eu plus d'explications. Il n'était pas Eren pourtant mais il semblait qu'elle aimait réconforter les personnes en détresse. Et soudain il se surprit à lui dire :

"J'ai perdu ma mère jeune et à ce moment-là je n'avais pas vraiment compris pourquoi il s'était occupé de moi."

Mikasa était tout aussi surprise d'obtenir des détails aussi personnels de sa part, lui qui était toujours si fermé. Cela leur faisait donc un point commun supplémentaire. Et dire que quelques jours plus tôt, elle avait dit à Historia de le frapper. Jusqu'ici il lui avait semblé l'être le plus détestable au monde mais elle commençait à comprendre comment il avait pu devenir ainsi.

Il était en train de repenser à leur discussion dans la charrette, quand il s'était rendu compte qu'elle avait aussi cette capacité à avoir des sursauts d'énergie, comme Kenny et lui.

"J'avais toujours senti qu'on avait une sorte de connexion. C'est donc visiblement dans notre sang ces sursauts d'énergie." dit-il en levant les yeux vers elle pour la première fois.

Mikasa ne savait pas trop quoi dire. Cette remarque la mettait un peu mal à l'aise. Il enchaîna donc et la surprit encore davantage en demandant :

"Tu penses que nous sommes cousins ou en parenté proche ?"

Il se surprit lui-même à poser cette question. Il ne savait pas trop en quoi ça pouvait avoir de l'importance, du moins il ne s'en rendait pas encore compte consciemment. Il ignorait s'il préférait se découvrir un proche ou si au contraire il redoutait ce lien qui scellerait définitivement leur relation.

"Euh... mon père n'était pas vraiment en contact avec le reste de la famille mais je ne pense pas... D'après ce que j'ai compris c'est un grand clan, réparti sur différentes zones."

Elle souhaitait changer de sujet et se montrer compatissante donc elle finit par parler d'elle à son tour, ce qui lui arrivait rarement aussi :

"J'ai aussi perdu mes parents jeune, c'est là que les Jäger m'ont recueillie. Eren m'a même sauvé la vie."

Elle n'avait aucune idée de pourquoi elle lui racontait ça mais elle se sentait à l'aise avec lui en cet instant et ça lui avait paru naturel.

C'était donc pour ça qu'elle était si protectrice avec lui ; elle lui était redevable. Ils avaient grandi ensemble et elle le voyait certainement comme son frère et rien d'autre.

Mais pourquoi cela lui importait-il ? Alors qu'il se posait cette question il n'eut pas le temps de la voir approcher sa main de la sienne et eut comme une décharge quand elle effleura sa peau. Il leva à nouveau les yeux vers elle et vit une lueur dans ses yeux qu'il n'avait encore jamais aperçue : ce n'était pas de la pitié mais plutôt de la compassion, de l'intérêt.

Jamais elle ne se serait imaginée faire ce geste avec une personne aussi étrangère et antipathique qu'il l'était pour elle jusqu'ici mais elle avait agi instinctivement, sur l'instant.

Le regard du caporal était toujours fixé sur les yeux gris de Mikasa qui semblaient attirer les siens tels des aimants. C'est alors qu'il se rendit compte de cette chaleur sur sa main qui semblait faire bouillir son sang dans ses doigts et se répandre dans tout son corps. Quelle était cette sensation étrange ? Il se sentait déstabilisé et n'aimait pas ça. Il était temps de retrouver son espace. Tout en retirant sa main le plus délicatement qu'il le pouvait – c'est-à-dire assez sèchement, il dit sur son ton détaché habituel :

"Je ferais mieux d'aller me reposer. On a du travail qui nous attend demain."

Mikasa était un peu choquée par cette attitude abrupte. Bien sûr c'était Livaï, mais elle venait de s'ouvrir à lui comme elle l'avait rarement fait avec quelqu'un et il ne semblait y prêter aucune attention.

Alors qu'il commençait à s'éloigner, il sentit comme un poids qui s'était enlevé de ses épaules et réalisa alors ce que cette courte conversation lui avait apporté. Pourquoi fallait-il toujours qu'il réagisse comme un sale égoïste sans reconnaissance ? Il se retourna alors et dit doucement :

"Merci Mikasa. Tu ferais bien d'aller dormir aussi."

C'est alors qu'il vit un léger sourire se dessiner sur le visage de la jeune femme. Il n'était pas sûr d'avoir aperçu cela avant mais il était sûr qu'il ferait tout pour le faire apparaître à nouveau. Mikasa fut encore plus surprise de ce revirement que du détachement abrupt qui avait précédé. Elle se sentait aussi plus légère et ravie d'avoir pu soutenir quelqu'un qui en avait besoin. Il n'est finalement pas si antipathique quand on apprenait à le connaître.

L'un comme l'autre dormirent mieux cette nuit-là qu'ils n'avaient réussi à le faire depuis des mois. 

Cours particuliers - Livaï & MikasaWhere stories live. Discover now