Le vide

7 0 0
                                    

Ce qui fait mal, ce n'est pas la douleur, c'est le vide.
Du vide. C'est précisément ce qu'il ressent à ce moment précis.

Vous voyez, cette sensation de vide. Cette impression d'avoir un creux à l'intérieur de soi, qui dévore tout, insatiable. C'est ce qu'il ressent. Il se sent vide, et il se sent seul. Il a des amis pourtant ; son téléphone est à portée de main, là, juste là. Il le regarde, son téléphone. Mais il ne le prend pas. Le prendre, ce serait avouer son échec, avouer qu'il n'est pas capable de surmonter cette épreuve par lui-même. Les gens n'ont pas envie d'être dérangés en plein milieu de la nuit juste parce qu'il n'arrive pas à dormir. Et de toute façon, de quoi leur parler ? Personne ne le comprend. Il a envie de parler, mais pas envie d'avoir une conversation. Il a envie de parler dans le vide, de tout et de rien, et en même temps sa bouche est scellé, pâteuse. Il a encore passé la journée dans son lit à ne rien faire. Il voudrait faire, mais il n'y arrive pas. Ce n'est pas le principe d'effectuer une action qui lui pose problème ; c'est la motivation pour le faire. Il court après depuis des années, la motivation. Mais elle ne vient jamais. Ou si, parfois, elle vient, par petites touches, de manière sporadique. Quand il y pense, il a l'impression d'avoir vécu plus de périodes négatives que de périodes positives dans sa vie. En même temps, il y repense alors qu'il ne se sent pas bien. C'est sans doute une mauvaise idée. Il n'a pas beaucoup de souvenirs d'avant. Des bribes, des émotions. Pas de souvenir clair, net. Aucun visage n'est gravé dans sa mémoire. Et la plupart ne sont que des mauvais souvenirs. Fut une époque où il aimait ressasser le passé. Il passait des heures à se rappeller à quel point sa vie était mieux avant. Maintenant, ça lui fait peur, de se souvenir. Ca lui fait peur car il a d'énormes trous béants dans sa mémoire. Et le peu dont il se souvient, ce sont des souvenirs négatifs. Il n'a pas le droit de dire qu'il est déprimé. Il y a des gens dans des situations bien pires que lui, tout le monde le dit. Il n'a pas le droit de parler de ses envies de suicides, parce que des gens ont vraiment essayé de le faire, et c'est pire, tout le monde le dit. Il se rappelle les moments où il avait l'impression que la mort était l'unique solution ; que s'il mourrait, ça ne changerait strictement rien à sa famille, ses amis. Il se dit que c'est derrière lui tout ça. Puis il se souvient qu'il s'était déjà dit ça, et que c'était revenu. Maintenant il a peur. Peur de l'abandon, de l'oubli. La mort, ça ne fait pas peur. C'est rapide, tranquille. Ce qu'il y a après la mort, il s'en fout. Mais s'imaginer qu'il quittera cette Terre sans laisser aucune trace de son existence, c'est impossible à imaginer pour lui. Ironiquement, il pense qu'il en mourrait, s'il n'arrivait pas à faire la différence au cours de son existence.

Elle se résume donc à ça sa vie ? Se plaindre et déprimer ? Avoir peur ? Il aimerait se convaincre du contraire. Car il sait que c'est faux. Mais curieusement, au fur et à mesure que tout le monde le rassure et l'aime, il gagne peu à peu confiance. Et alors, lorsqu'il retombe, la chute est encore plus brutale. Il place tellement de foi en les gens, il leur confie tellement sa vie, que dès qu'il rechute, l'abysse entre l'attention qu'il voudrait qu'on lui porte et celle qui lui est effectivement portée est immense. Alors il repousse les autres. Il les rejette, car il a peur d'être blessé. Il a peur de les blesser avec son comportement, avec sa tristesse, avec ses actions parfois égoïstes. C'est presque comme si tout le monde avait le droit d'être égoïste sauf lui. Lui il doit avoir un rôle différent. C'est peut-être ça la clé ; il a un rôle à jouer. Il doit faire comme l'Univers lui demande de faire et pas autrement. Peut-être que lorsqu'il veut se tuer, c'est une mise à l'épreuve. Ou bien une demande de la part de l'Univers. Qui sait.

Il est dans sont lit, il n'arrive pas à dormir. Encore. Les mêmes pensées qui passent et repassent dans sa tête encore et encore. Il sait que d'ici quelques temps, ça s'estompera, il redeviendra joyeux. Puis ça reviendra. Encore et toujours. Comme une vieille maladie dont on arrive jamais tout à fait à guérir.

Essais - EssaysWhere stories live. Discover now