Nébuleuse

Chapitre 29 - Anna

Le surlendemain matin, enfin à quatre heures du matin pour être précise, une dispute éclata entre Chase et sa petite sœur. On les entendait depuis l'autre bout du couloir. Je m'approchai doucement, pieds nus et la tête là où je pense, après ma courte nuit remplie de cauchemars sanglants. Cependant, j'étais plus déterminée que jamais. Je comptais bien faire de cette journée quelque chose de mémorable. Et ce n'était pas une querelle entre frère et sœur qui allait tout gâcher. 

— Je ne suis plus un bébé ! protesta Sophie.

— Mais tu es encore bien trop jeune pour mener une mission aussi dangereuse.

— Je veux venir avec vous ! Tu n'avais qu'un an de plus que moi lorsque tu t'es engagé dans l'armée.

J'avouai que la petite marquait un point. Dans notre société, la majorité était fixée à seize ans. Cela était la cause de la mort prématurée de la plupart des adultes, et des besoins de l'Etat de trouver des nouveaux soldats, pour en faire de la chair à canon. C'est ainsi que Chase, Wanka et moi nous étions retrouvés dans la marine aussi jeunes. Moi, c'était parce que mes parents étaient morts pendant l'épidémie, et que je n'étais pas vraiment très impliquée dans les cours. Chase aussi avait dû faire ce choix après la mort des siens, et abandonner sa formation d'infirmier car elle était devenue trop couteuse. Les infirmiers étaient formés dès quinze ans. Cela paraissait jeune, mais dans notre monde qui se mourrait, et au vu de l'espérance de vie, c'était plutôt tard. Wanka, lui, s'était engagé par vocation. Bref, techniquement, Sophie était presque majeure.

— Tu es une fille.

Cette phrase me déçut et me fit sortir de mon mutisme.

— Chase ! grondai-je.

Il sembla soudain remarquer ma présence et ses traits s'adoucirent. Mais pas les miens.

— Cet argument est non recevable, ajoutai-je.

Il présenta ses excuses à toutes les femmes présentes dans la pièce qui le regardaient de travers, puis repris sa dispute l'air de rien.

— En tout cas peu importe, femme ou non, tu restes ici !

Jules arriva torse nu, la mine renfrognée et tout décoiffé. Il était très beau c'était indéniable. Il jeta quelque chose sur le sol et ordonna :

— La petite vient avec nous.

Sophie ne réagit pas et fixa ce que Jules avait jeté par terre. Je m'approchai et réalisai soudain de quoi il s'agissait.

Avant que je ne puisse m'exprimer, Chase explosa :

— C'est quoi, ce bordel ?

Sur le sol gisait une dizaine de copies de cartes de policiers différents.

Sophie était toute rouge.

— Il faut croire que tu ne connais pas aussi bien ta sœur que ça, le provoqua Jules.

Chase s'approcha de lui, prêt à en découdre, mais je le retins par le t-shirt puis m'interposai entre les deux. Kate arriva à ce moment, en petite tenue moulante.

— Quelqu'un veut bien m'expliquer ce qu'il se passe ? exigea-t-elle.

Jules se retourna vers elle. Hades apparu soudainement à côté de Sophie, et Ash s'avança d'un pas déterminé. Le trio avait l'air fortement embarrassé.

— Depuis plusieurs soirs, je remarque que la porte d'entrée reste étonnement entr'ouverte. Et certains lits étonnamment vides.

Sophie se mit à rougir de plus belle. Jules ajouta :