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Une fois chez lui, John s'assoit derrière la porte d'entrée de l'immense maison familiale. La tête contre le bois, il ferme les yeux. Le portefeuille pèse une tonne dans sa grosse doudoune. Il décide d'ôter sa veste étouffante et la laisse s'échouer au sol. Il est en nage.

Il ne désire pas parler à son père, n'a pas la force de répondre aux attentes qu'on a de lui. Il est trop ébranlé pour ça. Il a toujours été sérieux dans son boulot, mais ce soir il se sent vide. Il est épuisé, mais ne veut pas dormir. Il a l'impression que ça fourmille sous sa peau. Il repense à cet avion en papier azur. Il secoue la tête pour ensuite l'enfouir dans ses mains.

Calme-toi...

Il prend une grande inspiration par le nez. Il sait très bien que s'il n'appelle pas son géniteur avant demain, celui-ci trouvera le moyen de rentrer en contact avec lui. D'une manière ou d'une autre, John finit toujours par s'y plier. Son téléphone vibre soudain dans son jean.

"Tu es bien rentré ?"

C'est un SMS d'Éric qui vérifie que tout va bien. Comme toujours.

"Oui."

"Tu as eu, Jungwan-nim ?"

"Non."

"Qu'est-ce que tu attends ? Il est impossible de repousser l'inévitable."

Éric n'atterrira à Toulouse que dans une semaine et John aurait préféré qu'il soit là, plutôt que d'être seul. Pourtant, c'est ce qu'il souhaitait : s'éloigner de tout ça, ne plus supporter cette pression écrasante. Au fond, John ne sait pas ce qu'il veut.

"J'ai simplement PAS envie de l'appeler, hyung."

"Je n'ai PAS envie de voir ta sale face tous les jours, néanmoins, je le fais."

John ricane et hésite à lui annoncer qu'il prévoit de contacter un type qu'il connait à peine pour lui rendre son portefeuille. John est conscient que ce n'est pas raisonnable, mais après tout, il a 21 ans. Il est un adulte responsable. Il n'a pas besoin de dire où il va et ce qu'il fait chaque minute de la journée. Ce que son père et Éric ne savent pas ne leur fera jamais de mal.

"Je verrais demain. Là, il est tard. Je te laisse, je vais bosser."

"Oh ? Tu es inspiré ? Un moment que tu n'as pas bossé de nuit."

"J'ai pas vraiment pu ces derniers temps... -_-"

"OK, ne te couche pas trop tard."

John soupire et se lève. Il abandonne sa doudoune sur place, car il a trop d'images en tête. Son cerveau tourne en boucle ce qu'il s'est passé sur le banc sur le bord de la Garonne. John n'aurait jamais deviné que Jimmy était aveugle.

Le châtain ne l'a pas regardé une seule fois.

Il m'a entendu pleurer.

La poitrine de John se serre de nouveau. Jimmy était là, a remarqué ses sanglots, puis s'est assis. Ça met John mal à l'aise de savoir que quelqu'un a été témoin de son craquage interne. Mais il se rassure en se disant que Jimmy ne l'a pas vraiment... vu. N'est-ce pas ?

Ses yeux s'écarquillent. Un éclair bleu lui passe devant les pupilles. Les mèches rebelles de Jimmy sous le vent toulousain... Les grosses derbys noires...

Peux-tu me voir ?

Il déboule comme un fou dans son bureau pour brancher tout son bazar avec hâte. L'écran de l'ordinateur s'allume. Son stylo et son carnet préféré sont à portée de main, mais alors qu'il s'apprête à les attraper, il dégaine son portable pour se commander à manger. La nuit va être longue. Il sent l'effervescence de l'inspiration prendre toute la place dans sa tête. Il repense à ce garçon qui s'est enfui, qui lui a laissé une partie de lui en se sauvant de cette manière. Sa pudeur, sa fierté, sa faiblesse assumée... John ne songe qu'à ça. Ça le retourne. Le renverse.

PAPER PLANES - Quand tu plies tes avions en papierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant