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Samedi 10 juillet

L'aéroport de Blagnac est complètement saturé. Il y a un monde fou et Jimmy est content d'être venu en tramway avec Youssef. Il n'aurait jamais pu s'en sortir seul sinon. Ils avancent tout doucement, car Jimmy vérifie chaque recoin du sol avec sa canne. Jimmy a pris l'avion deux fois dans sa vie et à chaque fois, il a détesté. Il est conscient qu'on doit les regarder en biais, mais il sait très bien que Youssef est habitué et n'y porte aucune attention.

Les deux n'ont pas rediscuté de l'épisode houleux à la sortie du bar, mardi. D'ailleurs, en rentrant, Jimmy n'a pas hésité une seconde et a envoyé la vidéo. C'est fait. Son inscription lui a été confirmée par mail. De toute façon, Youssef évite le sujet. Jimmy a bien essayé de lui en reparler pour qu'ils ne restent pas sur cette conclusion froide - il était même prêt à tout lui raconter depuis le début - mais Youssef ne lui a pas laissé l'occasion de le faire. Il trouve que sa réaction est bizarre, mais il ne veut pas forcer les choses. Surtout que songer à John est difficile pour lui. Jusque-là, il a réussi à ne pas lui réécrire et il est assez fier de lui. Il pense à John, tous les jours, mais il s'interdit d'aller à l'encontre de ce que désire le jeune homme. Il lui a dit qu'il ne lui écrirait plus, mais en réalité, Jimmy souhaiterait juste savoir... si John l'a déjà oublié ou s'il pense à lui autant que ses propres pensées s'envolent toujours vers l'autre.

Je ne le saurais jamais.

Quelqu'un bouscule Jimmy et il grogne. Youssef assène l'inconnu d'une remarque de son cru. La personne devait être pressée, car elle ne s'arrête même pas d'après son colocataire. Jimmy s'en fout. Il désire simplement qu'on lui fiche la paix. Il est nerveux à cause de ce qui l'attend dans l'aéroport au moment de l'enregistrement.

Ce satané fauteuil roulant.

Son cœur s'accélère. Il déteste ça. Il hait l'idée de se laisser pousser par Youssef tandis qu'un employé déplacera leur valise sur un chariot. Il a honte. Ses jambes fonctionnent encore et il est tout à fait indépendant, mais l'aéroport est une des exceptions au fait qu'il essaye toujours de rester debout. Il y a trop de monde, les gens sont pressés et ne font pas attention. Ça le met dans un état de nerfs qui finit constamment par empirer ses douleurs aux jambes. Et qui dit douleurs, dit une nuit horrible. Demain, il voit L'I'A en concert et il n'est pas question qu'il reste éveillé toute la nuit car il a mal partout. Il prendra un antalgique avant d'aller dormir de toute façon. Pour être sûr.

— Bonjour monsieur. Votre carte d'embarquement, s'il vous plaît.

Jimmy tâtonne contre le comptoir et dépose sa carte CMI, son passeport et sa carte d'embarquement.

— Jimmy Balleti. Sclérose en plaques. J'ai un billet adapté.
— Merci, monsieur. Nous nous occupons de vous immédiatement, dit-elle en tapotant sur son clavier.

Jimmy l'entend ensuite s'adresser à quelqu'un d'autre.

— J'ai un WCHR. Guichet 11.

Il se retient de grogner. Voilà à quoi il est réduit, une procédure.

— Votre fauteuil arrive tout de suite, monsieur. Vous êtes ensemble ? l'entend-il dire.

Il comprend qu'elle parle à Youssef, derrière lui.

— Vos papiers, s'il vous plaît.

Youssef effectue son enregistrement et Jimmy entend une voix derrière lui.

— Monsieur Balleti ?

Jimmy se retourne vers elle. Cette personne a au moins le mérite d'avoir retenu son nom.

— Voici, votre fauteuil. Je suis Clara, je vais vous accompagner à votre porte d'embarquement.
— Il me poussera, annonce-t-il en parlant de Youssef.
— Dans ce cas, je vous laisse fournir vos bagages à ma collègue pour qu'ils partent en soute. Nous allons nous diriger vers votre porte.

PAPER PLANES - Quand tu plies tes avions en papierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant