10 janvier 1907 apr. M.

22 10 0
                                    

Je commence à discuter avec les mécas de l'étage. On est que des jeunes, max vingt-deux ans, tous avec des bras ou des jambes en métal. Sauf un gars du nom de Karl, qui lui a un implant gris (une prothèse dans le cerveau). Chez lui, ça se traduit par une plaque d'acier sur la moitié de son crâne qui descend le long de sa nuque en suivant les articulations de sa colonne vertébrale. Il se l'est cassée en tombant d'un toit ; le mécartifice fait le pont entre les terminaisons nerveuses du bas de son corps et son cortex. Sans ça, il serait paralysé à partir du nombril.

C'est fou que les sorciers soient capables d'une telle prouesse médicale et qu'en même temps ils laissent pourrir le gars qui la porte dans un trou à rat pareil.

J'ai croisé une méca qui avait une tige courbe plantée dans le crâne, connectée à une espèce de monocle positionné devant son œil droit.

C'est pas la grande amitié, avec ceux de mon étage. Déjà, ils se méfient de moi et de ma prothèse « de luxe », comme je les ai entendus dire dans le couloir. Sans déconner, on entend vraiment tout à travers les murs, et ils le savaient... Ensuite, moi non plus, je ne leur fais pas confiance : il y en a plusieurs qui ont été mêlés à des trucs pas nets. Des histoires de drogue, de contrebande et d'assassinat, entre autres. J'ai trouvé ma piaule ouverte, la serrure crochetée, un soir en rentrant. Heureusement, je garde mon fric sur moi tout le temps, même quand je dors. En mangeant un seul repas par jour quand je ne suis pas en mission, j'ai économisé quarante dens.

En vrai, et même si ça me coûte de me l'avouer : j'ai la trouille. À Paris, les gueules n'étaient pas si cassées, les gens pas si désespérés — quand on est désespéré, on est prêts à tout.

Ceci dit, j'ai compris quelque chose en discutant avec Louve, ma voisine, celle qui ramène une nana différente chaque semaine dans son lit et qui se contrefiche que je puisse tout entendre : le Baron c'est pas un mécartificié, c'est un mécamage. Ça change tout.

C'est un sorcier.

En un sens, ça me rassure de savoir que ce n'est pas un humain qui nous fait, à tous, subir ces horreurs, mais rien qu'un sorcier de plus.

Le carnet de MadenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant