XLI - Barbouillé mais c'est pas une gastro !

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J'avais laissé ma mère de côté. J'avais même évité tout contact. Papy trouvait que tout allait bien. Moi, je trouvais que tout se compliquait beaucoup trop. Je me sentais assommé. Un camion de trente-trois tonnes avait achevé le travail et m'avait laissé groggy sur l'asphalte. Je défiais quiconque de voir son univers éclater juste devant ses yeux et ne pas sentir son navire tanguer. Je jetais quelques coups d'oeil à la table de Papy où une grande discussion apparemment très sérieuse se déroulait. Ils avaient tous l'air grave. J'étais content de voir ma mère en sécurité même si je m'étais énervé contre elle et que je lui en voulais toujours. Je n'avais juste pas eu connaissance de toute l'histoire, de toutes les raisons. C'était difficile de se figurer que même ma mère pouvait faire des erreurs grossières. Je l'avais payé cher mais apparemment elle avait payé l'addition la plus lourde. Est-ce qu'il fallait pardonner ? Comment agir maintenant ? Et mon frère dans tout ça ? Je leur en voulais terriblement et en même temps je me sentais minable de leur en vouloir. Je me sentais tiraillé et instable. Je crois que j'avais grandi aujourd'hui. J'avais réalisé que mes parents étaient aussi des êtres humains. Ils faisaient des erreurs. Ils n'étaient pas des dieux.

J'avais continué mon service même si mes habitués s'étaient quelque peu moqués de moi lorsque j'offrais des cocktails au lieu de thé. Wanda était arrivée sur l'entre-fait et se vit arrêtée immédiatement par Max. Ils avaient échangé quelques mots à voix basse pensant que je ne les verrai pas. Wanda avait pris sa tête d'étonnée puis m'avait regardé puis détaillé ma mère. Et puis comme Wanda était Wanda, elle était venue à ma rencontre traversant le café sans se presser mais décidée. Elle s'était arrêtée près de moi et m'avait donné un petit coup d'épaule.

- Sacrée merde, le husky ! On pourra dire que tu les auras toutes eues cette année. Mais bon, dis-toi que t'as eu aussi l'autre truffe, là. Tu lui diras d'arrêter de te bouffer du regard dès que tu lui tournes le dos.

- Heu ... Mais si je lui tourne le dos, il n'y a rien à voir, protestais-je un peu.

- Mais t'es pas vrai, toi. T'es sûr que t'es un mec ?

Et je compris. Alors évidemment, je rougis. Et évidemment Max arriva en trombe en hurlant sur Wanda totalement hilare. Cette dernière s'était ensuite dirigée vers la table de Papy et, apparemment, les présentations avaient été entamées. Je me retournais et tombais sur le visage coupable de Jimmy. Je lui retournais mon fameux regard noir façon Pepper. Il rit. Je décidais de prendre des leçons supplémentaires avec Pepper parce que j'étais vexé. Je me rapprochais avec la ferme intention de lui monter la scène de ménage de sa vie. C'est lui qui me cueillit sans que je m'y sois préparé.

- Ça fait beaucoup, petite pomme. Je suis fier de toi, tu tiens le coup.

Que vouliez-vous que je réponde à ça ? Rien. Alors je me contentais de lui embrasser la joue. Il sourit et cela pansa quelques éraflures de mon âme. Le temps était passé plus vite que je ne le pensais et il fut temps de quitter mon service. Je n'avais échangé qu'un regard avec ma mère au moment de partir sans me retourner. Il ne fallut pas plus de trente secondes pour que Max soit à mes côtés. Nous prîmes la direction des quais de Seine. J'avais besoin de marcher et de m'éloigner. Ne pas rester près du café semblait être la priorité.

- Hey ! m'arrêta Max. Tu ne veux même pas avoir où dormira ta mère ce soir ?

- Tu vois, Max, là, j'en ai rien à foutre.

- Ah oui ! Quand même. Bon, c'est sûr que celle-là est dure à avaler.

- Tu t'en rends compte ! Elle arrive, lâche sa bombe et en plus elle reste ! Et le comble je découvre qu'elle connaît papy et Alban ! Bordel de merde ! Plus rien n'a de sens !

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