XV - La nuit continue

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Alors comme ça, Papy avait compris certains de mes petits secrets. Comment avait-il anticipé ma crise ? Une chose était certaine, je n'avais qu'une envie et c'était dormir. La lumière et l'ambiance du lieu me semblaient moins pesants maintenant sans que je sache vraiment pourquoi. Peut-être que Papy et le boss assis avec moi à la table et se chamaillant me donnaient ce réconfort que je cherchais. Le boss était très différent de la journée au café tout en ayant les yeux partout au service. Pepper avait repris son rôle d'hôtesse. La vie continuait. Et apparemment, moi aussi je continuais.

Je bus une gorgée du verre que Papy m'avait tendu avant que nous sortions. Cette chaleur était à vous dessécher la gorge. Bizarre ce jus de fruits pensais-je tout en sirotant une autre gorgée sous le regard amusé de mes deux gardiens. C'était clairement l'effet que cela produisait. Entre la pancarte toujours en place et le service d'ordre, je devais passer pour le VIP du moment. Certains auraient des surprises le lundi matin. Moi, je ne faisais que servir mes cafés et mes petits déjeuners. Décidément, je n'arrivais pas à déterminer le fruit avec le lequel ce jus avait été préparé. Papy me regardait d'un air amusé tout en échangeant des sourires avec le boss. Et le monde continuait de tourner. Les discussions, les rires, la musique et les jeux de lumière s'emmêlaient pour former ces ambiances si particulières des soirées festives. J'en prenais note tout en sirotant le nectar de mon verre qui me réchauffait l'estomac et le corps. Après un petit moment de douce torpeur, j'entendis la voix de Papy penché vers moi.

- Comment trouves-tu ton cocktail mon petit Sam ?

- Oh et bien, c'est pas mal mais je n'arrive pas à chavoir... Heu savoir avec quoi c'est fait. Ces fruits sont vraiment bizarres.

Le boss haussa un sourcil et regarda mon verre au deux tiers plein puis me jeta un autre regard interrogatif tout en se tournant vers Papy qui, comme à son habitude, était absolument ravi. Pepper me regardait en m'envoyant un baiser que je lui rendis dans la foulée à ma grande surprise. Je me sentais beaucoup plus léger maintenant et je commençais à sourire franchement sous le regard de plus en plus interrogatif du boss. Il me prit mon verre des mains, verre que j'avais bu à moitié maintenant, et plongea le nez dedans tout en soupirant profondément en regardant Papy qui était passé au stade hilare.

- Hey, fis-je pour protester, c'est pas des manières ! On ne nifle pas... Heu on ne renifle pas dans le verre des autres. On n'est pas assez intimes pour échanger nos virus non mais... Et puis d'abord même pas vous espérez que j'accepte le paiement en nature. Chu trop cher. Enfin ... je crois. C'est combien les culs olympiques, Papy ?

Devant un Alban bouche bée, Papy éclata franchement de rire.

- Oh mon dieu, soupira-t-il, elle s'est reproduite par mitose !

Et évidemment parce que je ne pouvais décidément pas me taire, je fis un grand sourire et répondit tout de go.

- Bien sûr que je suis tout mitosé depuis la naissance. Forcément. Je suis un gros tas de mitose. Attention, y faut pas confondre avec mycose. Ça change tout le sens, hein. Vous savez ça n'est-ce pas ? Un cul olympique avec une tronche de champis malade, ça ferait pas pareil.

Le boss restait dans un état proche du choc et de l'horreur pendant que Papy pleurait de rire à côté de lui. Il murmurait sans cesse qu'elle s'était multipliée dans son dos et qu'il ne survivrait pas. Sans trop comprendre ce que je faisais je me retrouvais à prendre sa main dans la mienne en tapotant dessus en lui disant que tout allait bien se passer et que son accouchement se passerait forcément bien même si je n'avais pas fini mes cours sur ce point mais bon, puisque des milliards d'êtres humains étaient nés avant, il n'y avait aucune raison qu'il n'y arrive pas. Papy s'étranglait de rire devant la tête absolument interdite d'Alban.

- Je suis un homme petit con ! Comment tu veux que je sois enceinte ?

- C'est pas faux... Mais alors ce bidou ? Ho ! Oups ! Boulette ! D'ailleurs en parlant de boulette faudrait penser à substituer par les haricots verts... Les fins. Enfin eux sont fins quoi.

- Bon, je vois que ce cocktail spécial de Papy ne te rend pas fin par contre.

Nous en étions là lorsque Pepper fit un crochet pour nous saluer. Je me jetais évidemment sur elle en lui annonçant que c'était la plus belle femme de la soirée même si elle était la seule ce qui devait aider. Elle fit une mou et regarda Papy qui s'essuyait les yeux avec une serviette en papier.

- Papy ? Vous n'avez pas osé exécuter le baptême j'espère ! Sam ne boit pas une goutte ! Oh mon dieu, si, vous l'avez fait ! Oh mon gode !

- Oh si ! Et je n'avais pas autant ri depuis ton propre baptême il y a au moins dix ans, hoqueta-t-il en essayant de reprendre son souffle.

- Je vois ! Un demi-verre et il est déjà libéré délivré plus que la reine des neiges ?

- Il faut croire.

Je n'étais pas ivre. Mais je me sentais léger et heureux. J'étais juste bien. Pepper était là avec son parfum envoutant, Papy et le boss étaient à mes côtés aussi. J'avais tout oublié de malaise qui m'avait saisi plus tôt dans la soirée. J'étais conscient de ce qu'il se passait mais j'étais juste beaucoup plus bavard.

- Et donc, il est comment d'après votre test, cher Papy gâteux ? Demanda Pepper avec un air contrarié.

- Papy gâteau ? Ça me va bien je trouve ! Tu n'es pas d'accord Alban ?

- J'ai dit gâteux ! Pas gâteaux et j'apprécierai que ...

Elle n'eut pas le temps de terminer parce que je m'étais mis à pouffer assez bruyamment, ne pouvant pas me retenir. L'idée de la vision de Papy avec une cerise sur le dessus du crâne m'avait bêtement fait rire. Je me sentais un peu hors de contrôle. Pepper me regarda l'air un peu écœuré.

- Je vois donc ... Il a le cocktail joyeux. Autre chose à me dire ?

- Il est sans filtre ... Comme toi ! reprit Alban avec un air désespéré.

Et évidemment, je ne pus que glousser tout en répondant à Pepper des mots que je ne pouvais pas retenir à l'intérieur.

- Et ouais ! Je suis sans filtre ! Comme une cigarette ! Prêt à être tiré à fond !

Alban releva le sourcil, Pepper ferma les yeux tout en crispant ses lèvres et Papy faillit s'étouffer de rire. Ce fut Pepper qui reprit la parole.

- Effectivement, Alban, je vois très exactement ce que tu veux dire. Bon et bien mes petits choux, on va éviter de le mettre en risque sinon demain il aura des souvenirs qu'il n'aurait jamais dû avoir. Papy vous êtes incorrigible. Vu l'heure, fin du show pour moi ! Par contre Papy je facture les frais de gardiennage.

Et parce que je m'amusais vraiment beaucoup, je lançais à la cantonade une déclaration qui fit frémir Pepper, et mourir de rire mes deux gardes du corps improvisés.

- Devinez qui rentre avec Môôôôman ! Vous êtes jaloux hein ? Ouais ben c'est moi ! Et Môôôman a tous les droits ce soir.

C'est ainsi que je rentrais de ma première soirée, très joyeux, heureux et au bras d'une Pepper qui n'arrêtait pas de grommeler qu'elle me ferait avaler des corn-flakes aux piments rouges demain matin au réveil et qu'elle refuserait de me donner des aspirines. Ce fut notre premier retour de soirée à Pepper et moi. Il me semblait bien au fond de moi que ce n'était que le début d'une longue série. 

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