31 : Visites (et) surprises

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Je la vois appuyée sur le plan de travail, un immense sourire radieux affiché sur son visage. Elle m'a tellement manqué. Ces mois m'auraient sûrement parus plus doux avec ma sœur à mes côtés. De lourdes valises sont déposées à leurs pieds, à elle et Michal. Lui est tout aussi souriant, son bras est glissé sur les épaules de Gemma et ils forment un beau couple.

- Gemma ? je m'étonne, réjoui.

Elle me tends ses bras et j'avance le plus rapidement possible vers elle, ne pouvant contenir le sourire qui tend mes lèvres. Elle manque de peu de tomber à la renverse mais Michal est là pour la retenir. Son odeur m'avait manquée. Son rire m'avait manqué. Ses étreintes délicates, ses longs cheveux parfaits, sa voix enjouée, tout m'avait manqué. Ses bras entoure ma taille et elle est fourrée dans mon pull tandis que ses cheveux titillent gentiment mon menton. Elle a toujours eu cette manière maternelle d'enlacer les gens. J'ai beau faire une tête de plus qu'elle mais je me sens en sécurité dans ses bras. Michal m'ébouriffe les cheveux et me tape affectueusement le dos. Je me redresse immédiatement et gémis de douleur.

- Merde ! Tout va bien ? s'excuse-t-il rapidement.

Je le rassure mais ne peux ignorer la douleur qui me déchire la colonne. Michal et Gemma me regardent avec inquiétude, bientôt rejoints par ma mère qui assistait à la scène depuis le salon. Gemma prend mon menton entre ses doigts et baisse ma tête pour faire face à la sienne. Son expression bascule subitement de la joie à l'épouvante. Ses yeux s'écarquillent et je devine qu'elle n'avait pas remarqué, bien que flagrantes, mes blessures quand je me suis avancé pour l'enlacer. Elle souffle un «putain» sous le choc et examine mon visage sous tout ses aspects, les yeux écarquillés.

- Tu vas me faire croire que c'est une chute dans les escaliers qui t'as défiguré comme ça ? dit-elle, toujours en train d'étudier les hématomes et points de sutures.

- Faut croire que je me suis bien pété la gueule, je plaisante.

Je cesse immédiatement de rire après m'être aperçu que personne d'autre ne rigole. Ma mère, pourtant déjà bien au courant de la situation, paraît toujours aussi angoissée. Je les regarde un par un et vois que Michal semble encore s'en vouloir pour la tape.

- Hey, ne t'en fais pas, je vais bien ! je le rassure, peu convaincant.

Il hoche lentement la tête et sourit faiblement mais ses remords ne le quittent pas pour autant. Gemma a lâché mon visage mais ses yeux s'attardent dans les miens, contrariés.

- Je t'ai ramené tes médicaments, tu devrais prendre un calmant maintenant, m'informe ma mère son bras brassant dans le vide, cherchant le sac en papier de la pharmacie sur la table.

Elle l'attrape enfin et en sort une boîte tellement rapidement que je n'ai pas le temps d'en savoir le nom. Elle laisse glisser une des deux plaquettes dans sa main et en détache une pilule. Ses mouvements sont si rapides que nous avons tous du mal à la suivre. Elle se jette quasiment sur l'évier, me sert un verre d'eau et me tend la capsule sous le nez.

- On devrait sûrement s'asseoir, ça fait longtemps qu'on n'a pas vu Harry. J'aimerais au moins savoir s'il s'est trouvé une copine, lance Gemma en tentant de dégager l'atmosphère devenue lourde.

Je repose le verre sur le rebord de l'évier et acquiesce. Enfin, pour discuter, pas pour la copine.

Michal et Gemma s'installent côte-à-côte tandis que je tire une chaise au bout de la table. Ma mère repart dans la salle de bain, «elle se doit d'être présentable pour ses enfants», a-t-elle dit avant de sortir en douce de la cuisine. Ma sœur me fixe avec deux grands yeux ronds. L'inquiétude de mes balafres et hématomes a laissé une trace dans ses prunelles noisettes, mais de minuscules éclats de bonheur la recouvre d'un voile fin et vaporeux.

Risque (L.S.)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant