12• Le pouvoir des femmes

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Il est agréable de vivre un moment plein de légèreté sans craindre les minutes qui suivront. Jeongin a l'art de profiter de l'instant présent avec sincérité.
Notre baignade au clair de lune est vite écourtée par la pluie mais cela ne nous empêche pas de profiter d'un dîner avalé avec rapidité. Je note toutefois qu'hormis les employés, aucun adulte ne fait son apparition.

— Que font tes parents dans la vie?
— Ils sont avocats dans un grand cabinet.
— Et ça leur arrive souvent de ne pas te donner de nouvelles pour savoir s'ils rentrent ou pas le soir?
— Il m'est plus facile de compter les fois où nous partageons nos repas, tant ils sont rares.

Cette nouvelle me donne froid dans le dos. Nos vies si différentes se poursuivent jusque dans le lien intrafamilial. Si je fais mon possible pour ne pas exprimer de pitié, je m'occupe en m'enroulant dans cette couette tel un saucisson. Ce n'est pas l'inquiétude de toucher le corps de Jeongin qui me fait agir ainsi, tellement le lit que nous partageons est grand, mais l'envie de profiter de la douceur des draps. Je me demande comment est ce que cela s'appelle quand la literie approche les trois mètres de large.

— Ça doit te faire bizarre quand tu viens chez moi. Tout est si petit, entassé...
— Justement. Je m'y sens bien. Je ne me permettrai pas de te dire que l'argent ne fait pas le bonheur car il contribue à effacer pas mal de choses mais le bonheur sincère et simple que tu partages avec ta famille, ça n'a pas de prix.
— Alors sache que tu en fais partie maintenant. Tu es officiellement adopté dans la grande famille Seo. Laisse-moi juste prévenir mon père pour qu'il prépare les papiers avec la caisse d'allocations familiales.

Jeongin se trémousse sur lui-même, ravi de la nouvelle qu'il accueille avec émotions même s'il le démontre à sa façon.

— Tu vas voir, je vais faire de ta vie un grand bazar, tu vas regretter de m'avoir parlé à la BCD.

Les gentilles chamailleries laissent place à de prises de combat, où je constate que Jeongin se défend plutôt bien, avant qu'on ne tombe de sommeil.
Le lendemain, Felix entame un véritable harcèlement téléphonique, me faisant presque obtenir une heure de colle avec mon professeur de mathématiques.
Seulgi se décide à nous rejoindre pour le déjeuner et en profite pour dévorer les lèvres de mon ami.

— Tu dors encore chez lui ce soir?
— Oui. Mais si ça te gêne, je peux...
— Oh non, ne te prends pas la tête. Ça me fait plaisir de le voir heureux.

Le bonheur dans leur couple fait plaisir à voir. Seulgi est du genre à doser sa jalousie en direction de certaines personnes. Il faut croire que je ne lui fais pas peur comme potentielle partenaire de tromperie.

— Je peux vous proposer une soirée de dernière minute? Lance-t-elle avec le sourire.
— En pleine semaine?
— Oui. Je viens de l'apprendre. C'est Soobin qui l'organise.

J'observe au loin le garçon qu'elle vient d'évoquer. C'est à peine si je prête attention aux garçons de mon âge d'habitude, alors qu'ils sont très mignons.

— Bof, t'es vraiment motivée?
— Oui. Ça sera une soirée entre nous. Il n'y aura que les élèves du lycée. Interdiction d'entrer pour les gens de l'extérieur, même les petits amis.

Ce qui signifie pas de Felix.
Dans un sens, cela me pousse à sortir de ma zone de confort, de l'autre je ne suis pas sûre que mon petit ami apprécie le règlement.
Devant l'insistance de Seulgi, je finis par accepter et envoie un message à Felix pour me sentir moins coupable. Aussitôt les réponses affluent et la seule solution est d'éteindre cet objet de malheur.

Le soir même, la préparation chez notre asocial préféré donne le ton de la soirée. Juste du fun et aucune prise de tête. J'enfile un simple jean et un crop top, affichant clairement ma volonté de ne pas y aller pour séduire qui que ce soit. Seulgi est désignée conductrice puisque c'est elle qui est à l'origine de la sortie de la troupe. Elle nous entraîne dans les hauteurs de Séoul où résident les bougeois qui fuient le stress de la capitale.
Une angoisse nouvelle s'empare de moi au moment où nous mettons les pieds chez notre hôte. Je n'aurai pas mon frère ni ses amis pour me sortir de là si ça tourne mal.
Tout le lycée s'est donné rendez-vous et mon habit décontracté dénote avec les robes très courtes qui défilent. Le salon de la maison est noir de monde. Mon regard croise le show de Joy et Irène sur le comptoir de la cuisine. Nos jeunes populaires aguichent les garçons à proximité en se dandinant et montrant leur culotte.
Ah non, je reviens sur ce que j'ai dit. D'après la vision périphérique, elles n'en ont pas.

— C'est dégoûtant.
— J'ai déjà envie de gerber.

Seulgi fusille du regard celle qui a été à l'origine des tensions entre Jeongin et elle quand ils en étaient au début de leur relation. Je comprends tout à fait qu'elle n'ait pas oublié cette histoire, même si Jeongin a tenté de nous faire comprendre qu'il s'agissait plus d'une expérience sociale à ses yeux que d'un date de fin d'année lors du bal.

Le voilà justement qui revient en marchant avec difficulté avec trois gobelets. Même si je pense que le mien a perdu de son liquide en cours de route, nous trinquons à une soirée légère et joviale.
Malheureusement, rien ne se passe jamais comme prévu avec moi. Et je désespère intérieurement lorsque je sens mes règles arriver au plus mauvais moment. Je n'ai d'autres choix que de m'infiltrer dans la salle de bain et fouiller comme une voleuse à la recherche d'une serviette hygiénique ou de quelque chose d'autre qui fera l'affaire. 

Pendant ma quête, à quatre pattes sur le tapis de bain, je suis témoin d'une dispute entre une fille sortant d'une chambre et d'un mec torse nu.

— Putain de coincée.
— Va te faire foutre, réplique Solar. Si dire non c'est être coincée, alors je l'assume, connard.

La nouvelle fait preuve d'un caractère déconcertant. Mais le mâle de la zone n'accepte pas sa défaite dans cet échange.

— Ça valait la peine de me chauffer.
— Je suis juste venue récupérer la veste d'une copine. C'est toi qui t'es cru tout permis.
— Ouai ben c'est ta fameuse copine qui m'a confirmé les signaux que j'avais vu en me disant que tu m'attendais.

La conversation commence à devenir intéressante. Je me demande laquelle des trois pestes a joué un mauvais tour à Solar. Mon petit doigt pencherait pour Joy mais Wendy n'est jamais bonne dernière dans ces coups là.
Encore dans mes pensées, je n'anticipe pas l'ouverture de porte que je me prends directement dans la tête. Mon corps ne tombe pas de très haut mais je m'accorde tout de même quelques secondes pour y voir plus clair.

— Je... Qu'est ce que tu fabriques?! S'étonne Solar d'une voix agressive.
— Je cherche des serviettes. Ou des tampons, dis-je en pointant le meuble de salle de bain ouvert à mes côtés.
— Prends ça et fais gaffe. Un gros pervers rode dans le coin, ajoute-t-elle en direction du mec qui claque la porte de la chambre.

Je réceptionne le petit tampon qu'elle sort de sa pochette et la regarde se mouvoir dans cette salle de bain en embarquant le savon liquide et une serviette.

— J'en ai ma claque de cette soirée. J'vais lui montrer à cet imbécile ce que ça lui coûte de toucher les filles sans leur consentement.

Mes sourcils se haussent à la recherche d'une traduction de ses intentions.

— Tu veux lui laver la bouche avec du savon?
— Non. Ça n'ira pas dans cet orifice. Je crois que sa moto va moins bien rouler ce soir. Ça lui fera les jambes et la bite.

Celle que je considère maintenant comme une guerrière s'en va avec son butin et me laisse assise sur le tapis de sol, les yeux rêveurs.

My First Mistake [ Tome 2 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant