Chapitre 33 Ce que l'orgueil avait forgé...

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Au sommet de la haute tour de Fort Céleste, l'Inquisitrice faisait les cent pas dans ses appartements, Dila lui courant après pour parfaire sa tenue. Dès que la Messagère s'arrêtait quelques instants, la petite elfe en profitait pour défroisser un pli, ajuster le jupon ou accrocher les petits fermoirs d'ivoire encore ballants. Dila faisait le plus attention possible à cette robe qu'avaient confectionnée les couturières de la forteresse car elle savait ce que cette pièce d'étoffe signifiait pour elles : durant tout l'absence des dirigeants dans les Terres sauvages d'Arbor, alors qu'on ne savait pas ce qu'il s'y passait, qui avait l'avantage dans les combats, ni même si l'Inquisition en sortirait vainqueur, tous les ouvriers de Fort Céleste s'étaient donnés à corps perdu dans leurs tâches et les couturières avaient décidé de confectionner la tenue symbolique pour le jugement futur du général Samson, voire pour la mort de Corypheus même.

La robe se composait d'une sous-robe en soie ivoire corsetée, sans manches, puis d'une tunique bleu azur soutenue par un bustier entièrement décoré de petites pierres de nacre si petites qu'elles donnaient la sensation que le tissu était une rivière d'eau pure miroitant au soleil. Les plis du jupon, de la même couleur que la tunique, donnaient un fin volume, et un manteau de velours bleu nuit venait parfaire l'ensemble, habillant de broderies et de pierres précieuses cette tenue unique. Il était à col remonté autour de la nuque, se fermait à partir de la poitrine, à l'aide de petits fermoirs de nacre et d'ivoire, laissant entrevoir la naissance des seins. Une ceinture de velours entièrement brodées aux motifs du manteau terminait cette tenue, si l'Inquisitrice voulait bien rester un peu tranquille.

Mais la Marchéenne n'était pas tranquille en cet instant : le jugement de Samson était prévu pour l'après-midi même et elle redoutait ce moment plus que tout autre. Cullen lui avait promis d'être présent à ses côtés tout au long du procès et Joséphine lui avait déjà parlé des différentes possibilités qui s'offraient à elle pour juger l'ancien général de Corypheus. Cependant, Lédara avait la boule au ventre à l'idée de se retrouver à nouveau face à celui qu'elle tenait pour responsable de l'empoisonnement de son frère au lyrium rouge...

- Votre Grâce, je vous en prie, restez tranquille ! lança Dila qui commençait à s'impatienter.

- Pardon, Dila, marmonna Lédara qui s'immobilisa devant le miroir en pied.

Un court silence passa pendant lequel l'elfe finit d'ajuster la tenue de l'Inquisitrice avant de s'attaquer à ses cheveux.

- Asseyez-vous, fit Dila avec autorité.

La Marchéenne obéit sans mot dire, telle une enfant face à sa mère, ce qui fit rire les deux femmes.

- Je sais que cela vous angoisse, ce procès, commença Dila un peu plus détendue. Mais, vous savez, beaucoup de gens attendent avec impatience le moment où vous condamnerez le général Samson pour ses actes... Tellement d'entre nous y avons perdu des fils, des filles, des proches...

- Je m'en rends bien compte, Dila, répondit Lédara en soupirant.

La jeune elfe avait fini de donner un coup de peigne dans les longs cheveux ondulés de l'Inquisitrice et les relevait maintenant en un chignon élégant, sa bouche parsemée d'épingles. Après une bonne demi-heure, Dila avait enfin terminé son œuvre : l'Inquisitrice s'observa dans la glace, le regard perdu, avant de prendre une ample inspiration. La Marchéenne se leva de son siège, puis, enfin résolue, descendit de sa tour.

Toutefois, à peine fut-elle arrivée dans le grand hall où bon nombre de gens et de nobles se pressaient par la rumeur du jugement en approche qu'elle aperçut Léliana qui accourait vers elle, dans tous ses états :

- Inquisitrice ! Suivez-moi, vite !

- Que se passe-t-il, Léliana ? s'écria l'Inquisitrice déboussolée.

L'ère du dragon - InquisitionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant