Humiliation

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Anne-Sophie voulu le moquer une fois de plus du fait qu'elle ait raison, mais elle comprit, au regard méchant de son interlocuteur qu'elle ne devait rien redire.

— Mais pour le prouver, continua-t-il, il faut aller voir le corps.

Anne-Sophie crut fondre sur place. Comment était-elle supposée supporter la vue du sang ? Elle déglutit difficilement, avant de reporter son regard sur son camarade.

— A votre tête, cela à l'air d'être impossible pour vous, déclara Fil.

— Evidemment que cela m'est impossible ! S'indigna la jeune femme, croyez-vous que je mentais à l'instant, au Prince qui plus est ?!

— Pour ma défense, vous savez très bien jouer la comédie !

Anne-Sophie se crispa. Le Masqué avait dit exactement la même chose dans sa lettre. Soudainement, l'angoisse la prit. Fil était-il le Masqué ?

— Comment pouvez-vous savoir ? Demanda-t-elle timidement, je ne vous ai fait aucune démonstration de mes talents !

— J'aimerais bien, fit-il d'un regard aguicheur qui mit mal-à-l'aise la jeune fille, cependant je dirais vous avoir vue à l'œuvre avec notre cher Dauphin, pas plus tard qu'il y a trois jours !

La jeune femme blêmit. Le Masqué aussi était présent et avait aperçu son manège avec le Dauphin, alors qu'elle tentait de s'éclipser en simulant un mal de tête. Elle empoigna les plis de sa robe, ce qui n'échappa en rien à l'Italien. Il fronça les sourcils lorsqu'il vit les yeux de la petite s'écarquiller.

— Vous allez bien ? Demanda-t-il.

— Oui, tout-à-fait, répondit-elle prestement, je ne vois pas pourquoi vous vous posez la question.

Fil décela un léger tremblement de ses mains et son regard fuyant. Elle lui mentait. Que lui avait-il fait si peur ? Il était indéniable qu'il la terrorisait, et ce depuis le début, mais jamais elle ne s'était comportée ainsi devant lui. Il fit un pas en avant et Anne-Sophie en recula de trois.

— Pourquoi vous fais-je si peur ?

Il vit la jeune femme s'empourprer, avant de retrouver un semblant de masque froid. Il la regarda effectuer une courbette simpliste.

— Je dois vous laisser, j'ai eu le malheur d'oublier d'aller retrouver une amie dans le Palais, fit-elle courtoisement, bon après-midi.

Puis elle partit presque en courant, voulant s'éloigner à tout prix d'un homme, dont elle ne connaissait rien, puisse être ce meurtrier de Masqué. La jeune femme ne pouvait pas savoir s'il connaissait son histoire, mais il était tout de même présent lors de la comédie qu'elle avait joué devant le Dauphin. Ce qui suffisait à insinuer un doute sur son innocence. Tandis qu'elle s'éloignait, elle put apercevoir à quelques parterres de fleurs de la Fontaine, la silhouette du Dauphin Louis qui semblait la scruter. Anne-Sophie frissonna et rompit le contact visuel quand elle fut entrée dans le Palais.

Fil quant-à lui, n'avait pas raté le coup d'œil de la jeune femme derrière lui et il se retourna discrètement, en faisant semblant de chasser une poussière invisible sur sa cape noire. Il faillit croiser le regard du Dauphin qui regardait aussi dans sa direction. Fil réajusta sa cravate en dentelle autour de son cou avant de repartir à la suite de la jeune femme, voulant à tout prix comprendre cet excès d'angoisse ou de peur qu'il ou le Dauphin lui avait inspiré. Il la vit à un détour, accompagnée de trois autres jouvencelles aux longues robes aux tissus chers, brodées de milles et une couleurs et nœuds en une matière si brillante que l'on croirait en diamant. Leur peau pâle était bien trop maquillée et parée de bijoux. Une des trois, à la perruque blonde proéminente et bien trop bouclée, agitait d'un air hautain un éventail orné de fleurs brodées minutieusement, agrémenté de dentelle. Tout en elle suintait la richesse, et démontrait, par la position de sa mouche au coin de son sourire, sa jovialité. Fil ne savait pas que la discrète Anne-Sophie, qui ne portait pas toutes ces extravagances, avait pour amies ces jouvencelles en manque d'attention. Une des trois femmes, plus petite et portant une robe volante parée d'un tissu au motif floral aperçut l'Italien et lui coula un regard en biais, un sourire aguicheur aux lèvres. Puis la dernière, lui jeta une œillade lorsque Fil s'approcha d'elles. Mais à peine se trouvait-il à quelques pas, qu'il entendit une parole sortir de la bouche de la blonde qui ne le laissa pas indifférent :

— C'est ma seule chance d'être reconnue comme la Reine que je devais être aux côtés de Louis ! Alors tu ne vas pas tout gâcher et te mettre en travers de mon chemin ! Sinon je peux te promettre de faire en sorte que tu ne poses plus jamais un pas dans le Palais ni même dans Versailles tout entier jusqu'à Paris ! Cracha la blonde.

— Mais de toute manière, Catherine, roucoula la petite brune qui avait fait signe à Fil, qui voudrait d'un chiffon comme elle ? Elle ne sait même pas s'habiller comme une dame et encore moins se comporter comme une Reine !

— Oui, Marie a raison ! Enchaîna la deuxième brune, vous n'avez pas de soucis à vous faire Catherine ! Même le plus borgne des ivrognes ne voudrait pas d'elle !

Fil ne comptait même plus toutes les insultes qui fusaient envers sa partenaire d'enquête. Il était d'ailleurs étonnant que cette dernière ne fît rien pour les arrêter. Elle se contentait de regarder ses jupons et d'en triturer les plis. Pourquoi ne répondait-elle rien ? Anne-Sophie était bien plus virulente à l'égard de l'Italien qu'envers les trois demoiselles ! Il se décida à agir de façon chevaleresque lorsque les trois dindes éclatèrent d'un rire sardonique. Mais il fut devancé par la jeune femme qui tourna brusquement le dos aux trois femmes et croisa soudainement son regard ambré. Fil serra la mâchoire en voyant les yeux gris d'Anne-Sophie embués de larmes. Ce regard lui rappelait bien trop son passé qu'il s'acharnait à oublier en finissant toutes les bouteilles qu'il avait à disposition. Mais la jeune femme ne lui demanda pas son reste et s'enfuit en ne lui adressant ni la parole ni aucun regard. L'italien jura une fois de plus et se tourna vers les trois femmes qui soupirèrent en agitant leur mouchoir et éventails. Il les ignora et repartit à la suite d'Anne-Sophie. C'était insensé comment cette femme arrivait à le faire accourir derrière elle.

— Anne-Sophie ! Entendit-elle dans son dos.

Le tueur au masque de porcelaineWhere stories live. Discover now