Nouvelle lettre

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Amandine soupira en entrant dans sa chambre de bonne. Elle ferma à clé la porte grinçante et enleva douloureusement les vieux souliers qui avaient remarquablement subit toute la journée de travail. Le cuir bien trop usé, laissait entrevoir d'infimes interstices. Un jour, lorsqu'elle aurait assez d'argent, elle s'en paiera une nouvelle paire. Mais avec le petit salaire miséreux qu'elle gagnait comme femme de chambre et quand bien même à Versailles, elle peinait à se nourrir. Sans oublier ses parents dont elle devait s'occuper chaque jour depuis qu'ils sombraient dans la maladie de l'âge. Seulement en arrivant devant son lit, elle y vit, entre deux draps, une étrange enveloppe scellée par de la cire de couleur noire, représentant deux masques de théâtre. Qui donc s'amusait-il à lui envoyer de piètres lettres ? Elle la prit délicatement, puis alluma une bougie. Au dos du papier, elle remarqua une fine écriture : « Amandine de Trémaux » Elle laissa l'enveloppe lui échapper des mains. Jamais personne ne l'avait appelée par son véritable nom, elle seule ainsi que ses pauvres parents connaissaient son existence. Elle avait toujours été Amandine Maux et s'en était très bien accommodée jusque-là. Hésitante, elle reprit l'enveloppe de ses mains tremblantes, et en retira son contenu. Une lettre inévitablement, à son véritable nom.

« Chère Amandine de Trémaux,

Je vous avoue que je connais le moindre de vos secrets. Si je connais votre véritable nom, j'ai donc découvert toute votre histoire, n'est-ce pas ? Allons, ne faites pas votre tête surprise, vous saviez qu'un jour, quelqu'un le saurait. Et il se trouve que je sais tout.

De ce fait, je vous propose de vous divertir avec moi. Vous l'aurez certainement deviné, mais je suis l'auteur de tous les meurtres que ma petite brigade composée de ma chère et tendre Anne-Sophie, une si belle et intelligente femme, ainsi que de cet exécrable Italien, du nom de Filiberto Lucciano, enquête. Vous les rejoindrez afin de déceler ma véritable identité. Une paire de mains en plus ne peut que leur être bénéfique, ne pensez-vous pas ?

Laissez-moi juste vous prévenir. Je sais le moindre recoin de votre misérable et courte vie. Il me sera facile de vous anéantir une bonne fois pour toute. Pensez que j'ai les cartes en main et que vous êtes mon pion. Sachez que vos géniteurs ne sont pour moi qu'une carte à abattre parmi tant d'autres. Par ailleurs, vous devriez leur rendre visite plus souvent...

A vous de jouer,

L'acte a commencé mais les masques ne sont pas tous tombés,

L'insaisissable Masqué »

La jeune domestique fut saisie par une violente panique. Elle pensa directement à ses parents qui pouvaient avoir fait une rencontre des plus mortelles. Amandine changea de tenue, enfilant une robe légère simpliste, protégée par un fin foulard, cadeau d'une vieille femme de chambre décédée, et chaussa ses vieux souliers. Ce soir, elle devait leur rendre visite. Elle soupira une énième fois avant de se faufiler au dehors de sa chambre et détalant dans les couloirs, évitant de se faire dénicher par les gardes. Ceux-ci à la nuit tombée, n'étaient guère de bonne compagnie pour une jeune femme comme elle. Elle se repérait grâce aux rayons lunaires, qui illuminaient la terre et la guidaient dans son cheminement. Rapidement, elle arriva aux portes du palais et s'insinua à l'extérieur. Il était encore moins accueillant que Versailles et Amandine tenta de se donner du courage. Il arrivait qu'elle fasse quelques rencontres importunes, mais elle était toujours parvenue à s'enfuir. Ses parents n'habitaient pas loin, elle devait faire vite.

Anne-Sophie était rentrée plus tard qu'à l'accoutumée, un sourire éclatant égayant son visage. Le Duc était un charmant homme, attentionné, toujours d'humeur joyeuse qui la faisait sans cesse sourire. Tous deux se trouvèrent une complicité inattendue et ils s'apprécièrent immédiatement. Le Duc, qui l'avait suppliée de le nommer simplement Thomas, lui avait raconté des histoires d'enfance sur le Prince Laurent et lui à profusion. Il avait dû remarquer l'étincelle joyeuse qui brillait dans les yeux de la jeune fille. Le Duc lui avait d'ailleurs proposé quelques rencontres prochaines, et la jeune fille avait bien évidemment accepté. Il l'avait de plus, invitée à la table du Roi à son souper du soir, durant lequel elle avait essuyé nombre de regards méprisants des courtisans trié sur le volet, spectateurs du dîner qu'elle avait le privilège de partager avec les proches de la famille royale et d'eux-mêmes. Depuis, la voilà qui chantonnait presque dans les couloirs, tenant une jolie fleur de cosmos rouge entre les mains, offerte par Monsieur le Duc en personne, sous les regards attendris des domestiques et surpris des courtisans. Aussi peu, la fleur tomba au sol et son sourire se défit lorsqu'elle aperçut sur les draps du lit, la caractéristique enveloppe à la cire noire. La jeune fille ramassa la fleur qu'elle posa sur une table de chevet. Elle se saisit ensuite de l'enveloppe et en retira le contenu rapidement.

Le tueur au masque de porcelaineOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz