Le tueur au masque de porcelaine

Coupable ou innocent ?

Quelques jours plus tard, Amandine était devenue une des domestiques du Domaine. La jeune blonde avait expliqué en détail sa situation et quoi de mieux que de travailler avec son amie pour régler ses problèmes ? Au départ, le Duc avait été réticent. Certes, ils étaient aisés, mais ils ne pouvaient pas payer décemment la jeune femme. Alors, Anne-Sophie avait réussi à faire un compromis. Elle soignerait sa mère autant qu'elle le pourrait et en échange, Amandine pouvait aider le couple, installée dans la dépendance des domestiques. Pour Thomas, ce fut plus juste et la nouvelle domestique avait accepté sans hésiter. Elle pourrait soigner sa mère tout en aidant son amie de Versailles. D'ailleurs, Anne-Sophie lui avait demandé des nouvelles du beau monde de la Cour.

— C'était un désordre sans nom, lui avait-t-elle répondu en soupirant, je n'ai pas pu voir Laurent avant de partir sous les ordres des gardes. (Elle avait remarqué le froncement de sourcils de la Duchesse) Oh...vous n'étiez pas sans savoir que Laurent et moi étions... (Anne-Sophie avait écarquillé les yeux et Amandine avait rougi de plus belle avant de finir sa phrase) Amants ? Je pensais que Fil...

Les deux femmes s'étaient raidies sans s'échanger un regard, les yeux baissés vers le sol. Repenser à l'Italien était devenu une chose interdite, un sujet que l'on ne devait pas aborder en présence de la Duchesse. Savoir que Fil était possiblement le Masqué, car après tout, chaque indice ou révélation s'emboîtaient parfaitement avec la description du mode opératoire de l'assassin, l'avait bien plus que déstabilisée. Son comportement mystérieux, regardant sans cesse autour de lui comme s'il était observé, sa manie de provoquer et de s'amuser de l'autre... Tout coïncidait.

— Il n'a pas eu le temps de me l'annoncer semblerait-il, avait tenté de rire Anne-Sophie.

Mais sa déclaration n'avait déclenché chez elles que de petits sourires crispés. Un long silence s'était installé entre elles, ne laissant que l'écho de la tasse posée sur sa coupelle le déranger. Les deux femmes pensaient ardemment aux souvenirs qu'elles avaient eu avec l'Italien. Et même si Amandine ne lui avait pas autant parlé que la Duchesse, Fil avait été le seul à être au courant du chantage du Dauphin. Il avait été aussi le seul à l'avoir prise au sérieux car même Laurent ne l'avait crue. Il était toujours aveugle quant au mauvais comportement de son frère. Il fermait les yeux pour une raison inconnue, si un tant soit peu qu'elle existe. Anne-Sophie elle-même ignorait cet incident qui avait valu la désertion de la domestique du Palais quelques jours après l'accusation immorale de Fil durant le jugement. La Duchesse n'avait pas non plus connaissance des véritables raisons qui avaient poussé le Prince à dénoncer lâchement son allié de toujours. Elle avait trouvé si méprisable et détestable cet acte, qu'elle n'avait pas manqué d'en toucher deux mots à la domestique.

— Je ne comprends pas pourquoi avoir agi de la sorte, s'était-elle évertuée, même si Lucciano eut-été l'assassin pourquoi l'avoir dénoncé de cette manière ? Un acte si ignoble et lâche de sa part ! Jamais je n'aurais pensé cela de lui !

— Peut-être n'avait-il pas pu faire autrement ? Avait insinué Amandine persuadée de son innocence, et si...Le Masqué était encore derrière tout cela ?

— Que dites-vous ? S'était étonnée la Duchesse, le Masqué aurait obligé Laurent à dénoncer Fil ? (Amandine hocha la tête) Comment en êtes-vous sûre ?

Amandine lui avait alors raconté sa dernière entrevue avec son amant, avant de partir de Versailles. Elle ne dit rien qu'en à la présomption d'innocence de l'Italien. Anne-Sophie devait penser d'elle-même et Amandine voulait savoir si son amie pensait toujours qu'il n'était qu'un menteur provocant et assassin.

— Mais, avait commencé la Duchesse, si le Prince a reçu une lettre visant à dénoncer Fil, il n'est donc pas l'assassin ? Fil ne serai pas le Masqué ! Sinon, que gagnerait-il donc à se dénoncer lui-même ? Impossible !