Chapitre 57

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CHANGBIN

Je me redressai lentement. Le dortoir était bercé par les lentes respirations des autres qui dormaient. Je pris ma lettre du jour, avant de me glisser hors de mes couettes. Je montai silencieusement les deux paliers et me glissai dans le grenier. Je me dirigeai jusqu'au fond et ouvrai la grande armoire. J'en sorti une épaisse couverture et une bougie, avant de m'installer sur le rebord de la fenêtre ouverte.

   - Bonsoir, Geomi ! Fis-je tout en m'enroulant dans ma couverture. 

À ma droite, le monastère était plongé dans la nuit. Une fine pellicule de neige recouvrait les tuiles sombres, et les arbres avaient perdus leurs feuillages de feu. Je tandis ma bougie au dessus du vide, et constatai qu'il neigeait  encore un peu. Cela faisait plus d'une semaine que les premières neiges étaient tombés. Je soupirai, et un nuage de vapeur se forma devant moi. Plus d'un mois que j'étais coincé ici. Je dépliai soigneusement l'enveloppe, avant d'en sortir la lettre. Je passai la bougie devant le papier, essayant de décrypter les symboles réguliers. 

   - B-Bonnjour, Changbin. Lus-je tout bas. I...Iki... Ah ! Ici, toout va biien. Enfine, toout... esst un bien granne... Grand mote. 

Seungmin n'a plus à partir, mais cette fois, c'est Hyunjin qui le doit. Ses parents l'ont fiancé à une fille qui vient de loin. Il doit partir dans moins d'un mois. Chan n'a pas vraiment le moral non plus, et Jeongin est en pleine préparation pour son mariage. Minho ne dort plus et travail de plus en plus, et Jisung en est très peiné. 

La semaine dernière, tu sais, la nuit des premières neiges, on a retrouvé Chan bourré sur la terrasse d'une taverne. Il avait passé la nuit dehors à enchainer les bières. D'après Minho, c'était pas la première fois... Je m'inquiète pour lui... 

Mais Changbin... Tu me manque... Beaucoup. Reviens, s'il te plait... Sans toi, on n'a plus le morale. Ilsang demande tous les jours quand est-ce que tu rentre... Tu nous manque tellement... Je t'en prie, reviens... Sans toi, je ne suis rien. 

J'espère que tu reçois bien mes lettres. Je t'aime.

 Félix.  

Mon cœur se serra. Je voulais le revoir. Je voulais les revoir. Je voulais les serrer dans mes bras et leur dire que tout irait bien. Je voulais encore entendre leurs rires et leurs pics amicaux. Je voulais passer mes nuits à discuter avec eux. Je voulais leur assurer qu'on resterai ensemble pour toujours. Je voulais les faire rêver. Je voulais les protéger. Je voulais rester avec eux jusqu'à la fin de mes jours. Je voulais les voir. Maintenant. Tout de suite. 

Une larme courut le long de ma joue, et je me relevais. Cette fois, j'étais déterminé. 

   - Adieu, Geomi. Chuchotais-je, avant de fermer la fenêtre.

Je rangeai la couverture et la bougie dans la grande armoire, avant de descendre les longs escaliers. Une fois dans mon dortoir, je me débarrassai de ma chemise de nuit et enfilai la tunique que Minho m'avait offert. Je rangeai toutes mes lettres dans mon baluchon, avant de le lancer sur mon dos. Je saisi un long manteau qui était accroché au pied d'un des lits à hauteur, avant de l'enfiler nonchalamment. J'allais sortir, quand j'entendis des pas derrière la porte. Je me plaquai contre le mur, juste au moment où celle-ci s'ouvrit, menaçant de s'écraser contre ma figure. 

Frère Mok entra et vérifia rapidement les lits, avant de ressortir, se dirigeant vers l'étage supérieur. J'avais de la chance que mon lit soit au fond. J'attendis que le moine redescende, avant d'enfin me glisser hors de la chambre. Je sortis dans la grande cour. La neige crissait sous mes pas, tandis que quelques rares flocons se déposaient sur mes cheveux sombres. Je traversai les couloirs extérieurs avec hâte, vérifiant sans cesse les alentours. 

J'arrivai enfin devant une grande porte aux doubles battants de bois. Je poussai le plus silencieusement possible l'un d'eux, avant de me glisser dans la pièce. Il s'agissait d'une des petites chapelles qui étaient installés un peu partout dans les bâtiments. Je passai lentement entre les bacs de bois vides. Je contournai l'autel, avant de me poster devant le grand mur du fond. Juste au dessus de ma tête se tenait une grande fenêtre aux vitraux colorés. 

J'attachai du mieux que je pus mon balluchon dans mon dos, libérant mes mains, avant de me reprocher de la paroi. Je posai mes mains sur le rebord de la fenêtre, avant de prendre appuie de mes pieds sur les reliefs sculptés du mur. Apprès quelques tentatives désastreuses, je fini par arriver à monter sur l'étroit rebord. Je poussai contre l'un des battant de vitrai, qui résista un peu, avant de finalement céder dans un grincement aigue. Quelques mètres sous moi, le sol enneigé s'étendait librement. 

Cette fenêtre était la seule au rez de chaussé qui ne donnait ni sur la falaise ni sur la coure intérieure. À vrai dire, probablement tout le monde le savait. Mais personne n'avait jamais essayé de s'enfuir. Pourquoi ? Parce qu'elle se trouvait dans une chapelle. Même si ils n'aimaient pas être ici, ils croyaient tous en dieux. Et s'enfuir sous ses yeux serait une réelle preuve d'irrespect. Mais je ne croyais pas en Dieux. Alors qu'est ce que cela pouvait bien me faire ? 

Je pris une grande inspiration, avant de me laisser tomber sur la fine couche de neige. Je retenais un cris de douleur lorsque mes chevilles entrèrent brutalement en contacte avec le sol. Je m'écroulai de tout mon long sur la roche enneigé, le froid se glissant sous ma tunique. Je frissonnai, avant de me mordre violement la lèvre et de me relever. Ma cheville me lançait, mais je n'y fis pas attention. Mon regard courut un instant sur la foret sombre qui s'étendait devant moi, et après avoir réajusté mon balluchon sur mon épaule, je commençait ma route.

Ne tenant pas à me perdre, je longeai le monastère jusqu'à la porte principale, avant de m'engager sur le sentier escarpé qui descendait la montagne. Il faisait sombre, et de fins postillons de neige tombaient du ciel. Il faisait vraiment froid, et chaque bruit me faisait sursauter. La neige avait rendue le sol glissant, et ma cheville n'arrangeait en rien les choses. Tous mes muscles étaient engourdis par les températures polaires, mais mon cœur, lui, brûlait d'une vive chaleur. Alors, malgré le froid, la neige et ma cheville douloureuse, je continuai d'avancer. Car à chaque pas que je faisais, je me rapprochai un peu plus de ceux que j'aimais.

Puis, après une longue descente qui me paraissait interminable, je sortis enfin de la forêt. Je traversai le grand champ qui me séparait du large chemin de terre, et, au milieu de la route, je m'arrêtai. Je levai la tête vers le ciel. Il ne neigeait plus, et les étoiles illuminaient l'obscurité. Je m'assis lourdement sur le talus qui bordait le chemin. J'étais épuisé. Il ne manquait que quelques heures avant le lever du soleil. Je devais tenir jusque là, et prier pour qu'une charrette croise ma route. 

Je remontai mes genoux contre ma poitrine, me procurant un semblant de chaleur. Mes pieds étaient trempés et ma cheville allait sans doute me faire mal demain. Je ne sentais plus mes membres, et je tremblait de tout mon corp. Mais, malgré tout, j'étais heureux. Car, bientôt, je pourrai les revoir. Tous. Les serrer dans mes bras. Leur dire que je les aime. Que je suis désolé. Que plus jamais je ne disparaitrai. Ne plus jamais les quitter. Et faire en sorte qu'ils soient heureux.

Mais, petit à petit, peu importe à quel point je résistai, mes paupières se fermèrent. Ma tête tomba sur mes genoux. J'essayai de la redresser, mais elle était trop lourde. Mes paupières ne voulaient pas s'ouvrir, comme scellés. J'essayai de me reprendre, en vain. Et, bien vite, le vide s'empara de moi. Sans que je ne puisse rien y faire, il m'emporta avec lui. Loin. Et mon esprit sombra.

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