3ème Chapitre

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Qu'attends-tu encore de la part de la vie ?

Un mois. Cela faisait un mois qu'elle avait dit adieu au professeur. Depuis, elle vivait dans sa chambre, ne se déplaçant que pour aller aux toilettes et se doucher, toujours accompagnée par un soldat armé et masqué. Elle ne comprenait pas pourquoi il ne lui répondait pas, ni pourquoi il se montrait aussi distant et brusque avec elle, nonobstant elle avait appris à faire avec, faute de choix. À chaque fois qu'il la laissait sortir et la surveillait, elle lui parlait de tout et de rien, plus pour éviter un silence dérangeant que pour créer des liens.

Elle s'ennuyait. Et se posait des questions existentielles. Qu'est-ce que je fais là? Pourquoi je vis? Quel est mon but? Ce genre d'interrogations qui ne lui effleuraient même pas l'esprit avant.

Sa réalité était devenue bien monotone, elle tentait de passer le temps sans grande conviction. Rien ne l'attendait plus, désormais.

Un coup à la porte, on lui glissa son repas. Elle grimaça à la vue des pommes de terre froides et mal cuites accompagnées par de la chair dure. Se saisissant des couverts, elle testa le tranchant du couteau sur sa main avant de le déposer sur le plateau en constatant son manque d'efficacité. Elle sortit la longue griffe de son index et s'en servit pour découper aisément la viande. Ses dents aiguisées lui facilitèrent la tâche, elle avala tant bien que mal l'intégralité de son assiette, malgré le goût insipide.

Elle renvoya le support vide, puis fit quelques exercices pour s'étirer et garder son corps en forme. L'envie la prit d'aller courir, simplement pour se défouler. Vay avait besoin d'espace, de l'air. Elle voulait être libre.

L'après-midi s'écoula doucement, bien trop lentement à son goût. Le soir tomba à l'extérieur, sa chambre ne fut bientôt plus qu'éclairée par un rai de lumière passant en dessous de la porte. Elle s'allongea sur le lit inconfortable, bâilla à n'en plus finir, ferma les yeux. Les bruits de la nuit la bercèrent, elle entendait clairement un hibou survolant les arbres, deux renards partis à la chasse, un cerf relativement loin, de plus petits animaux comme des musaraignes ou des hérissons. Près du mur, un serpent rampait discrètement. En hauteur, le vent faisait frémir les branches et les feuilles qui prenaient une teinte orangée.

... de toi.

Elle se réveilla en sursaut, se redressa et parcourut la pièce du regard. Il n'y avait personne. Secouant la tête, la jeune femme se dit qu'elle devait avoir rêvé. Se recouchant, elle mit un moment avant de recommencer à somnoler.

... soin de toi.

Cette fois, elle était sûre d'avoir perçu quelque chose, comme une phrase, une supplication. La voix lui semblait féminine, elle avait également quelque chose d'étrange. Une sorte d'écho.

Les pensées en ébullition, incapable de se rendormir, elle se leva et se dirigea vers la fenêtre. C'était la pleine lune. Une douce lueur argentée baignait le paysage, lui donnant une aura mystique. Elle tendit la main, dans une vaine tentative pour se saisir de la beauté de la forêt. Ses doigts se refermèrent sur du vide.

J'ai besoin de toi.

Cette fois, la voix lui était parvenue clairement. Elle se demanda ce que cette phrase signifiait, et surtout qui lui parlait. Se rendant compte qu'elle souriait jusqu'aux oreilles, elle s'interrogea sur ce qui lui arrivait et comprit. Vay était tout simplement heureuse. Quelqu'un l'appelait, elle avait encore un rôle à jouer. Sa vie n'était pas finie.

— Que dois-je faire ? chuchota-t-elle, espérant que son interlocuteur mystère lui réponde.

Elle attendit de longues secondes, se demandant si, finalement, ce n'était pas qu'un tour de son imagination.

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