Noël à la Russe

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Je suis excité comme une puce. C'est toujours un peu comme ça quand les fêtes de Noël arrivent finalement dans le calendrier. Et quand je parle de calendrier, je veux dire le calendrier russe.

Bien entendu, j'étais heureux de voir ma sœur et mes mères au vingt-quatre décembre, mais rien ne vaut l'ambiance de Saint-Pétersbourg lorsque nous arrivons au six janvier. Tout est illuminé, les gens semblent heureux — ce qui peut être rare chez nous — et les enfants sourient de toutes leurs dents à l'idée que le père Noël leur rende enfin visite.

Ma nièce ne croit plus à l'existence du gros bonhomme rouge, mais elle fixe les paquets sous le sapin avec une attention toute particulière. C'est la première année qu'elle n'a pas ouvert les cadeaux en même temps qu'Anouchka, quand ma famille anglaise est venue. Elle a décrété qu'elle était désormais assez grande pour gérer la frustration et respecter les traditions russes. Force est de constater qu'en ce jour de fête, elle se ronge les freins.

Le seul point noir de cette journée, c'est l'absence de babouchka. Artemy a téléphoné à sa maison de retraite et ils nous ont annoncé qu'une épidémie de grippe sévissait et qu'ils ne voulaient pas que les résidents sortent. Ils feront de leur mieux pour leur permettre de vivre un Noël des plus sympathique. J'ai été obligé de ravaler ma tristesse.

Heureusement pour moi, j'ai ma plante verte avec moi. C'est mon plus beau des cadeaux, et ce que je lui dis en lui donnant son paquet cette année — pour son anniversaire, qui est entre le Noël anglais et russe. Il y a découvert un parfum que j'ai créé spécialement pour lui dans une boutique spécialisée. Il m'a littéralement sauté au cou, avant de me couvrir de baisers. Et le soir, il m'a une blague en se couvrant de ruban de soie pour se transformer, comme je lui avais si bien dit, en cadeau.

— Ça va ? T'as l'air perdu dans tes pensées.

Nous sommes dans le métro en direction de chez Artemy. Nous avons accueilli le réveillon du vingt-quatre chez nous — bien que tout le monde était serré — et il s'occupe de celui du six janvier.

— Je songeais à la nuit de Noël, cher cadeau.

Charles sourit de toutes ses dents en jouant à l'innocent. Il trompe personne avec ses rougeurs sur la peau et il ne peut pas déclarer que c'est à cause du froid ambiant, nous sommes à l'intérieur.

— Je n'ai fait que t'écouter, rien de plus. Et te plains pas. Tu as adoré me déballer.

C'est à moi de rougir en ayant des réminiscences de cette soirée. En effet, je me suis beaucoup amusé à tirer sur ce fil vert, bien entendu. Il était entortillé si habilement qu'au moment de le libérer, je n'ai pas pu retenir un petit cri, alors que je suis quelqu'un d'assez discret d'habitude.

— En effet.

— Tu sais que t'es rouge comme une pivoine ?

— Tu peux parler. Tu ressembles à une cerise toi. Ou à une branche de houx.

— Ça veut dire que grâce à moi, les gens s'embrassent ?

Il s'amuse en imitant les piquants d'une feuille de houx avec ses doigts. Je profite du fait que nous soyons presque seuls dans notre wagon — nous sommes entourés de jeunes comme nous — pour balancer ma tête sur son épaule. Il sursaute à mon contact, mais ne bouge pas. Je n'ose pas bouger pour observer son sourire, et je reste ainsi jusqu'à la fin du voyage. En sortant du wagon, mon envie de lui prendre la main est effroyable. Il y a des moments comme celui-ci où je déteste mon propre pays de ne pas me permettre d'être moi-même avec la personne que j'aime.

Une fois dans la rue d'Artemy, je glisse enfin ma main dans celle de mon compagnon. La majorité de ses voisins n'en ont rien à faire de lui, et tant qu'il ne fait pas de bruit outre mesure, tout va bien. Je suis donc un peu plus tranquille qu'à la sortie du métro.

Ciel de NoëlWhere stories live. Discover now