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Le lendemain matin, Sanji ouvrit difficilement les yeux. Il s'était endormi tout habillé sur le lit et ses vêtements étaient froissés. Il se rassit lentement, ses souvenirs de la veille se rappelant douloureusement à lui.

Comment avait-il pu se tromper à ce point sur le compte du sabreur? Il avait tellement mal. Il se souvint de leur rapprochement quelques mois auparavant. Ce jour-là, il avait choisi de s'engager dans une relation qu'il n'aurait jamais soupçonnée. Une relation avec un homme, et un rival de surcroît. Une relation qui avait demandé au cuisinier de se remettre totalement en question. Il l'avait fait, tremblant de peur mais porté par l'espoir. Et hier, Zoro avait tout gâché.

Le blond s'obligea à se relever et remit lentement de l'ordre dans ses habits. Dehors, le soleil se levait à peine. Il prit alors de grandes inspirations pour tenter d'apaiser sa respiration et il ferma les yeux une seconde, le coeur au bord des lèvres.

Il maudissait le jour où il avait décidé de donner une chance à ce lien à présent. Il aurait dû suivre son premier instinct et continuer à détester l'épéiste coûte que coûte. Au lieu de ça, il avait poursuivi une chimère. Il avait cru en ses paroles et ses regards. Il avait espéré que quoi qu'il se passe un jour entre eux, Zoro aurait toujours l'honnêteté de venir le lui dire. Comme l'escrimeur l'avait exigé de lui.

Sanji soupira et détailla ses mains tremblantes. Etait-il donc si naïf? Le sabreur était devenu son amant puis son compagnon mais avant tout, il était un membre de l'équipage au chapeau de paille et à ce titre, il lui avait fait confiance. Jusqu'à cet instant où le bretteur avait préféré s'enfuir plutôt que de l'affronter.

Pourtant, Sanji n'était pas idiot. Il avait tout de suite su et rangé dans un coin de sa tête que leur rapprochement incongru pouvait tout aussi subitement s'arrêter. Ils étaient si différents, leurs personnalités tellement opposées, cela lui aurait même semblé logique quelque part. Mais il n'aurait jamais pensé qu'ils y mettraient un terme dans ces conditions.

En lui refusant une explication, le sabreur avait non seulement laissé le blond tenir le mauvais rôle mais en plus, il avait de cette manière renié tout ce qu'ils avaient partagé ces derniers mois : leurs disputes, leurs bagarres, mais aussi la découverte de leurs sensibilités respectives, l'équilibre précaire de leur mode de communication et la prise en compte de leurs nouveaux sentiments.

Que Zoro n'en éprouve peut-être plus pour lui, il pouvait l'accepter. Après tout, cette partition se jouait à deux. Mais se faire traiter de la sorte, sans égard et sans un mot, lui était parfaitement intolérable. C'était la pire humiliation et la plus grande insulte qu'il n'ait jamais éprouvée.

Le cuisinier se décida finalement à sortir de la chambre et la referma derrière lui avant de contempler la clé dans sa main. Il n'était pas sûr de remettre un jour les pieds ici.

***

Le petit déjeuner était prêt en temps et en heure et l'équipage débarqua avec son entrain habituel, riant et mangeant de bon appétit. Sanji ne jeta pas un regard au sabreur lorsqu'il s'assit à sa place et celui-ci ne fit pas davantage de geste dans sa direction.

Le cuisinier avait pris une longue douche et mis un soin particulier à sa tenue et à la préparation du repas. Il ne lui restait que sa dignité pour soutenir son coeur en lambeaux ce matin et il comptait bien la préserver à tout prix. Il était donc hors de question qu'il ait l'air touché par ce qu'il s'était passé. Il ne supporterait tout simplement pas que quelqu'un tente de le réconforter.

Il avait donc verrouillé ses émotions pour le moment et son occupation constante l'aidait à se composer une attitude ordinaire d'un point de vue extérieur. Il allait devoir apprendre à composer avec les évènements au fil de la journée mais chaque instant passé à maintenir son apparente insouciance était déjà une victoire.

En ÉquilibreWhere stories live. Discover now