Chapitre 2

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Il faisait chaud à cette période de l'année, même durant la nuit, et les deux mercenaires avaient donc préféré dormir à l'extérieur que sous leur tente.
Le soleil était levé depuis presque trois heures et ils somnolaient toujours l'un contre l'autre. Leïmy se réveilla la première.
Elle se redressa et s'étira. Le mouvement réveilla une vieille douleur dans son flanc droit. Elle avait eu une côte cassée et la fracture avait été longue à guérir. Parfois, notamment après un moment d'inertie, la lointaine douleur revenait lui rappeler cet incident.
La mercenaire ignora la souffrance, qui disparut bien vite, et elle se leva. Elle fouilla dans son sac de voyage pour en sortir sa gourde qu'elle déboucha pour boire quelques gorgées d'eau.
Negg se réveilla à son tour en baillant.

« Tu vieillis ou quoi ? Le salua Leïmy. Tu dors un peu plus chaque matin. J'ai l'impression d'être avec ton frère.
- En parlant de Dévlin, puisque nous nous rendons à Orquia tout à l'heure, nous pourrions aller voir comment il se porte.

Leïmy feignit l'agacement en soupirant. Il n'aurait plus manqué que Negg pense qu'elle appréciait son frère aîné, ce qui n'était pas le cas. Elle s'était simplement habitué au nécromancien.
Elle prit un air résigné et accepta :

- Bon, très bien. Nous n'avons plus qu'à attendre Leïje.
- Vous parlez de moi ?

Les deux mercenaires avaient senti Leïje approcher et ils ne furent pas surpris d'entendre sa voix s'élever dans leurs dos.
Le voleur était vêtu de son éternel manteau bleu nuit lui arrivant aux chevilles et un large sourire illuminait son visage. Il était à l'heure.
Ils avaient tout trois décidé de gagner Orquia ensemble.
Leïje s'agenouilla à côté du sac rempli du butin et l'ouvrit. Une lueur de convoitise s'alluma dans son regard alors qu'il découvrait les richesses amassées dedans.
Il commenta :

- Vous allez pouvoir en tirer une sacrée somme. Suffisamment pour m'en laisser un petit peu.
- Alors là, il faudra nous passer sur le corps ! Le prévint Leïmy en lui arrachant le sac des mains.
- Nous t'avions proposé de venir, lui rappela Negg. Ce n'est pas de notre faute si tu as refusé de nous accompagner.
- J'avais plus urgent à faire.

Leïmy leva les yeux au ciel à cette allusion évidente à Dabielle. Leïje l'agaçait énormément lorsqu'il se vantait de ses conquêtes amoureuses.
Elle le tança :

- Tu m'étonnes que Mauvaise Patte ait réussi à te prendre ta place si tu abandonnes tout dès que tu rencontres un beau minois.
- Vous me forcez tout de même à venir à Orquia avec vous pour vous aider à revendre votre butin. C'est pour me faire saliver, c'est ça ?
- C'est surtout parce que tu connais mieux notre revendeur. En route. »

Ordonna Leïmy.
Elle ne se dirigea pas vers Brume. Ils préféraient laisser la jument sur place. Ils seraient moins repérables si ils se déplaçaient à pied dans la capitale plutôt qu'à cheval.
Negg se chargea du lourd sac et emboîta le pas à Leïmy. Leïje ferma la marche.
Orquia était à quelques heures de voyage. Ils seraient dans la cité au moment où l'animation serait à son comble. Cela leur permettrait de se noyer dans la foule, ce qui les arrangeait.
Toute l'affaire de la fin de Welkonn était encore récente dans l'esprit des gens et ils arrivaient parfois que certaines personnes reconnaissent Negg. La faute aux centaines d'avis de recherche que les Conseillers avaient fait placarder dans toute la capitale lorsqu'ils avaient cru que Dévlin était un traitre.
Lorsqu'ils pénétrèrent dans Orquia, les rues grouillaient de personnes vaquant à leurs occupations et les odeurs se mêlaient en miasme écœurant. Il y avait évidemment les fragrances se dégageant des étales de marchandises, celles des épices, du poisson, et aussi le musc des animaux, des odeurs du sueur, de corps mal lavés ou encore des effluves de parfums entêtants dont on s'était aspergé. Le tout, que ce soit le flot de badauds ou les senteurs s'en dégageant, soulevait le cœur ou donnait la nausée.
Et après on osait demander à Leïmy pourquoi elle n'aimait pas les gens.
Se rapprochant les uns des autres pour éviter d'être séparés, le trio se dirigea vers le nord-est de la ville.
Au fur et à mesure qu'ils approchaient des quartiers moins fréquentables, la foule se faisait moins dense et les voleurs purent se déplacer plus à leur aise mais ils étaient également plus visibles. De plus en plus de passants se retournaient sur leur passage et jetaient des regards craintifs aux lames que portaient Leïmy et Negg de manière ostentatoire.
Ils arrivèrent devant une échoppe mal entretenue à la vitrine graisseuse. Negg réajusta sa prise sur le lourd sac et Leïje poussa la porte de la boutique.
Leïmy entra la première, la main posée sur le pommeau d'une de ses dagues pour que le tenancier sache à quoi s'attendre.
Le commerçant, qui était au parfait opposé de son magasin : bien habillé, rasé de frais et bien peigné, releva la tête de ses comptes et un sourire vint fendre son visage.
Il accueillit Leïmy, dont il ne connaissait pas le nom pour des raisons évidentes, avec entrain :

Chroniques d'une Mercenaire - Tome 4 : Par-delà la Mer [Terminé]Where stories live. Discover now