— Plutôt thé ou infusion ?
Confortablement installée dans un sofa au design épuré, je regarde Juli s'affairer autour du plan de travail en céramique.
— Peu importe, tant que c'est chaud et réconfortant, déclaré-je en scrutant les alentours.
— Très bien, j'ai ce qu'il te faut, alors...
Bien que nous soyons voisines, je n'avais jamais été chez elle. Sa pièce à vivre décline des tons beiges, agrémentées des couleurs vives de quelques peintures abstraites.
Juli allume la bouilloire et ouvre un sachet. Quelques tintements plus tard, elle me rejoint avec un plateau surmonté de deux tasses qu'elle dépose sur la table basse.
Quand mon amie m'a proposé de boire le thé chez elle, je n'ai pas hésité. La joie que j'ai sentie en la voyant débarquer à la réception m'a fait réaliser à quel point j'avais besoin de lui parler. Il faut dire que je n'en mène pas large depuis l'altercation entre Carlos et Rafael, il y a deux jours. J'ai essayé de contacter l'accordéoniste après coup pour lui quémander des explications, mais il a décidé de faire silence radio et je ne suis pas certaine d'avoir envie d'insister. Son comportement m'a déroutée et j'ai besoin de laisser décanter tout ça. Avec chance, ce temps lui servira aussi à se calmer.
— Voilà pour vous madame, une aguapanela.
Juli me tend une tasse fumante, que j'accepte aussitôt.
— C'est quoi ?
— Oh, c'est tout simple, un peu de panela mélangée à de l'eau chaude et à un peu de citron.
Je porte mon verre à mes lèvres pour en savourer une première gorgée. La chaleur de la boisson dénoue ma gorge et la panela, sucre non raffiné très utilisé en Colombie, la teinte d'un léger goût de caramel qui réveille mes papilles.
— Bon, maintenant qu'on est ici... Raconte-moi, qu'est-ce qui t'arrive ? m'interroge Juli.
— Je ne peux rien te cacher...
Encouragée par le regard bienveillant de mon amie, je prends une longue inspiration et décide de tout lui raconter. L'étrange comportement de Rafael la laisse aussi perplexe que moi.
— C'est bizarre, ça ne lui ressemble pas d'être aussi impulsif, commente-t-elle. Et c'est d'autant plus étrange qu'il a déjà été amené à discuter avec Carlos dans le cadre de votre enquête, non ? Pourquoi se laisser emporter maintenant ?
— C'est ça que je ne saisis pas, cédé-je. J'ai essayé de le rappeler après coup, mais il n'a pas répondu et je n'ai pas insisté. Un tel état de nerfs, c'est dangereux pour l'enquête et je ne peux pas me permettre de tout foutre en l'air maintenant... Tu penses que j'ai mal fait ?
— Non, pas du tout. De toute façon, après ce qu'il a fait, c'est à lui de revenir vers toi pour s'excuser.
— C'est aussi ce que je me dis, soupiré-je. Le truc, c'est que certaines de ses paroles tournent en boucle dans ma tête... Il a dit à Carlos qu'il connaissait « ses petits secrets » et surtout, je cite : « maintenant que je sais ce que tu as été capable de faire, qu'est-ce qui me prouve que tu n'as pas justement eu quelque chose à voir avec cet incendie ? »
— Un incendie ? s'étonne Juli. Quel incendie ?
— Là est la question... Tout ce que je sais, c'est que ça a mis Carlos hors de lui.
— OK, c'est plus bizarre là, c'est carrément flippant. Je comprends que le dialogue ne soit pas au beau fixe avec Rafael, mais il va peut-être falloir lui forcer la main pour en savoir plus, non ? On parle quand même d'une accusation d'incendie volontaire, là. Si vous bossez pour un pyromane, toi et Sara, j'aimerais autant qu'on le sache !
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Là où tout a commencé [Terminée]
ChickLitAnimée par le désir de retrouver sa mère biologique, Ana Lucía décide de quitter la France pour se rendre à Carthagène, terre colombienne qui l'a vue naître. Plus décidée que jamais, elle se moque bien de n'avoir pour la guider qu'un prénom et l'adr...