La brûlure d'une braise T2

21- Cocktail enflammé

Le bruit d'une bouteille sur la table m'arrache de l'emprise qu'Ewen exerce sur moi avec sa simple main posée sur ma cuisse. Je regarde le barman qui ajoute l'alcool au jus de citron. 

Du gin, pas très risqué comme choix si l'on prend en compte le Gibson qu'elle vient à peine de terminer. 

Sous les yeux faussement ébahi d'Alicia, il ajoute la liqueur de cerise.

— Que diriez-vous d'un cocktail flambé ? lance le serveur dans une rhétorique qui n'a pour seul but que de la faire réagir.

— Hmm, parfait pour réchauffer cette ambiance, enchérit-elle d'une voix mielleuse.

Alors que les cinq minutes s'écoulent presque, le serveur se penche pour chercher un briquet. Une remarque m'échappe subitement :

— J'ai toujours voulu mettre feu à un cocktail.

L'employé se tourne immédiatement vers moi et mon sourire amusé disparaît quand je réalise que je l'ai parlé à voix haute. 

— Vous voulez essayer ? demande le barman.

Alicia m'adresse un regard assassin. J'envisage la proposition sans pour autant vouloir briser le pari en jeu. L'expression joueuse d'Ewen, qui me tend rapidement un briquet avec son autre main, me pousse à accepter.

— Vas-y, souffle-t-il dans une ultime tentation.

Je le saisis en me mordillant la lèvre pour signifier que je relève son offre. 

Alicia se rassoit alors que je délaisse mon siège. Ewen passe ses mains autour de ma taille et me porte fermement pour m'aider à m'asseoir sur le bar.

— Merci.

Il répond par un clin d'œil qui remue mon cœur. Je fais d'abord passer mes jambes et me dresse à côté du serveur qui m'attendait. 

Je scanne l'espace du regard. La pièce me semble bien plus agréable depuis l'autre côté du bar. Quelques clients me pointent du doigt en chuchotant, d'autres rient et certains attendent de voir ce que je vais faire. 

J'aime être le centre d'attention de tout ce monde.

Le barman me cède le shaker. Je saisis la bouteille et je suis prise d'un frisson en entourant le métal froid. Il corrige ma façon de le tenir avant de me donner l'aval pour l'allumer :

— Il ne faut pas avoir peur de se brûler.

Mes yeux plongent dans ceux d'Ewen. Deux océans dans lesquels je manque de me noyer.

— C'est déjà le cas, ne vous en faites pas.

Ewen esquisse un sourire renversant, un mélange épicé de fierté et de convoitise. Je déclenche le briquet, regardant à peine mon geste alors que je mets feu au contenu de la bouteille. 

Abandonner le contrôle de mes désirs, laisser cette partie dangereusement enfouie au fond de moi s'exprimer... Tout ça m'avait manqué. Et la présence de cet homme, celui qui m'a rendu aussi audacieuse, est le seul aval dont j'avais besoin pour me libérer.

— Vous pouvez verser, m'informe le serveur.

Il approche un verre large et je laisse le liquide enflammé couler à l'intérieur. L'effluve fruitée se dégage du cocktail avant que le barman n'éteigne la flamme.

— Vous devez faire partie de ces professions où l'on ne s'ennuie jamais, murmuré-je amusée.

— En effet, rit-il. C'est aussi une des seules où on peut séduire une femme à l'aide d'un simple briquet.