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Chapitre 8 : Lucas

Je n'avais pas eu de nouvelles de Coco depuis la crise nerfs qu'il avait tapé dans mon salon. Après son départ, encore sous le choc, je n'avais pas essayé de le retenir, essayant d'encaisser les informations qui s'entrechoquaient dans mon esprit. Espérant que ranger le carnage de ma cuisine/salle à manger m'aiderait à ordonner mes pensées, je me contentai de ramasser les débris de céramique, d'éponger le café et de replacer la table. Perplexe, j'avais appelé Baptiste. Quand il arriva, trouvant la porte grande ouverte par Coco, et vit mon expression, il me prit aussitôt dans ses bras. Je lui expliquai et, attentif, il m'écouta sans m'interrompre, pour une fois. Le réconfort qu'il m'apporta m'aida un peu, et la soirée se finit sur Mario Kart. 

Quelques semaines passèrent, durant lesquelles j'essayai de joindre Coco de toutes les façons possibles et imaginables, mais il ne répondait pas aux messages sur quelque réseau que ce soit, mes appels sonnaient occupé et aucun live n'avait lieu, apparemment j'étais même banni de son tchat. A quoi ça rimait ? Soucieux, je parlai à Baptiste de mon envie d'aller toquer chez lui jusqu'à ce qu'il m'ouvre, mais il m'en dissuada, me rappelant les réflexes violents que Corentin avait pu avoir, la tasse et tout le reste... Il avait peur pour moi. Enfin, Coco n'irait pas jusque là, si ? Je décidai alors de déposer sa veste devant chez lui, un matin, pensant repasser au retour du taf pour vérifier s'il l'avait récupérée. En sortant de l'immeuble, alors que je marchais jusqu'à ma voiture, un homme de petite taille m'attrapa le bras et me tira dans une ruelle. Je me débattis et alors que j'allais crier, la silhouette encapuchonnée me dit :

- Non, Lucas ! Ecoute-moi s'il te plaît, ça concerne Corentin.

Abasourdi, je dégageai mon avant bras de l'étreinte de l'homme et le regardai, attendant la suite. Ce mec me connaissait, était-ce un abonné ? 

- Il en veut à Baptiste, continua-t-il en retirant sa capuche, et il a prévu de le tuer.

Je pouvais voir le visage de l'homme, qui ne me disait absolument rien. Il était assez commun, châtain, avec des yeux bruns. 

- Et pourquoi je devrais te croire ? dis-je, dubitatif.

- Parce que je suis en train de prendre de gros risques là ! s'exclama-t-il. 

Il sortit d'un sac à dos un PC et je pus apercevoir un modem. Okay, un mangeur de cartes graphiques visiblement. Il alluma l'écran, et me le montra en expliquant :

- Ca, c'est l'ordi de Gota. Ou plutôt un piratage discret de l'ordi de Gota en fait.

Il s'agissait d'une conversation par message, sur un moteur de recherche connu pour donner accès au Dark Web, entre Coco et un mec à l'allure chelou. Je ne savais pas trop quoi dire, les questions s'entrechoquaient dans ma tête.

- Explique-toi, finis-je par dire. Comment t'as eu ça ? Co-comment... C'est vraiment l'ordi de Gota ?

D'une manip' simple, il revint au bureau. Le fond d'écran était le bon, celui de son PC perso, une photo de vacances avec toute une bande de potes. Douloureusement, je constatai ma présence au premier plan et regardai l'homme les larmes aux yeux. Pourquoi est-ce qu'il faisait ça ? 

- Lucas, le mec en face ne rigole pas du tout, il a des preuves réelles de ses actes odieux, continua-t-il. Mets Baptiste à l'abri.

- Comment t'as su tout ça ? demandai-je alors, me rappelant quelques secondes qu'il était anormal qu'un parfait inconnu ait accès à toutes ces données personnelles.

- Baaaah... Je voulais juste m'entraîner à hacker au début, histoire de voir ce que je pouvais faire, tout ça... Et j'ai toujours été fan de Gota, donc je me suis dit pourquoi ne pas tester mes capacités sur un niveau de sécurité censé être plus haut ? Je voulais pas fouiller, juste y accéder, je suis pas si malintentionné que ça. Sauf qu'il était sur une page étrange... Quand j'ai vu de quoi il en retournait, j'ai décidé de vérifier mes informations et de te prévenir. Je pensais que tu me croirais plus facilement en face, répondit-il. 

Je compris à peine sa réponse, abasourdi par ce qui m'arrivait dessus. Est-ce que j'allais devoir me séparer de Baptiste ? Quand même pas, si ?

- Comment je fais maintenant ? demandai-je au mec, l'appelant à l'aide du regard.

- Il lui en veut d'être avec toi, non ? S'il veut être en sécurité, il doit partir, et Gota doit croire qu'il n'y a plus rien entre vous, c'est logique.

J'attrapai mon front entre mes mains, et l'homme me tapota l'épaule en disant :

- Allez mec, je vais te filer un coup de main. Moi, c'est Louis.

...

J'ai dû tout raconter à Baptiste, qui a pris la nouvelle avec un calme étonnant. En apparence en tout cas, car je voyais nettement la tension de sa machoire serrée.

- Faut pas qu'il devine pourquoi je pars vraiment alors, fit-il observer. Sinon il me pourchassera. Faut que je trouve une excuse crédible...

- Malte, dit alors Louis.

Nous étions tous réunis dans mon salon, Louis dans un fauteuil et Baptiste assis sur le canapé, ma tête reposant sur ses cuisses alors qu'il laissait une main se perdre dans le peu de cheveux qu'il me restait. Dire que Coco était capable d'une chose pareille... Inquiet, j'attrapai la main libre de mon copain et la plaçai sur ma joue, laissant mes doigts entrelacés avec les siens. Epuisé, je m'endormis alors dans sa chaleur, oubliant pour quelques minutes les  problèmes et la douleur à venir.

14/05/2022