CHAPITRE 3 - Scène 11

943 87 3
                                    

~ Ezequiel ~

Je m'activais, comme mes « collègues » de l'organisation. J'ouvrais les paquets de came après que les laborantins eurent testé sa pureté puis j'aidais pour la partager afin qu'elle soit plus ou moins coupée pour être plus tard redistribuée en fonction des acheteurs. Les plus friqués auraient le droit à de la coke presque authentique, tandis que les camés devraient se contenter d'un produit qui ne contiendrait même pas 30% de coke. Même « l'authentique » était coupée à plus de la moitié. Le produit de coupe du moment était l'hydroxyzine, un antihistaminique. Je les avais vus utiliser de la drogue avec de la caféine ou du vermifuge pour animaux, en fonction de ce qu'ils pouvaient se procurer sur le moment. Là, en l'occurrence, il y avait un marché de passé avec un laboratoire. Je me demandais si tout le monde était corrompu.

Je m'étais renseigné sur ce produit, pour savoir ce que j'allais distribuer. Les effets secondaires mentionnés étaient les nausées, les hallucinations, les vomissements. Je m'étais arrêté à la détresse respiratoire, me ramenant quelques années en arrière, à ce moment où tout avait basculé, ce moment où j'avais abandonné mon poste d'infirmier pour passer le concours de police, ce moment qui m'avait conduit jusqu'ici.

Une main sur mon épaule m'interrompit dans mes pensées. Je me tournai vers Paul Vernier, mon boss.

— T'as fait du bon boulot ce soir, Zeq, me félicita-t-il. Comme toujours, tu as été très professionnel.

— Merci, Paul, mais je fais juste en sorte de ne pas me faire chopper.

Quelque chose passa dans son regard. Il y eut un silence avant qu'il ne reprenne.

— Pourquoi tu fais ça ?

Je fronçai les sourcils en me demandant où il voulait en venir, s'il se doutait de quelque chose ou si les brasseurs avaient trouvé le traceur que j'avais planqué dans le sac d'argent. Je gardai mon calme.

— L'argent facile, l'adrénaline, le pouvoir ?

— Tu n'as pas l'air de vivre dans le luxe, tu pourrais t'acheter trois appartements comme le tien, avoir une voiture de sport...

— Je ne suis pas très matériel, je m'achète... des services.

Il fronça les sourcils en cherchant ce que je voulais dire par là. Je précisai.

— Du personnel, pour des activités particulières.

Je pensais à Quentin, il était le seul en fait que je payais pour ces services. Les yeux de mon boss s'agrandirent et il m'adressa un léger sourire.

— Pourquoi toutes ces questions, Paul ?

Il haussa les épaules et regarda autour de lui pour s'assurer que personne ne nous écoutait.

— Je demande juste si tout ça en vaut la peine...

Je le jugeai quelques instants et m'apprêtai à l'interroger, quand on fut interrompu par un laborantin qui voulait avoir ses directives sur la quantité de crack à produire. L'instant était passé. Je me remis à défaire les paquets. Le gymnase était envahi par le matériel, la drogue, les alambics et tout ce qui permettait de transformer cette merde. Dans quelques jours, le calme et le vide viendront remplir ce local. Ayant géré une cargaison moins grosse que d'habitude, je n'avais qu'une fenêtre de quatre jours pour agir. Je devais contacter mon patron, le commissaire, pour qu'il actionne le traceur que j'avais disposé dans le sac d'argent, en espérant qu'il nous conduirait bien plus haut dans la hiérarchie du réseau et surtout il fallait que je lui parle d'Aron, de notre exfiltration, parce que j'avais beau y réfléchir, je ne voyais pas comment le sortir d'ici seul. Le gymnase était trop bien gardé pour espérer une évasion. Et compter sur le soutien de la police locale était risqué, je savais qu'une partie était corrompue, j'avais quelques noms. Mais surtout, même si j'avais du mal à me l'avouer, je voulais quitter ce merdier. Plus les mois passaient ici et plus je me demandais si j'arriverai à en savoir plus, s'il n'était pas temps, avant que je ne craque, de retrouver une vraie vie. Heureusement, j'avais une relation privilégiée avec mon patron et je savais déjà qu'il accéderait à ma demande.

Mes pensées se dirigèrent naturellement vers Aron. J'avais envie de le retrouver, savoir comme il allait, mais je ne pouvais pas montrer d'impatience, montrer cet attachement à l'équipe. Après les éloges et la discussion avec le boss, je me mêlai aux autres, j'avais ri avec Geffroy, ne lui montrant aucune amertume pour ce qu'il avait fait à mon prisonnier. J'avais insulté Loïc et il m'avait répondu sèchement, comme toujours. J'avais discuté avec Fred, de son couple, j'étais le seul ici à savoir qu'il vivait avec un homme. Sans être dans un placard, il restait discret. Et j'avais flirté avec Sylviana, c'était un jeu entre nous. Tout le monde ici connaissait mon orientation sexuelle. J'aimais les hommes et étais complètement indifférent au charme d'une femme. Au début, j'avais eu le droit à des railleries. Je les avais vite remis en place, leur faisant comprendre que s'ils ne voulaient pas que je m'en prenne à leur cul il fallait qu'ils se mêlent de leurs affaires. Certains avaient ri, d'autres avaient été répugnés et d'autres s'en foutaient royalement. Et c'était cette réaction que j'approuvais. Je me demandai quelle serait la réaction d'Aron. S'il s'en doutait déjà. Serait-il dégoûté ? Aimait-il les hommes aussi ? Il avait reçu plusieurs notifications et appels d'un certain Samuel et je me demandais s'il s'agissait de son conjoint.

Les regards qu'il posait sur moi me troublaient. Mon corps réagissait face à lui sans que j'arrive à me contrôler. J'éprouvais constamment le besoin de le toucher. J'avais envie de lui et pire que tout, j'avais envie qu'il ait de la considération pour moi. C'était au-delà d'une sensation physique. Certaines fois, j'arrivais à lire de la confiance dans son regard et puis la haine et la colère, reprenaient le dessus. Mais pas ce soir, pas quand je le soignais, là il avait semblé troublé.

Il fallait que j'arrête de me torturer l'esprit, j'avais besoin de sommeil, j'avais besoin de savoir comment il allait surtout. J'apportai la drogue près du poste des laborantins et me dirigeai vers Paul.

— Je vais me coucher. La soirée a été longue.

Le boss acquiesça, mais alors que je m'éloignais, il me rappela.

— Pourquoi le privé est encore en vie ? Geffroy m'a dit qu'il ne savait rien.

Je haussai les épaules en lui adressant un sourire en coin, sans me décontenancer.

— Je pense pas que sa technique pour le faire parler ait été efficace. C'est un ancien militaire, il en a vu d'autres. Puis surtout, j'ai envie de m'amuser un peu...

Je laissai planer le sous-entendu.

— C'est un problème ? lui demandai-je.

J'essayai de ne pas montrer d'anxiété, de faire comme si le boss n'avait qu'un mot à dire pour que je tranche la gorge d'Aron. Il secoua la tête négligemment.

— Non, fais ce qui te chante.

Et il reporta son attention sur les laborantins, se désintéressant de la conversation. Je cessai de retenir mon souffle une fois dos à lui et partis d'un pas nonchalant vers mes quartiers.

Sous couverture : Chasse à l'homme MxMحيث تعيش القصص. اكتشف الآن