CHAPITRE 15 - Scène 56

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~ Ezequiel ~

Aron et moi restâmes à l'intérieur, pour qu'on ne nous aperçoive pas. Les deux hommes, un grand blond et un petit trapu et brun, arrivèrent dans leur uniforme de militaire, tenant entre les mains un SCAR-H, le fusil de l'armée de terre. Quand ils entrèrent, Aron les salua de façon adéquate à leur rang, déclinant son identité et l'ancien corps d'arme dont il faisait partie. Les deux autres l'imitèrent pendant que je fermai la porte. Une fois au repos, j'intervins.

— Moi, c'est Ezequiel Deville, Zeq pour les intimes.

Ils me donnèrent une franche poignée de main, avec un sourire aux lèvres devant ma présentation moins formelle que la leur. Ils firent de même avec Aron, avec cette fois un large sourire aux lèvres et un soupçon de fierté ? Je n'étais pas sûr de bien interpréter.

— Caporal Hémeri, de l'opération Rorqual, au mali ? demanda le blond.

— C'est bien moi.

— Merde alors ! Finalement, on va passer un bon moment. Tu prends le premier tour.

Le plus petit acquiesça et se positionna au niveau de la fenêtre, la seule où les volets étaient ouverts, mais nous étions cachés par d'épais rideaux. Je me fis la réflexion que ces gars étaient beaucoup plus professionnels que les agents de police.

Le grand blond s'installa sur une chaise de la salle pendant qu'Aron revenait avec des tasses de café fumantes.

— Raconte ! On veut ta version avec tous les détails !

Aron haussa les épaules, comme si ce n'était pas grand-chose, mais il avait un petit sourire suffisant aux lèvres.

— C'était juste une mission comme les autres, avec son objectif.

— De quoi vous parlez ? intervins-je.

— T'es pas au courant ? C'est le caporal qui a sauvé la journaliste, Ingrid Lemercier. L'otage qui est restée en captivité pendant plus de deux ans au Mali.

J'en restai bouche bée. J'avais entendu parler de cette affaire aux informations comme tout le pays, mais j'étais à mille lieues de penser qu'il en était le héros. Ce n'était pas lui qui avait été médiatisé à l'époque, mais son supérieur qui avait reçu la médaille. Je fis le rapprochement, c'était sûrement là que j'avais déjà vu le colonel Langevin. Il avait été récompensé par le président de la République pendant qu'Aron vivait sa victoire dans l'ombre. Je m'asseyais avec eux pour écouter le récit.

— On a dix heures à passer ensemble, rend les mémorables, dit le petit trapu, positionné devant sa fenêtre.

Aron commença par parler du travail qu'avait fait le régiment de transmission, les mettant en valeur. C'était bien dans son tempérament de ne pas se mettre en avant. Les soldats du RT avaient intercepté plusieurs appels avec des informations divergentes. Aron et son équipe avaient été chargés de mener les enquêtes sur le terrain pour chaque information. J'appris à ce moment-là qu'Aron avait été chef de section, qu'il avait été responsable de son groupe. Il ne l'avait jamais mentionné même s'il m'avait bien dit que c'était lui qui avait mené ses frères d'armes dans cet entrepôt, lors de sa dernière mission. Je comprenais mieux la culpabilité qu'il ressentait.

Je le vis s'animer en racontant avec enthousiasme les histoires de cette époque, alors que je pensais qu'il ne gardait que de mauvais souvenirs. La première piste avait été une impasse, la deuxième, une embuscade. Il racontait les feux de l'action, l'adrénaline, la boule au ventre en se demandant s'ils allaient tous s'en sortir, si le gars qui gisait par terre était un des siens, le soulagement de voir que c'était un de ceux qui avaient essayé de les tuer.

Sous couverture : Chasse à l'homme MxMWhere stories live. Discover now