CHAPITRE 11 - Scène 42

759 71 4
                                    


~ Ezequiel ~

Les jours passèrent et à chacune des sorties d'Aron, je restais les yeux rivés sur mon téléphone à regarder ses déplacements ou son immobilité jusqu'à ce qu'il soit rentré chez lui. Souvent, il m'appelait sur le chemin du retour, il avait deux heures de route. Certaines fois, il restait à dormir dans un hôtel du coin. Malgré ses recherches, il ne trouvait rien sur la duchesse et ça l'enrageait.

— Je suis sûr qu'il y a un truc, elle est trop froide, calculatrice. Elle est forcément impliquée.

— On s'est peut-être un peu monté la tête. Tu savais qu'elle faisait des dons pour des associations caritatives et sportives ?

— Ça l'innocente ? Je suis sûr que ça ne vient pas d'elle, mais des membres du bureau.

Je commençais à douter quant à l'implication de cette femme.

— Peut-être que Geffroy est impliqué sans qu'elle le sache. D'ailleurs, tu l'as déjà vue en sa présence ?

— Jamais, admit-il.

— C'est peut-être un signe.

— Je croirais entendre ma psy. Selon elle, j'invente de fausses pistes pour donner un but à ma vie. Elle a enrobé le truc, je te rassure, c'est pas une peau de vache, mais ça voulait dire ça.

— Elle a peut-être raison..., laissai-je échapper.

— Je te remercie de me confirmer que ma vie est minable.

— Non ! C'est pas ce que je veux dire.

Ma poitrine se compressa. Je n'avais pas du tout l'intention de le rabaisser.

— Je veux dire que tu veux peut-être absolument trouver une enquête qui te motive, que tu as peut-être fait le tour en tant que détective et que tu vises quelque chose de plus grand, enfin, je ne sais pas...

Je l'entendis rire à l'autre bout du fil.

— Je plaisantais Zeq, me rassura-t-il. Elle a peut-être raison. Mais je n'ai pas envie de lâcher maintenant. Je préfère suivre mon instinct plutôt que de m'analyser. Puis je n'ai rien de mieux à faire en ce moment.

Je secouais la tête même s'il ne pouvait pas me voir. J'entrais dans le hall de mon immeuble et tombais nez à nez avec mon facteur qui me fit signe qu'il avait une lettre pour moi.

— Deux secondes, Zeq.

Je le fis patienter et contre échange de ma signature, le facteur me remit une enveloppe avec le logo de la République française.

— T'es toujours là ? s'inquiéta Aron.

— Oui oui, quitte pas, j'arrive à l'appart.

Je montais les marches quatre à quatre et refermais la porte du pied, en dépliant le courrier pour le lire. Les lettres de "convocation" étaient inscrites en grand. Je repris le téléphone.

— J'ai reçu la convocation du tribunal, le procès commence le deux septembre, dans à peine deux mois ! l'informai-je avec un peu trop d'excitation dans la voix.

Ce simple courrier avait ravivé mon cœur. Je le posai sur la table de la cuisine. J'étais partagé entre euphorie et sensation du devoir accompli, signant la fin d'un long parcours. Mais c'était bel et bien l'euphorie qui l'emportait.

— Je sais.

Mon sourire s'effaça par la surprise et son ton laconique.

— Comment t'es au courant ?

— J'ai reçu ma convoc y'a deux jours.

La mâchoire m'en tombait.

— Et tu n'as pas jugé utile de m'en parler ?

— Non.

Son ton était nonchalant, il s'en fichait complètement. J'étais passé de l'euphorie à la déception pure et simple.

— Tu te fiches de moi ?

— J'ai zappé l'info, ce n'est pas ma priorité ton truc, c'était ta mission, à la base, pas la mienne.

— C'est pour ça que tu as passé ton dernier mois, à filer la duchesse ? Arrête de me mener en bateau. Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?

J'entendis un long soupir agacé. Sérieusement, il passait en mode ado ? Fallait croire que oui, parce qu'il resta muet.

Je soufflai, agacé, à mon tour.

— T'es chiant Aron. On ne peut jamais discuter avec toi. Je ne sais pas ce que tu penses. Tu devrais content de l'avancement de cette affaire, sur laquelle on a bossé tous les deux depuis des mois et toi, tout d'un coup tu t'en désintéresses !

Je balançai l'enveloppe au loin et mon geste de hargne se solda par une feuille planant tranquillement avant de s'échouer sur le sol. Ce qui rendit mon geste encore plus pathétique qu'il ne l'était. Heureusement, j'étais le seul à en avoir été témoin.

— T'es content de quoi ? De l'arrivée du procès ou d'autre chose ?

Je voyais où il voulait en venir. Tout à coup je comprenais son silence, enfin je ne le comprenais pas, je me l'expliquais.

— J'étais content d'avoir une excuse pour venir te voir... Une raison pour que tu ne puisses plus me garder loin de toi.

Son silence me répondit une nouvelle fois.

— Je vois que le plaisir n'est pas partagé. Je vais retourner vaquer à mes occupations. Bon week-end.

— Zeq...

Il m'interpella suppliant, comme s'il s'excusait.

— C'est bon Aron. T'as pas à t'expliquer. Je vais m'adapter.

Je mis fin à la communication en même temps qu'il venait de m'être fin à toutes mes illusions. J'avais un goût amer dans la bouche et l'impression que tout souffle de vie m'avait quitté. Je restai hébété, debout dans ma cuisine à regarder au loin le bout de papier qui s'était échoué sur le seul, comme notre relation. Il n'avait plus qu'à la piétiner.

Sous couverture : Chasse à l'homme MxMWhere stories live. Discover now