One Shot

Elle ou eux ? Le bien ou le mal

Je devais encore choisir. Le bien ou le mal, être le héros ou le vilain. Je ne savais même plus ce que cela signifiait. J'étais de nouveau face à lui, son regard de glace me transperçait, ses mains étendues le long de son trône de fer et de d'argent me narguaient. Et toujours cette même question qui passait ses lèvres ensanglantées du sang de mes précédentes décisions. «Qui choisiras-tu cette fois ? La vie de celle que tu aimes, Astride, ou celle du monde ?» Et en ce jour, comme l'année passée, et comme celle encore avant, et jusqu'aux aussi loin que je puisse me rappeler, je ne savais pas quoi faire.

Son sourire de charognard se manifestait alors quand il vit le désarroi apparaître sur mon visage une nouvelle fois. «Allons ma douce Camille, pourquoi hésites-tu ? Tu choisiras le monde comme à chaque fois que tu es devant moi. Tu préfèras être seule et te haïr, que de savoir que tu aurais pu tous les sauver, me dit-il.»

Je serrai ma mâchoire, tentant de refouler les larmes et la colère qui me submergeaient. Je savais qu'il avait raison et pour cela je le méprisais autant que je me haïssais. Et comme à chaque fois, je ne pu m'empêcher de me demander qu'avais-je fait pour être dans cet endroit, dans cet enfer, dans cette position où peu importe ce que je choisis, je sortirais avec une douleur que nul mot ne pourrait jamais exprimer.

Mais aujourd'hui, je décidai de me laisser le choix, de balancer le pour et le contre. Pour me faire souffrir ? Surement. Mais aussi pour essayer d'apaiser ce dégoût envers moi même. Alors je laissais mes pensées divaguer et prendre forme sous mes yeux. C'est alors qu'un ange et un démon me ressemblant étrangement me firent face et commencèrent à me parler.

« Tu dois choisir le bien, tu dois sauver le plus grand nombre, tu feras face comme tu le fais toujours. Choisis-moi Camille, tu sais que cela est juste, me dit l'ange de sa voix douce et posée.

- Pourquoi l'écoute-tu encore Camille ? Si tu prends le bien, celle que tu aimes mourra, et tu n'auras plus rien. Elle mourra pour un monde qui ne saura jamais que tu l'as encore sauvé au prix de ton âme, argua le démon d'une voix empreinte de colère.

- Mon Ange, n'est-ce-pas comment Astride t'appelle ? me demanda l'ange.

- Je lui répondis les larmes aux yeux, si, je suis son Ange à elle, pour toujours et à jamais.

- Alors soit réellement Son Ange. Sauve sa famille, sauve tous ses gens qui comptent sur toi, qui ont foi en toi sans même le savoir. Qui ont besoin de toi.

- Bien sûr c'est une bonne idée, laisse là mourir aux mains de celui qui t'a tout pris. Tes parents, tes meilleurs amis et maintenant la seule personne que tu n'ais jamais aimée. Tu devrais choisir Astride, la question ne devrait même pas se poser. Tu l'aimes plus que tous ces inconnus, elle est tout ce qu'il te reste Camille. Pour une fois embrasse le mal.

- Mais... je ne veux pas prendre cette décision. Soit elle meurt pour sauver le monde, soit le monde meurt pour la sauver. Et je sais que jamais elle ne pardonnera si je ne décide pas de sauver sa famille. Tu as raison, la question ne devrait pas se poser. Je ne devrais pas être autant égoïste et m'accrocher à ce ridicule espoir qu'un jour viendra où je n'aurais plus à choisir, où je pourrais avoir les deux, sauver le monde et celle que j'aime. Si je prends le bien, l'ange, je perds mon âme et Astride. Mais je sauve le reste. Si je prends le mal, le démon, je perds tout. Mais je la sauve.

- Mais à quoi sert de la sauver si elle te hait ? demanda l'ange.

- À qu'elle soit en vie et auprès d'elle ! cria le démon.

- Ça suffit, laissez-moi tranquille ! je m'exclamai. Je murmurai dans un souffle. Je sais ce que je vais faire. J'aurais les deux. Je vous choisis tous les deux.»

Les figures se confondirent alors en un personnage mi-ange mi-démon avant de disparaître. Et sous mes yeux réapparut l'homme de mes tourments, cette même question suspendue à ses lèvres de sang « Alors ma douce, ton choix est-il fait ?» .

Mais cette fois-ci j'avais une réponse qui me convenait, et pour la première fois devant lui j'osai le regarder dans les yeux pour m'adresser à lui, et je souris intérieurement. Je vis la surprise perler de son regard gelé, quand je lui annonçai une contre proposition.

« Je vous propose ceci. Vous laissez tout le monde vivre, y compris ma petite amie.

- Pourquoi ferais-je cela ma douce ?

- Parce que si vous me faîtes venir ici encore et encore c'est pour me voir souffrir. Alors en échange de leur vie, je vous donne la mienne. Si vous acceptez, vous serez libre de faire tout ce que vous désirez, de m'infliger tous les châtiments dont vous rêvez.

- Qui te dit que je tiendrais parole et que je ne tuerais pas tout le monde après ta mort ?

- Jusqu'ici vous ne m'avez jamais menti. Et je sais que suivre les règles du jeu vous plaît. Alors acceptez mon marché.

- Bien sûr que j'accepte, ria-t-il. En revanche, tu vas vite regretter d'avoir accepté. Certes ils vivront tous mais tu souffriras jusqu'à en mourir, et je prendrais plaisir à te regarder supplier pour que j'arrête.

- J'ai une dernière condition à cette nouvelle proposition. Je pourrai parler à Astride une dernière fois.

- D'accord, je lui transmettrai 10 mots. Pas un de plus, pas un de moins et elle ne pourra pas te répondre.

- Dites-lui, Je t'aime Astride, pour toujours, sois heureuse sans moi.

- C'est parfait, se moqua-t-il. Que ta torture commence maintenant.»

À ces mots, ses yeux s'allumèrent d'une passion ardente alors que je fermais les miens et le laissais m'emmener avec lui, ses mains froides dans mon dos me poussant vers mon destin. Je savais que j'allais souffrir jusqu'à ce que mon corps lâche, mais je m'en fichais. À ce moment-là je ne pensais qu'à l'odeur d'Astride, son sourire éclatant, et je me dis que peut-être que l'Homme n'était pas obligé d'être bon ou mauvais, peut-être ce n'était qu'une vision des choses que quelqu'un après moi trouverait un moyen de gagner face à ce monstre. En tout cas, en ce jour, pour la première fois, j'eus l'impression d'avoir fait le bon choix, l'équilibre entre ce que j'avais toujours considéré comme le bien et le mal. Cependant cette balance a eu un prix. Aujourd'hui, ce fut celui de ma vie. Mais demain qui sera dire ? Peut-être que je serai sauvée ou peut-être que je périrai aux mains de ce monstre ?