Chapitre 1 : Deux mages

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Dans les bois assoupis de Filenvel, non loin de la frontière d'Andoras, une vallée d'étoiles était tombée avec la nuit. La pleine lune voguait en silence dans les cieux et ses faisceaux tressées d'argent s'écoulaient sous une orée diaphane. Les vents farouches d'été soufflaient dans les feuilles et les murmures de la forêt berçaient la contrée. Pourtant, à travers le dédale endormi, filait une mélodie aussi espiègle qu'envoutante. Elle s'engouffra entre les arbres, caressa leurs écorces de sa légèreté, tourbillonna entre les racines cornues, siffla de sa malice dans l'air. Au terme de son voyage, elle finit par survoler un val vert et vaste. Là, était niché le village de... Comment se nommait-il déjà ? Brilger-quelque chose... Oui ! Brilgerforth ! C'était un nom difficile à prononcer et, pour être honnête, difficile à s'en souvenir aussi. Pourtant, son accueil, lui, fut inoubliable. Pour inaugurer la nouvelle saison, le village organisa un fastueux banquet ! C'était la tradition ici ! Tout le monde y était convié.

Les habitants de Brilgerforth étaient d'invétérés fêtards, ils avaient l'art et la manière de recevoir leurs invités. Leur hospitalité était inégalable, c'était instinctif chez eux ! Une tradition séculaire de partager la bonne bière et le bon pain ! 

Il s'était écoulé une semaine entière où les murmures se faufilaient d'oreilles en oreilles. Disait-on que cette réception-là serait la plus fabuleuse depuis des décennies, et pour cause, l'on avait quelque chose de plus important encore que la nouvelle saison à fêter ! Même les fermiers et paysans aux alentours, appâter par la promesse du vin, finirent par atteler les chevaux et faire le voyage jusqu'à Brilgerforth. Les quelques jours restant qui séparaient la réception, on vit se dresser des cortèges de charpentes et d'estrades. Des piquets, enrobés de lierres et de fleurs, s'extirpèrent du sol et batifolaient à leur sommet des banderoles dans lesquelles le vent venait s'engouffrer. Sur celle-ci, étaient peints les motifs du printemps approchant. Des arches claires serpentaient de hauteur en hauteur et n'attendaient que les nouveaux arrivants pour les traverser. Lanternes et lumières avaient été hissées afin de tenir écartées hors des lieux les ténèbres de la nuit. On désirait faire les choses en grand, aussi, avait-on convié les meilleurs bardes et ménestrels de la région afin d'arroser la foule de leurs chants les plus folklorique. De grandes estrades drapées de velours leur étaient dédiées.

À l'entrée des festivités, avait été dressé un majestueux chapiteau de toile. Jamais-vu un d'une taille pareille ! Un cadeau légué par l'ancêtre du chef du village paraîtrait-il. Lorsqu'on le traversait, on était immédiatement plongée dans une foule de joies, inondée de feu et de valses. Des hordes de villageois se rameutaient par centaine, s'éparpillant entre les tables et les buffets. Des cargaisons entières de boustifailles affluaient et, croyez-le, on ne se faisait pas prier pour les piller ! Au centre de toute cette folie, on avait érigé un grand feu pour festoyer, dont les flammes, hérissées dans les ombres et enhardies par les chants, nimbaient les lieux de son éclat crépusculaire. Parfois, on écoutait ses étincelles claquer comme des brindilles avant de s'estomper dans la nuit. Une légion de tables en chêne s'étirait en demi-lune autour du brasier et était ensevelie sous une quantité astronomique de victuailles. 

La viande était savoureuse ! De la bonne chair à décarcasser qui s'empilait dans les assiettes, débordait des charrettes et emplissait les estomacs des plus voraces. On venait la plonger dans les braises et on la sentait, oh oui on la sentait, s'enduire de cendre et s'imprégner d'une belle et savoureuse teinte cuivrée. On s'y donnait à cœur joie évidemment, on venait, du bout de son bâton, immerger la chaire dans le feu et on la croquait à pleines dents en se brûlant légèrement les lèvres. La bière coulait à flots ! Oui à flots ! On faisait rouler les fûts le long des pentes et on s'attrouper tout autour pour être le premier à se faire servir. Des effluves ambrés et d'or se déversaient sans cesse dans les coupes. On la buvait, la renversait, s'aspergeait avec ! Des litres et des litres qui finissaient engloutis dans le gosier des villageois bientôt ivres à tituber de la patte. Il faut bien avouer que la préparation locale était très goûtue, enrobée d'une saveur de pommes, de châtaignes et d'épices, et dotée d'un sacré caractère. À peu près toutes les demi-heures, de nouveaux breuvages et mets connus, et d'autres méconnus, venaient alimenter le festin. Cerf, sanglier, mouton, bœuf... Tout y passait, même du Langlope, viande rare, mais prisée, surtout dans ces coins. Il s'agissait de gibier, mais avec une viande plus tendre et peut être un arrière-goût très prononcé de champignon. Ce fut un vrai régal !

Les Fables Du Mana : Le cœur de la magieWhere stories live. Discover now