Chapitre 23 : Les larmes dans la nuit

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Peut-être était-ce une voix froide et sinistre qui tourmentait encore les rêves du vieux mage gris. Celle du prince Rénathaël. Murmuraient dans son esprit, les échos des sombres profanations du prince. Il sentit alors la nuit étreindre ses membres lorsqu'il revoyait défiler dans ses pensées les sombres visions de l'œil. Il ressentit à nouveau le froid glacial des ténèbres s'emparer du ciel et la chaleur des flammes rougeoyante dévaster la terre. Il se voyait lui-même, affaler sur les décombres du monde, meurtrit par la poussière et le souffre, fixant désespérément les alentours, ressentant la solitude la plus morne qui soit. Il se tordit de douleur dans son lit, comme si le brasier était présent dans la chambre et lui brûlait la peau ! Il se contorsionna dans un sens, puis dans un autre, au grès des hurlements abandonnés dans le vent.

"Vous l'avez vu, n'est-ce pas ?", entendit-il résonner à nouveau dans la cave sombre de sa conscience. "N'est ce pas ?" le nargua encore la voix du sombre prince. Et il la revit à nouveau, la silhouette titanesque qui s'élevait au-dessus de la cime du monde et l'emprisonnait dans un chaos infini. Les yeux du vieux mage brûlaient de désespoir devant la vision cauchemardesque qui s'étendait dans le cosmos tout entier.

Puis, un abîme noir s'empara de son rêve. Vint à lui des voix qu'il n'avait jamais entendu auparavant. Des sombres murmures, à la fois ceux de Rénathaël et à la fois ceux d'un autre être. Un être à la voix à la fois tiraillée, endolorit et caverneuse. Il ressentait les deux murmures s'entremêler, se déchaîner, s'affronter. "Le crépuscule", "l'avènement", "le cœur de mana". De nouvelles visions de douleurs lui arrachèrent les tripes. Il vit d'abord la vision d'un monde esseulé dans l'univers, baignant dans une mer de cosmos orangé et aux ombres sinistres s'écoulant à ses frontières. Puis des runes énigmatiques vinrent sonder son âme et une vision flou de Rénathaël lui parvint. Il le vit avec le cœur de mana entre les mains et le brandir face à une horde de voix désincarnées. S'en suivit une vision de la lueur céruléenne du cœur se corrompre, devenant une masse violâtre balbutiante et agonisante. Il vit se dessiner, entre d'innombrables piques tranchant, une cité fantôme aussi sombre que l'oublie. "Relantrys", vint murmurer Rénathaël dont la voix se distordit dans celle d'un autre. " Ramène le cœur !", gronda cette autre voix. "Le cœur", "le cœur", "le cœur". "Le cœur de mana !" clama haut et fort la voix d'Orax à la fois dans ses rêves et son éveil.

Les yeux du vieil homme surgirent alors hors de ses tourments endormis. Son regard gris, écarquillé, se souleva en dehors de son lit et se précipita comme une ombre folle en dehors de sa chambre, ses jambes revigorées par une panique détonante. À demi-sommeillant au sommet du perchoir des astres, Maryus Delestreygon ressentit comme une perturbation affolée retentir dans son esprit et son corps. Comme si on venait de lui dérober un linceul fantôme virevoltant autour de lui et dont il remarqua la disparition. Il écrasa le livre qu'il tenait entre ses mains contre la table et se précipita à son tour en dehors. Perceban et Thomast, cloisonnés dans le bazar montagneux de leur tanière grise, ressentirent comme une brise tiède quitter l'atmosphère environnante. Cela eut pour effet de retenir tout deux leur attention au même moment, s'échangeant un regard interloqué et l'un comme l'autre comprirent la même chose. 

Bien qu'il était resté foudroyé contre son lit pendant plusieurs jours, Orax dévala les méandres de la citadelle à toute vitesse, fracassant l'air dans son sillage et laissant sur son passage tout un tas de regards interloqués. Rien ne se précipitait hors de ses lèvres si ce n'est son souffle court qui accompagnait la célérité de ses pas et son regard était habité par une ardente détermination. Il se rua le long des murailles, certains gardes tentèrent de l'arrêter mais n'y parvinrent pas, leurs altercations étant aussitôt balayé par la fougue tumultueuse du vieux mage. Alors on trottina derrière lui, accroché à ses semelles, en se demandant où Mörk pouvait-il aller ! Il bouscula les portes de chêne du grand hall avec une force admirable pour un vieil homme, au point où on crut qu'il voulut les faire s'effondrer ! Ici, se trouvaient le roi Dargantard, ainsi que les autres membres du conseil, qui discutaient encore des récents événements, et qui accueillirent le vieil homme avec un regard le plus médusé.

Les Fables Du Mana : Le cœur de la magieWhere stories live. Discover now