Chapitre 25

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Pendant les quelques secondes où je me sens déconnectée de mon corps, le roi prend la parole et la foule s'esclaffe, je reviens à moi et entends :

— ... mon fils.

Je ne sais pas ce qu'il a dit, mais le savoir parler d'Éros me hérisse. Je le regarde furieuse, il le remarque et commente :

— On pourrait croire que mon fils vous apprécie... C'est intéressant.

Je commence à remettre en question mes certitudes. Et si le prince m'avait repoussé par peur que son père m'utilise contre lui. Je ne peux être sûre de rien. J'ai l'impression que le roi prend plaisir à torturer les gens qui l'entourent. Je comprends le besoin que ma mère a eu de fuir ce palais. Je le détrompe :

— Je pense que vous faites erreur.

Il prend un air pensif, appelle un des gardes d'un geste de la main et lui dit quelque chose que je ne peux pas entendre. Il s'adresse ensuite à moi :

— Vous pouvez disposer.

Il me montre du bras le garde qui se tient devant une porte à ma droite, celle qu'Éros a prise quand il était emporté par trois gardes. Je me rends compte seulement a cet instant qu'il a dû leur donner du fil à retordre. Il gesticulait dans tous les sens et un bâillon de fumée noire lui barrait la bouche. Quelqu'un avait utilisé ses aptitudes pour l'empêcher de hurler ou de parler. Je me dirige vers le garde qui m'attend sans prendre la peine de regarder le couple royal dont la reine s'est abstenue de tout commentaire. Si j'avais été capable de faire le moindre mouvement quand Éros a été emmené, j'aurais aimé connaître sa réaction face à la situation.

Le garde me précède dans le couloir jusqu'à l'antichambre puis nous montons le magnifique escalier. Du balcon, la salle est tout aussi belle. J'embrasse la pièce du regard et en relevant la tête je vois Anna-Livia de l'autre côté du balcon, elle me dévisage avec un mépris évident. Je la quitte du regard pour suivre le garde qui a déjà avancé dans un des nombreux couloirs qui donnent sur ce fameux balcon. Il s'arrête devant une chambre et m'annonce :

— C'est une chambre d'ami, vous logerez ici pour le moment.

Je suis étonnée de loger dans une chambre d'ami et pas au cachot. Je me méfie et observe cette porte de loin. Je ne peux m'empêcher de demander :

— Savez-vous où est le prince ?

— Je ne suis pas en mesure de vous fournir cette information, mais s'il veut vous voir il saura facilement où vous trouvez.

— Comment ça ?

— Vous allez devoir rester ici un certain temps.

Je ne prends pas réellement conscience de ses paroles parce que mon esprit pense déjà à l'attaque et à mes amis, au fait que je ne rentre pas au camp, alors je demande :

— Est-ce que je peux vous demander des renseignements sur le camp ?

Il hoche la tête. Je reprends :

— Est-ce que beaucoup de personnes sont mortes durant l'attaque ?

— Nos pertes sont minimes par rapport au camp adverse, mais nous avons des pertes.

— Si je vous dis des noms est-ce que vous pourrez me dire s'ils vont bien ?

Il hoche à nouveau la tête, alors je demande des informations sur Lukas, Cléo, Mélya et Eryk. Je ne me renseigne pas sur Léandre parce que je sais qu'il n'était pas au château lors de l'attaque. Le garde connait uniquement Eryk et il va bien. Je ne sais pas comment avoir des nouvelles de mes amis. J'aimerais leur faire savoir que je suis encore en vie. Je sens bien que je l'ennuie donc j'écourte mon questionnaire et je rentre dans la chambre qui m'a été attitrée. Cette chambre est dans les tons rose pâle, elle est somptueuse. J'entre un peu plus, la porte se referme et j'entends la serrure se refermer. Je me retourne et essaie d'ouvrir la porte, mais c'est impossible, elle est fermée à clé... Je suis prisonnière d'une cage dorée. Ce n'est pas le cachot, mais c'est quand même une prison. J'observe à nouveau la chambre, le lit qui se trouve sur la gauche me paraît énorme et les draps ont l'air doux. En face, il y a une cheminée et du mobilier de salon. À côté de la cheminée se tient une petite bibliothèque et de l'autre côté du foyer il y a une porte. Directement sur ma gauche se trouve une grande armoire que je vais ouvrir, elle est vide mis à part quelques cintres. Je pense soudain à mes affaires laissées au camp, il faudrait que j'aille les chercher, mais je suis enfermée... Cette situation m'énerve, je n'ai pas pour habitude de vivre selon le bon vouloir d'une autre personne que moi-même. Heureusement, personne ne m'a pris mes armes, ce qui me réconforte quelque peu. Soit on me prend pour une incapble soit je ne suis pas considérée comme une menace.

Je sors l'un de poignards attaché à ma ceinture, me place en face de la porte et le lance encore et encore en rêvant de voir la porte s'ouvrir et que ce poignard pénètre violemment dans la tête du roi. Au bout d'un moment, le fait de me lever à chaque fois pour récupérer le poignard me lasse donc j'essaie de déployer mes aptitudes et de faire revenir le poignard vers moi. Au début, c'est laborieux, le poignard ne bouge pas d'un pouce, puis il commence à frémir. Dès que c'est le cas, je me motive et essaie de comprendre exactement ce que j'ai fait pour avoir ce léger mouvement. Plus je m'entraîne, plus il bouge. Après de longues minutes à essayer de le ramener à moi, il se décroche enfin du mur et se précipite dans ma direction, j'ai juste le temps de l'éviter avant qu'il ne se plante dans le parquet. Je l'observe médusée, il aurait pu m'atteindre et je me serais vidée de mon sang dans cette magnifique pièce. J'imagine cette chambre remplie de sang, cette scène d'horreur ne serait que le reflet de ce que je ressens...

Je décide de mettre moins de volonté et j'imagine le poignard bouger lentement, il se soulève du sol et vient se caler dans ma main. Je suis fière de moi et le relance sur la porte qui a déjà pris un sacré coup, la peinture est partie sur une vingtaine de centimètres et des petits bouts de bois commencent à s'effilocher. Le poignard se plante profondément dans le bois et j'entends un petit cri derrière la porte.

Je me relève brusquement et attends en position de combat en sortant un autre poignard. Après quelques secondes de silence, j'entends un trousseau de clés et une petite femme rondelette pénètre dans la chambre, me dévisage et se retourne pour fermer la porte. Elle sursaute en voyant le poignard au milieu de la porte en charpie. Je remarque qu'elle tient une housse entre ses mains. Elle me dit :

— Vous avez l'air ravie d'avoir cette chambre.

Je la regarde de haut en bas et réponds simplement :

— J'ai besoin de me dépenser, mais on a oublié de me donner les clés...

Elle lève les yeux au ciel. Ses yeux sont bruns comme ses cheveux qui sont attachés en natte. Elle porte un tablier blanc au-dessus d'une robe. Elle m'annonce :

— Je suis Thaïsse et je suis ici pour vous apprêter pour le dîner.

Elle pose la housse sur le lit et m'invite de la main vers la porte que je n'ai pas encore pris le temps d'ouvrir.

— Je n'ai pas besoin d'être apprêtée... Je suis très bien comme je suis.

Elle regarde ma tenue de combat, le poignard que je tiens et mes cheveux défaits suite à mon escapade dans les bois. Je range l'arme d'un geste rapide. J'essaie de replacer mes cheveux comme je peux sans succès. Au lieu d'aller vers le cabinet de toilette, je vais vers la porte d'entrée de ma chambre, je l'entends se plaindre, mais je l'ignore pour prendre mon poignard et le replacer dans ma ceinture, puis je me dirige enfin vers la salle de bain. Elle est spacieuse et dans les tons blancs et rose poudrée. Il y a une énorme baignoire qui pourrait accueillir facilement deux à trois personnes. Thaïsse commence à faire couler de l'eau. Elle s'approche de moi et essaie de retirer ma ceinture, je recule. Elle me dit :

— Vous devez vous déshabiller pour prendre un bain.

— Je sais me déshabiller seule et personne ne touche à mes armes.

Je retire la ceinture moi-même et la pose sur une commode qui se trouve à droite. Thaïsse me laisse retirer mes vêtements sans aide et commence à verser des huiles et des pétales de fleurs dans le bain. Une fois le bain prêt, elle m'invite à entrer. Je lui obéis en gardant un œil sur mes armes. Elle commence à s'affairer autour de moi, me savonne et me lave les cheveux. Je suis un peu mal à l'aise, j'ai toujours tout fait seule.

Le Joyau de NostrariaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant