Flashback - Sohen

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Il y a 10 ans...

Sohen, 11 ans

Depuis quelques jours, les adultes n'arrêtent pas de parler entre eux. Ils disent que les parents d'Adaline ne reviendront pas... Ils sont partis depuis plus de deux semaines, et personne ne sait où ils sont. Je crois que la police les recherche aussi, mais je n'ai pas encore compris pourquoi... Je voulais aller voir Adaline pour m'assurer qu'elle va bien, mais je n'ai même pas pu. Habituellement, on se voit tous les soirs, et voilà deux semaines que nous n'avons pas passé de temps ensemble. Sa marraine a dit qu'elle ne voulait voir personne... Mais je suis sûr qu'elle ment. Ma Clochette n'aurait jamais dit ça, parce qu'on s'est promis de toujours être là l'un pour l'autre.

Mon père a quand même réussi à discuter avec le Capitaine Crochet pour que je puisse voir Clochette, et je n'attends que ça depuis hier soir. Ma mère a promis de nous emmener à SeaWorld pour nous changer les idées, et je compte bien faire en sorte qu'Adaline passe la journée à rire. Je veux revoir son sourire et ses yeux qui pétillent.

Je m'approche de la cuisine, où mon petit déjeuner m'attend, mais je m'arrête en entendant les adultes discuter.

— Je ne sais pas comment lui dire... On pourrait lui mentir...

— Il n'y a pas de bonne façon de le dire à Sohen. On ne peut rien y faire, il vaut mieux retirer le pansement d'un coup sec...

— Me dire quoi ? demandé-je en pénétrant dans la pièce.

Je sens mon cœur battre très fort dans ma poitrine alors que ma mère se lève pour venir poser ses mains sur mes épaules. Elle jette un regard à mon père, et celui-ci hoche la tête, l'air grave, alors qu'un mauvais préssentiment prend place en moi.

— On ne va pas pouvoir aller à SeaWorld, déclare-t-elle.

— Pourquoi ? C'est fermé ?

Maman secoue la tête.

— Adaline est partie ce matin. On ne va pas pouvoir y aller avec elle...

— Elle est partie en vacances sans venir me voir ? Elle va où ?

Je recule d'un pas, les sourcils froncés. Je suis blessé. Adaline ne part jamais sans venir me faire un bisou... Tout comme on ne dort jamais sans se faire un coucou par la fenêtre de nos chambres. Mon père rejoint ma mère pour lui prendre la main, et je sers les dents de toutes mes forces.

— Elle n'est pas partie en vacances, elle a déménagé avec Lydia. On ne sait pas où.

Tout mon corps se fige alors que je comprends la portée de ses mots. Déménager ? Bien sûr que non ! Elle ne serait jamais partie, surtout sans venir me voir ! Je sers les poings, prêt à leur prouver qu'ils ont tort.

— Vous mentez !

Je recule encore lorsque maman s'approche de moi.

— Sohen...

— Non ! Je ne vous crois pas ! Elle n'est pas partie, et je vais vous le prouver !

Je pars en courant dans le sens inverse de la cuisine, et je sors dans le jardin en me moquant d'être en chausson sur le sol mouillé. Je ne frappe pas à la porte de la maison voisine, je l'ouvre à la volée et je cours jusqu'à l'étage sans regarder autour de moi. Adaline est forcément dans sa chambre, elle l'est toujours. Mais celle-ci est déserte, et je me fige en découvrant le désordre qui règne.

Son lit est défait, ses tiroirs de commode vidés, et ses partitions... Elles sont éparpillées dans toute la pièce Adaline les range toujours dans sa précieuse pochette bleue, elle déteste qu'on les abîme... Elle n'aurait jamais fait ça. Je m'approche des feuilles et me mets accroupi pour les ramasser en prenant soin de ne pas les froisser. Quand elle reviendra, elle sera contente de les retrouver. Je tente de les mettre en ordre en lisant les titres de chaque feuille, et je fronce les sourcils en découvrant une partition écrite à la main, avec mon nom en haut de celle-ci...

Je m'assieds sur le lit recouvert de sa couverture préférée, et je tente de la lire, sans grand succès. Je ne suis pas musicien... Et je le regrette. C'est Clochette qui joue et écrit des mélodies... Et j'adore l'écouter. Je l'écoute toujours. Je regrette de ne pas pouvoir comprendre ce qu'il me reste de sa musique.

Je relève la tête pour observer son piano, et j'inspire profondément. Il est fermé, et plus personne n'y touchera...

— Sohen ?

Je me tourne vers ma mère, et celle-ci m'observe du pas de la porte.

— Elle est partie. Elle est vraiment partie, réalisé-je, le cœur brisé en mille morceaux.

Elle s'approche de moi jusqu'à prendre place sur le lit.

— Tu crois qu'elle va revenir... ? demandé-je.

Au fond de moi, je connais déjà la réponse.

— Malheureusement, je ne pense pas. Lydia m'a demandé de vendre les meubles. Le propriétaire va remettre la maison en location. Tu sais chéri, des amis, tu en trouveras d'autres. Il y a plein d'enfants qui sont dans la même situation que toi, ça arrive à tout le monde de devoir déménager. Je sais que tu aimes très fort Adaline, mais je te promets que ça ira mieux, d'accord ?

Je la regarde, les yeux brillant. Elle veut m'aider... Mais ça ne marche pas. Le problème n'est pas de trouver d'autres amis... Il n'y a qu'une Clochette, et Peter Pan ne devrait pas avoir à vivre sans elle.

J'observe la partition toujours dans mes mains avec tristesse, avant de reporter mon attention sur le piano. Ce sont les seules choses qu'Adaline m'a laissé. Les seuls souvenirs. C'est tout ce qu'il me reste de ma Clochette.

— Je crois que je vais garder le piano...

Maman ne dit rien, elle se contente de me serrer dans ses bras alors que j'observe l'instrument qu'Adaline a laissé derrière elle. C'était son bien le plus précieux... Elle a même écrit notre phrase à l'intérieur de celui-ci... Je ne veux pas qu'il parte chez un inconnu, je ne veux pas que sa musique disparaisse. Je finirais ce morceau, et quand elle reviendra, elle sera fière de moi.

Flirt, Desire, Love - SOUS CONTRAT D'ÉDITIONWhere stories live. Discover now