Chapitre 4 - Adaline

1K 142 6
                                    

— Qu'est-ce qu'elle faisait là ? m'interroge Dave en m'aidant à mettre la table.

Je soupire tout en déposant le plat de pâte - seule chose que je sais cuisiner – au centre de la table. Je sentais bien que Dave voulait me poser la question depuis son arrivée... Ce n'était qu'une question de temps.

— Elle voulait me convaincre de retourner à Edimbourg avec elle.

— Tu n'avais pas son autorisation pour venir ?

Je lui jette un regard passablement agacé. Et puis quoi encore ? Il n'est pas question que je sois dépendante d'une femme pareille.

— J'ai vingt et un an, je n'ai pas besoin de son autorisation.

— Ça reste celle qui t'a élevé, pendant presque autant de temps que tes parents... Si j'avais été à sa place, j'aurais aimé qu'on en discute.

Sauf que tu n'étais pas à sa place.

— Elle s'est occupée de moi parce que mes parents la paient pour ça. Alors je pense que ce n'est pas comparable à l'amour qu'un parent peut donner à un enfant, elle, elle n'aime que l'argent.

Dave me dévisage de longues secondes, mais je ne le regarde pas. Je sais que j'ai l'air amer, je ne veux pas qu'il pense que c'est contre lui alors que je ne fais que m'énerver sur une situation que je ne peux pas contrôler.

— Elle sait où ils sont ? Elle sait qu'elle pourrait se faire arrêter pour ça ? demande-t-il en s'installant.

Je sers la mâchoire, j'en ai parfaitement conscience. Ils sont recherchés par la police, alors le fait qu'elle sache où sont deux criminels n'est pas vraiment la chose la plus légale... Encore plus si elle communique avec. Et bon sang, combien de fois j'ai rêvé de la dénoncer simplement pour la voir payer pour ce qu'elle a fait ! Mais ce serait prendre le risque qu'ils trouvent mes parents, et je ne suis pas prête à faire une telle chose.

—Elle s'en fou, elle a son pognon, expliqué-je simplement.

—Elle t'a bien traité au moins ? s'assure Dave.

Je ferme les yeux un bref instant, peinant à avaler ma bouché. Une part de moi à envie de pleurer toutes ces années où je n'ai rien dit parce que je n'avais personne à qui parler... Et à présent que j'en ai enfin l'occasion, les mots sont plus durs à prononcer que je ne le pensais.

—Physiquement, oui.

—Et moralement ?

Je n'ose pas le regarder dans les yeux, je préfère de loin fixer mon assiette. Je ne sais même pas comment expliquer les choses, des mots ne représenteront jamais assez ce que mon cœur d'enfant a pu ressentir.

—A force d'entendre sans cesse que mes parents sont partis sans moi parce que je ne vaux rien, et que mon seul avenir se trouve avec elle parce qu'elle a eu la bonté d'âme de s'occuper de moi, je crois que mon moral s'est un peu effondré...

Sans que je ne m'en rende compte, Dave se lève et me prends la main, me regardant comme il le faisait quand je me faisais mal petite, ce qui ne fait que me faire pleurer. Je n'ai pas l'habitude, que ce soit un contact physique ou une oreille attentive. Je n'ai plus connu ça depuis mes onze ans... Et constater qu'il est là pour moi, juste parce qu'il le veut, fait battre mon cœur plus fort que je ne veux bien l'admettre. Après avoir été seule si longtemps, je savoure cette chaleur humaine.

—Je suis désolé Ada. J'aurais aimé être là pour toi...

—On avait aucun lien juridique. Ils ne t'auraient jamais laissé ma garde.

—Non, mais j'aurais pu me battre un peu plus, plutôt que d'accepter de te voir disparaître comme tes parents.

Je lui souris pour la forme, bien que mes yeux soient certainement rougis. Je ne lui en veux pas, je pense qu'on était tous un peu perdu à ce moment-là... Et puis, quand je lui ai écrit il y a de ça un mois, il m'a de suite répondu. Je sais qu'il m'a laissé parce qu'il n'en avait pas le choix. Dave essuie délicatement les larmes sur mes joues avant de reprendre place face à moi, et je tente de reprendre contenance.

—Et toi alors ? Qu'est ce que tu es devenu ?

Il sourit tendrement, et cette simple vision me met du baume au cœur. J'espère si fort qu'il a trouvé le bonheur qu'il mérite.

—Je me suis marié l'année dernière, et j'ai un petit garçon de 2 ans avec ma femme. Au début, je voulais te les présenter ce soir, mais je me suis dit que c'était peut-être un peu tôt pour toi... Je ne savais pas comment tu réagirais dans un cadre familial...

Mon regard s'illumine presque aussitôt. Alors il a enfin la vie qu'il mérite.

—Ne prends pas de pincette. Je me suis remise, je t'assure. Comme ils s'appellent ?

Il passe l'heure suivante à me raconter tout ce que j'ai raté. Dave à l'âge de mes parents, mais il a privilégié sa carrière avant tout, prenant des mauvais choix dans sa vie personnelle, comme celui de se mettre avec ma marraine. Aujourd'hui il est papa d'un petit Malo, et sa femme travaille à l'université, dans la communication. Il a tellement d'étoiles dans les yeux lorsqu'il parle d'eux... J'envie ce sentiment. J'espère qu'un jour mon cœur se gonflera de la même façon pour quelqu'un.

Il tente bien de me poser des questions en retour, mais je n'ai malheureusement pas grand-chose à raconter. De toute façon, qui voudrait écouter la vie incroyablement ennuyante d'Adaline Forbs, fille de deux criminels insignifiants et recherchés dans 50 états ? Personne. Alors je me contente d'écouter et de sourire, simplement heureuse de retrouver l'une des rares personnes qui ne m'a pas oublié.

Flirt, Desire, Love - SOUS CONTRAT D'ÉDITIONWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu