Chapitre 2 - Sohen

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— Adaline.

Voilà un mot que je n'ai pas prononcé depuis des années... Un mot qui m'a hanté pendant longtemps, me rappelant des souvenirs que je préférerais oublier. Elle paraît surprise, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. Elle m'a pris pour un putain de crétin qui ne serait pas capable de la reconnaître après dix ans ! C'est mal me connaître. Sa cicatrice n'a fait que me confirmer ce que je savais déjà et accentuer la haine qui prend peu à peu place dans mon être.

Je ne saurais même pas quoi lui dire tant mes émotions se mélangent pour créer une palette que même Picasso ne comprendrait pas. Mille et une questions s'entrechoquent dans mon esprit.

Elle a changé. C'est une femme à présent, visiblement marquée par la vie tout comme je le suis. Adaline est belle, du genre à attirer tous les regards sur son chemin. Elle est toujours aussi blonde qu'avant, même si elle a abandonné ses cheveux longs pour un carré doré qui caressent ses épaules nues, la rendant encore plus désirable. Clochette me paraît loin à présent. Elle aurait pu être le genre de fille que j'aurais voulu mettre dans mon lit, celle pour qui j'aurais craqué, avant. Aujourd'hui nos passés ne sont plus compatibles.

Elle est la première fille dont je suis tombé amoureux, la première à qui j'ai déclaré mes sentiments, la première à avoir vraiment compté pour moi, la première à avoir touché mon cœur. Et surtout la première à l'avoir brisé. Le gamin en moi était persuadé qu'elle reviendrait me voir, mais l'homme a compris que l'amour est une connerie qui ne sert qu'à bercer d'illusions des enfants un peu trop naïfs.

— C'est Ada, maintenant, me reprend-t-elle en relevant le menton, attirant mon regard sur ses lèvres rosées.

— Tu peux prendre tous les prénoms du monde, ça ne changera pas la manière dont tu m'as abandonné.

Elle tressaille face à mon attaque, quant à moi je me sens perdu dans des souvenirs que je préfèrerais effacer de ma mémoire.

— Parce que tu crois que j'ai eu le choix, peut-être ? Tu n'as pas idée de ce que j'ai eu à traverser, me répond Adaline en me repoussant.

Je recule de quelques pas tout en restant de marbre.

— Non, tu as raison, je ne sais rien, je ne te connais même plus. Je ne sais pas pourquoi tu es revenue, Adaline, et je m'en fous.

Je mets le plus de distance entre nous, la mâchoire crispée alors qu'Adaline me fixe de ses yeux vert d'eau, mouchetés d'or. Ceux-là même que j'adorais observer quand nous étions enfants, les comparant à la poussière de fée de Peter Pan... Mais ce n'est plus que de l'histoire ancienne. Un souvenir qui n'a plus d'importance.

Je tourne les talons, avec l'envie de partir aussi loin d'elle que possible, mais Adaline ne m'en laisse pas l'occasion. Elle enroule ses doigts fins autour de mon poignet et je réprime un frisson au toucher de sa peau. Mon attention va et vient entre son visage triste et mon bras, avant d'être attiré par l'encre noir sur son poignet. Deux petites étoiles y sont imprimées... Et je n'ai pas besoin de lire la phrase tatouée juste en dessous pour savoir de quoi il s'agit. "Deuxième étoile à droite, et tout droit jusqu'au matin"... C'était ma citation préférée de Peter Pan quand j'étais petit. Je replonge mon regard dans le sien, ma raison vacillant entre la repousser et l'écouter.

— Est-ce qu'on pourrait... prendre un café ?

Je l'observe quelques secondes avant de lui rire au nez.

— Lâche l'affaire, tu as dix ans de retard.

Son regard se voile d'un chagrin non dissimulé et ses traits se crispent comme si elle tentait de contenir ses sentiments. Seule la vérité blesse, et ça n'a jamais été aussi vrai qu'aujourd'hui. À trop attendre, on finit par perdre ce à quoi on tenait vraiment.

Flirt, Desire, Love - SOUS CONTRAT D'ÉDITIONWhere stories live. Discover now