Chapitre 20

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Dôme ???, il y a 21 ans

Aujourd'hui encore je m'en souviens comme si c'était hier.

À mon réveil, tout était maculé de blanc. Le plafond, le sol et même les meubles. Dans ce monde sans couleurs, j'étais seul. Personne ne m'attendait. Personne ne m'appelait.

À force, j'avais oublié mon nom. En avais-je au moins un ? Je ne savais pas. Je ne l'ai jamais su.

Je n'avais pas de mère. Je n'avais pas de père. J'étais né dans un laboratoire avec pour seuls parents les scientifiques, dont leurs visages étaient cachés par des masques chirurgicaux blancs.

Un jour sans me prévenir, ils m'avaient pris mon bras pour me tatouer un huit à l'horizontale. Le symbole de l'infini. Encore maintenant, je me souviens de la douleur ressentie. Ils m'avaient marqué. J'étais à eux.

- Que veut dire ce tatouage ? avais-je demandé.

- ll signifie que tu n'as ni début ni fin, m'avait-on répondu.

C'était tout. Je n'avais pas osé en demander plus. Cette réponse me convenait. Je n'étais rien.

Je grandissais à une vitesse fulgurante. J'avais appris à marcher et à parler très tôt. Personne ne m'avait jamais rien enseigné, pourtant je savais déjà lire et écrire.

Dès ma naissance, je savais. Je n'étais pas normal. On m'interdisait de sortir pour ne pas ébruiter le secret de ma présence dans ce monde. Je ne devais pas exister. Je n'aurais pas dû naître. Je ne me sentais à ma place nulle part.

Jour après jour les "masques blancs" me demandaient de répondre à des questionnaires, d'apprendre de nouvelles langues, de résoudre des problèmes mathématiques tout en m'injectant des produits dont je ne savais rien. J'aimais le faire. J'aimais les entendre me féliciter à chaque bonne réponse. J'aimais sentir que ce que je faisais avait un sens.

- Tu n'es pas anormal, tu es spécial.

C'était ce qu'on me répétait sans cesse. C'était ce que je voulais entendre. 

À quel moment les avais-je déçus ? À quel moment avais-je cessé d'être nécessaire ? Était-ce ma faute ?

J'avais mal. Une douleur atroce prenait forme dans mon corps. Ma tête menaçait d'exploser à tout moment, mon cœur battait à toute vitesse. J'étais cassé.

Dans le délire de ma fièvre, je les entendais soupirer.

- C'est un échec. Un projet de dix ans qui n'a servi à rien.

- Nous pouvons toujours recommencer avec d'autres enfants.

- C'est dommage. Il avait tellement de potentiel.

C'était donc ça. Je ne servais plus à rien. J'étais une erreur.

Je sentais ma fin arriver. Allais-je donc mourir comme ça ? Sans avoir une seule fois senti le soleil sur ma peau ? Sans jamais avoir vu de mes propres yeux le monde extérieur ?

C'est là qu'il est apparu. Mon sauveur.

C'était un masque blanc mais il n'était pas comme eux. Il me regardait différemment. À ses yeux, j'étais un enfant. J'étais un humain. 

J'aimais discuter avec lui. J'aimais entendre sa voix me bercer de ses histoires fabuleuses.

Régulièrement, j'entendais ses collègues se plaindre.

Les MarquésWhere stories live. Discover now