Chapitre 10 (Kaycee)

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     Habile avec le choix de ses mots, il parlait d'Éros avec une facilité déconcertante. Ses arguments s'enchaînent avec fluidité, le tout dans un débit maîtrisé. Il m'avait déjà prouvé à quelques reprises qu'il était un fin orateur, mais j'en avais la preuve irréfutable ce soir. Les deux journalistes du New York Time buvaient ses paroles avec délice, des étoiles dans les yeux.

Malgré sa prestation, je pouvais percevoir ce qui ressemblait à du stress. Sa jambe tremblait contre le pied de la table et ses mains se crispaient à chaque question complexe. Il était également évident qu'il était mort de fatigue en vue des cernes prononcés sous ses yeux. Comment faisait-il pour être si performant dans cet état ?

De temps en temps, quand il avait besoin d'informations précises, il me donnait la parole. Mon rôle consistait simplement à appuyer ses propos avec des faits factuels. Il était plus qu'évident qu'il n'avait pas potassé le dossier avant de venir, surement par manque de temps.

Les deux journalistes face à Adrian étaient malheureusement chevronnés. Eux, avaient préparé ce dîner avec soin, sur quels points appuyer et comment nous piéger. Le journal mettait son honneur en jeu, ils voulaient s'assurer que ce qu'il allait promouvoir était pertinent et surtout en phase avec l'image du magazine. C'était un combat acharné entre plusieurs cerveaux ultra-performants.

— Monsieur Hoffman, j'apprécie beaucoup votre vision d'Éros, mais je suis tout de même étonné qu'il n'y ait eu que du positif dans l'historique de l'entreprise. Cela arrive rarement, voire jamais.

Adrian esquissa un sourire des plus contrôlé en écoutant l'interrogation du journaliste. Chaque doute était une opportunité de se rapprocher de son objectif.

— Tout n'est pas tout rose en entreprise, il y a toujours des hauts et des bas. L'important est de surtout faire face aux imprévus et de rebondir derrière.

— Avez-vous des exemples ? Ça intéresserait sûrement nos lecteurs de voir à quel point Éros est ne se laisse jamais faire.

— Quand Éros a été en procès il y a quelques années, nous avons su garder le cap et régler cela avec une grande discrétion. C'est toujours un des exploits de l'entreprise.

Je faillis m'étouffer avec ma gorgée de vin en écoutant la réponse d'Adrian. Cette histoire de procès était tout à fait confidentielle et datait du début de la structure. L'ancien CEO avait trempé dans des histoires suspectes en revendant des données personnelles d'utilisateurs à des instituts de publicité illégaux. Il avait dû mettre plusieurs millions sur la table pour étouffer l'affaire et cela devait rester absolument secret. Adrian venait de révéler la plus grosse faille de l'entreprise depuis sa création.

Figé sur place, j'observais avec angoisse le regard interrogatif des deux journalistes. À ma droite, le visage crispé d'Adrian me fit comprendre qu'il s'était aperçu de la connerie qu'il venait de faire. S'il ne rattrapait pas ça, le partenariat était foutu. Jamais le New York Time ne voudrait s'associer à une entreprise qui avait été traînée en justice.

— De quel procès parlez-vous ? Nous n'étions pas au courant de cette information.

— Et bien, je...

Sa voix tremblait alors qu'il cherchait désespérément ses mots. L'air paniqué, il me jeta un regard affolé. Il me demandait de l'aide.

— C'est normal si vous n'en avez jamais entendu parler, c'est une anecdote qu'on réserve pour ce genre d'occasion. dis-je avec un sourire des plus malicieux aux lèvres.

— C'est-à-dire ?

Posant délicatement mes deux coudes sur la table pour me rapprocher d'eux, je commençais à chuchoter.

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