Chapitre 34 ⋅ Rouge framboise

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C'était un jour à marquer d'une pierre blanche. Atsumu en avait décrété ainsi quelques secondes après que les mots avaient franchi les lèvres de Mahiru, à le laisser un instant coi d'incrédulité. Car pour une fois que ce n'était pas lui qui proposait de jouer au volley-ball, le blond avait de quoi se poser quelques questions : la reporter avait-elle vraiment dit ça de son plein gré ? ou bien se payait-elle sa tête, comme de nombreuses fois par le passé ? Non, son regard avait été beaucoup trop sérieux au moment de sa suggestion pour que ce soit faux, et puis... ce n'était pas son genre de faire des blagues. Enfin, ce type de blague tout du moins – il se souvenait très bien du moment où elle lui avait affirmé sans hésitation que 'Samu était plus beau que lui. Et de toute manière, emporté par sa propre passion à la simple mention de ce sport qui lui ravageait le cerveau, le volleyeur ne lui avait pas laissé le temps de revenir sur ses mots et avait accepté sans plus attendre, désireux de saisir l'occasion avant qu'elle ne lui file entre les doigts. Il trépigna même d'impatience tandis que sa camarade de classe finissait le reste du bento à sa demande – histoire de ne pas avoir une crevette desséchée pour adversaire.

Quelques doutes cependant fissuraient cet élan de confiance, à mesure que leurs pas les portaient vers le gymnase. Le moral de la brunette devait vraiment être au plus bas pour qu'elle lui fasse cette proposition, en plus de sécher les cours de l'après-midi. Il n'avait pas cours de sport avec elle, ceux-ci n'étant pas mixtes, mais il avait eu vent par ses camarades de classe de quelques uns de ses exploits – dont celui pour le moins inconcevable d'envoyer la raquette en même temps que le volant au badminton. Et au-delà de son manque d'affinité avec l'exercice, le simple fait que Nomura Mahiru lui propose de faire quelque chose que lui aimait avait le don de le prendre de cours.

Ouais, Atsumu devait rêver.

Et il aurait tort de ne pas en profiter un peu.

— Par ici, indiqua-t-il alors en se saisissant de son poignet pour l'entraîner à sa suite dans un couloir qu'ils dépassaient.

— Qu'est-ce que... Atsumu !

Un gloussement monta dans sa gorge quand son prénom roula sur sa langue avec un agacement prononcé, mais le blond choisit de ne pas lui répondre, pas plus qu'il ne lui accorda un regard. Ça l'énervait, évidemment. Il le savait aux coups d'œils interrogateurs que son accompagnatrice lui décochait avec insistance, aux soupirs qui lui échappaient à chaque fois qu'il l'ignorait délibérément, ou encore à la raideur de ses mouvements quand il tirait sur son bras. Oui, il adorait la voir bouillonner comme ça.

— C'est mieux de passer par les escaliers du fond, y'a personne qui les utilise à cette heure-ci, finit-il par lui expliquer à mi-voix, tandis qu'ils dépassaient les salles de science d'où leur parvenaient les voix étouffées des professeurs en plein cours.

— À t'entendre, on croirait que tu sèches souvent les cours.

Il ne retint pas un sourire à la remarque de Mahiru, et tourna la tête pour la narguer de trois haussement de sourcils par-dessus son épaule. Son expression se durcit un peu plus en retour, au plus grand plaisir du volleyeur.

— Je sais surtout quels couloirs il faut utiliser pour pas se faire gauler quand on est en retard.

— Waouh, laissa-t-elle échapper dans un sifflement exagérément admiratif, et il se retourna à nouveau pour la contempler avec curiosité. « Utiliser », ça fait quatre syllabes quand même. Ça va, tu te sens pas trop mal après l'avoir prononcé ?

Boum. Le cœur du volleyeur vibra d'excitation à ses insultes qui savaient lui courir sur la peau à chaque fois et éveillaient ses envies les plus folles de répliquer, surenchérir, frapper un peu plus fort que la fois précédente pour reprendre le dessus. Ça lui rappelait ces matchs de volley interminables, où les mêmes actions se répétaient encore et encore, de plus en plus vite, jusqu'à ce que l'esprit oublie tout ce qui l'entoure à l'exception de ce pourquoi il tremble. La victoire lui importait, bien sûr, mais pas autant que ces actions qui lui avait fait autant apprécier ce sport au point qu'il devienne son favori. Viser, attaquer, reculer, amortir, repartir à l'assaut. Oui. Discuter avec Mahiru, c'était comme jouer au volley, au fond.

Salade de Fruits |HQ!!|Where stories live. Discover now