Chapitre 20 (1ère partie)

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Journal de Julie



5h10, le lendemain

On recommande souvent à nos patients dépressifs d'écrire pour qu'ils se libèrent de leurs angoisses face à la maladie par exemple. Je ne pensais pas que j'allais appliquer ce conseil sur moi un jour. Comme on dit « La mémoire se perd ; mais l'écriture demeure. », inconsciemment on a tous, avant de mourir, envie de laisser une trace de notre passage.


Je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Oh mon dieu ! Je n'arriverais jamais à effacer cette horrible image de mon esprit ! Lorsque je ferme les yeux, je peux encore la voir, Lucie, allongée au sol en train de suffoquer ! Quelque chose a changé en moi lorsque je l'ai aperçue, c'était étrange mais simple : j'avais compris. À sa vue même si j'étais bouleversée, je n'éprouvais pas le besoin de pleurer, j'avais plutôt une sorte de détermination nouvelle. J'arrivais enfin à accepter mon choix sans regret. Toute la tristesse accumulée durant ces derniers temps s'est évaporée comme par magie. Je me reconnais enfin ! Je suis à présent dans cette chambre d'hôpital si sombre, aux côtés de Lucie qui, ne s'étant toujours pas réveillé, est branchée à toute sorte de fils, et je me sens invincible. Comme si un feu brûlait en moi, une sorte de puissance invisible qui grandit peu à peu. J'ai envie d'exploser tellement je bouillonne. Ma vie a enfin un sens à présent. Je me sens enfin prête.


8h48

J'ai fini par m'assoupir quelques heures, mais j'ai été réveillée en sursaut par des infirmiers. Apparemment, les visites ne sont permises que l'après-midi. Ils pourraient faire des efforts quand même, ils savent très bien que ce sont probablement les derniers moments que je pourrais passer avec elle. De toute façon ici ou là-bas, elle est encore inconsciente. Vais-je encore pouvoir lui adresser quelques paroles ? Pourrais-je encore apercevoir ses magnifiques yeux bleus ? J'essaye de garder espoir même si au fond de moi, je sais très bien que la réponse à toutes ces questions est non.


Quand j'y pense, ces derniers mois ont été très durs pour moi, j'ai dû faire un effort surhumain pour ne pas péter un câble au boulot. De regarder tous les jours Yann, sans pouvoir lui expliquer, était pire que tout. Il avait eu un air si heureux lorsqu'il m'avait montré cette bague et qu'il m'avait bredouillé ce petit discours si émouvant au restaurant. Je me souviens encore de la larme de joie que j'avais laissée couler ce jour-là et puis de l'image, gravée à jamais dans mon esprit, de Lucie inconsciente dans sa chambre d'hôpital, quelques mois plus tôt. Je me sentais tellement coupable. Alors j'ai dû prétexter ne pas me sentir prête pour me marier afin de fuir.


Comment ai-je pu même démarrer une relation avec lui ? C'était tellement égoïste de ma part ! La tentation avait été trop forte en réalité. La première fois que j'avais croisé son regard à l'hôpital, je me souviens que je ne pensais à rien d'autre à part à ses magnifiques yeux verts. Et cette sensation de l'avoir toujours connu... Je n'avais lu ça que dans les livres et pourtant, cela m'arrivait quand j'étais avec lui. Alors lorsque l'on a commencé à sympathiser, je n'avais pu que céder à ses avances. Tout nous venait si naturellement... Jamais cela ne m'était arrivé avec un homme. Il était si attentionné et puis tellement beau... De belles épaules carrées dissimulées sous cette blouse blanche que je portais moi-même, son teint légèrement hâlé et ses boucles brunes lui tombant sur le visage... En fait, il est trop parfait pour moi. Et ça, je l'ai compris trop tard puisque j'ai réussi à le faire souffrir en refusant la bague.


Après ça, c'est le vide total dans mon esprit. Je me souviens juste de la tristesse omniprésente. Les moments passés sans lui était un supplice.


J'ai tellement honte de mes sentiments. Comment ai-je osé ? Et Lucie qui souffrait en silence par mon insouciance.


9h30

Même si les médecins m'ont répétée maintes fois que lorsqu'elle sera réveillée, je serais la première prévenue, je ne peux pas me résoudre à partir de cet hôpital. Je dois rester jusqu'à son dernier souffle. Le problème est que je commence vraiment à m'ennuyer. J'ai bien essayé de dormir, en vain, alors j'en suis même arrivée à appeler les parents. Oui, j'étais désespérée. Et d'ailleurs depuis le début, je savais que c'était une très mauvaise idée, mais comme on dit : l'espoir fait vivre ! Bon, si je n'avais pas eu cette idée farfelue, cela m'aurait évité d'être dans aussi en colère que maintenant. Mais ce qui est fait est fait ! Et puis au moins je suis fixée.


Bref, tout cela pour dire que je les ai appelés. Je leur ai tout de même annoncé la nouvelle comme quoi Lucie était à l'hôpital ; et ils n'ont même pas daigné changer leur emploi du temps ! « Le temps que l'on obtienne un vol, ce sera trop tard ! » m'a dit ma mère. Et comment osent-ils se prétendre médecins après ça ? Ils se disent altruistes en travaillant en bénévolat pour les pays du Tiers-monde, mais ils ne sont même pas capables de rester auprès de leur fille ! Quelle bande d'e salauds ! Heureusement que je suis là pour Lucie parce que sinon elle pourrait mourir que personne ne s'en soucierait ! De toute façon, je le savais, pourquoi changeraient-ils leur emploi du temps au moment fatal ? Ils n'ont jamais assumé leur rôle de parents, envers elle.


Qu'ai-je de plus ? Pourquoi se sont-ils toujours plus souciés de moi ? Pourquoi m'aiment-ils ? La réponse est simple finalement : parce que je suis en bonne santé. C'est bien malheureux de la part de médecins reconnus mondialement. Quel titre ont-ils déjà ? Ah oui : PROFESSEURS. Ils ont dû l'avoir dans une pochette-surprise, je ne vois pas comment sinon.


Finalement en y réfléchissant ce n'était peut-être pas une si mauvaise idée que ça de les avoir appelés. Bien sûr ! Lorsqu'ils verront la supercherie, cela leur fera une bonne leçon ! En plus de sauver Lucie en m'ôtant la vie, peut-être regarderont-ils plus autour d'eux après ça ?

J'ai retrouvé le sourire. Tout sera mieux après ça. Et Lucie pourra enfin être heureuse. Il est maintenant temps de mettre mon plan à exécution.


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Finalement j'ai décidé de fragmenter en 2 le chapitre 20, il y aura donc la deuxième partie de ce chapitre qui va arriver et qui sera toujours issu du journal de Julie, puis le chapitre 21, qui sera le dernier :)

J'espère que cette partie vous a plu, normalement bcp de questions ont été résolues. N'hésitez pas à me dire si vous n'avez toujours pas compris et à me dire vos impressions !

N'oubliez pas de voter, et de commenter si vous voulez réagir ! <3

Elle s'appelait Lucie [Terminée]Where stories live. Discover now