𝒟ℯ𝒶𝒹 ℳ𝒶𝓃

II

J'observe silencieusement la neige tomber, écrasant ma cigarette dans le cendrier avant de m'étirer

- Il faut que j'aille bosser

Je ne bouge pas pour autant, trop flemmarde pour sortir sous la neige. Mon regard fini par se poser sur le briquet et je me lève du bord de ma fenêtre, il faut que je bouge où je finirais à la rue

Arrivée au travail, je pars me changer et m'installe derrière la caisse. Jeudi, huit heures du matin, la supérette est presque vide et je peux me permettre de mettre mon casque

Je hais mon job

- Bonjours mademoiselle

Je retire mon casque et affiche mon habituel sourire poli en scannant les articles

- Bonjour madame

- C'est fou cette météo, il y a 3 jours, on avait un grand soleil et aujourd'hui il neige

Une vieille bavarde dès 8 heures, ma journée commence mal

- Effectivement, le temps en fait des siennes

- Et ça ne risque pas de s'améliorer, vous savez mon fils à un ami qui lui a expliqué que...

Elle continue de me parler une dizaine de minutes et je me contente de réponse polie

- Oui madame, ça vous fera 2 725 ¥

Elle me donne l'argent, récupère ses quelques articles, me salue et part, me laissant enfin retourner à ma musique.

La journée passe ainsi, longue et inintéressante jusqu'à ce que, vers 21 heure, on me pose une boîte de taiyaki devant le nez et je reconnais le zombie d'hier soir

- Il n'y a plus que celle-là dans le rayon

Sa voix et calme, juste glaciale

- Et ?

- J'en veux une deuxième

Je le fixe un instant

- Et moi je veux un meilleur boulot sauf que surprise, on n'a pas tout ce qu'on veut dans la vie

On se dévisage plusieurs longues secondes et je finis par demander en regardant dans le magasin

- Tes subordonnés ne sont pas avec toi ?

- Ils m'attendent dehors

- Si j'étais assez égocentrique j'oserais penser que t'es venu ici juste pour me voir

- Ton égocentrisme a raison

Je crois les bras, m'appuyant contre le dossier de ma chaise

- Comment t'as su que je bossais là ?

- Tu portais encore ton uniforme de travail hier quand on s'est parlé

- Je pensais pas que tu pouvais voir ce genre de détail avec les sacs que tu as sous les yeux

Il ne rigole pas, même pas un sourire, pas étonnant

- Et donc, qu'est-ce que tu veux ? Si c'est encore cette histoire de remboursement je pensais l'avoir fait comprendre à la myrtille, j'ai besoin de rien

- À part un meilleur boulot

- Oui, à part un meilleur boulot

- Que je peux t'offrir

- Non merci

- Comme tu veux, je peux avoir mes taiyaki maintenant ?

- Y'en à plus dans le rayon