Les Royaumes de Cartes [EN RÉÉCRITURE]

Chapitre XXI : Amaterasu

     C'est toujours pâle et mouillée qu'Ama sortit de la gare que l'on disait scolaire de la ville, les Corello derrière elle, elle se hâta de s'extirper hors de la foule, parfaitement consciente qu'Ace n'irait pas affronter cette dernière pour la retrouver. Lorsqu'elle s'en échappa, elle regarda autour d'elle, mais n'apercevant pas le blondinet, elle se tourna vers ses amis.

- Vous voyez vos parents ? s'enquit-elle alors, appréhendant l'idée de se retrouver seule dans cet endroit bondé.

- On n'habite pas loin de la gare, on rentre seuls, expliqua June. Mais on ne va pas partir en t'abandonnant.

- Merci, gémit l'amnésique.

     Les mains crispées sur son sac, elle remarqua que Nath avait amorcé un mouvement pour tendre la main vers elle, avant d'abandonner en soupirant. Intriguée, elle haussa un sourcil dans sa direction, pris sur le fait, ses joues prirent une jolie couleur rose.

- Je peux récupérer ma veste s'il te plait ? Mes parents vont me trucider s'il me manque un truc, demanda-t-il, la voix timide.

     La jeune fille ne chercha pas à comprendre, à s'interroger ou à s'étonner et se dépêcha de retirer l'habit emprunté, ou volé, par June pour Ama qui le donna à son propriétaire respectif.

     Brutalement, elle sentit une grande paire de main s'abattre sur ses épaules avant d'être brusquement tirée en arrière jusqu'à être cognée contre un torse musculeux. Désorientée, elle remarqua que June avait serré les dents et s'apprêtait à s'enflammer à côté de ses frères qui paraissaient désemparés mais prêts à s'en prendre à ces mains mystères. Aussitôt, l'amnésique leva la tête et remarqua que cette grande paire de mains n'appartenait à personne d'autre qu'Ace, le colérique au regard si noir que la jeune fille se mit à craindre pour la vie de ses amis. Lorsque ce même regard sombre glissa sur Ama, elle fut prise entre une étrange envie de se tasser sur elle-même et, à l'opposé, une forte envie de se redresser pour soutenir le regard du jeune homme furibond. Elle mixa les deux, elle maintint son regard plongé dans celui ciel d'Ace tout en évitant de se redresser.

- Les garçons sont une espèce de laquelle tu dois te tenir très éloignée. Ok ? gronda-t-il, l'air d'avoir des droits sur elle.

     Le grand Ace Arialsom s'inquiéterait-il pour la petite Ama sans nom ? Comme c'était touchant. Mais elle n'aimait pas le ton qu'il prenait, autant qu'elle s'en sentait attendrie. Attendrie d'avoir l'impression qu'il se souciait d'elle, mais elle n'aimait pas qu'il lui parle sur ce ton autoritaire. Elle pouvait encore passer du temps avec ses amis, ceux masculins compris, tranquillement non ?

- Et les filles je ne dois pas m'en tenir éloignée ?

- C'est une espèce moins dangereuse.

- Ah et pourquoi ?

- Parce que je connais les hommes bien mieux que toi, la moitié d'entre eux est complétement stupide, un quart pense avec les muscles, un huitième avec l'appareil reproducteur et ceux qui restent, les hommes parfaits dit-on, sont, au mieux, homosexuels, au pire, morts. Tu veux vraiment tenter ta chance et ressortir le coeur brisé ?

- Je peux être lesbienne, suggéra Ama.

- T'as vraiment cru que je ne voyais pas ta façon de zieuter sur les garçons ? Ou ce regard rêveur que tu as quand tu lis un livre avec l'homme parfait, gentil, poète, amoureux, bien jaloux mais pas maladif non plus ?

     Il n'y avait aucun doute sur le fait que les joues d'Ama avaient la température adaptée pour faire cuire un oeuf dessus. Les Corello n'étaient pas plus à l'aise qu'elle d'ailleurs, Nath évitait de trop regarder Ace et Ama, mais ses yeux étaient toujours attirés par eux, Fred gardait le regard résolument fixé sur les deux opposants, mais le mouvement de main dans ses cheveux prouvait sa gêne, même légère. Seule June avait un sourire amusé. Ce qui ne l'étonnait guère. Bien que gênée, elle s'efforça de tenir le regard d'Ace. Futur médecin, évidemment que ça ne le gênait pas de parler ainsi ! Mais elle trouvait cela très inconfortable d'être poussée dans un malaise sans que lui ne soit dérangé.